«LA PLUS GRANDE SCENE AMERICAINE POUR PARLER DES PRODUCTIONS AFRICAINES»
New York African Film Festival - Tenues traditionnelles des quatre coins de l’Afrique, présence de plusieurs générations de la diaspora, mais aussi de curieux qui n’ont jamais mis les pieds sur le continent...
Tenues traditionnelles des quatre coins de l’Afrique, présence de plusieurs générations de la diaspora, mais aussi de curieux qui n’ont jamais mis les pieds sur le continent... L’atmosphère est bon enfant, et les échanges et discussions sur les films sont nombreux. «Sincèrement, je suis comblée lorsque je vois des réalisateurs, des acteurs ou actrices qui parlent, s’assoient avec les spectateurs, jeunes, ou moins jeunes, car l’échange, la discussion sont parmi les éléments les plus importants de ce festival», déclare Mahen Bonetti, la fondatrice et directrice du Nyaff. «Il faut un débat constant et amener l’Afrique sur le devant de la scène par le cinéma, mais il faut aussi que les gens se mélangent, apprennent les uns des autres, et c’est l’une des raisons qui m’a fait démarrer ce festival, il y a plus de trente ans.» Née en SierraLeone et venue à New York faire des études de communication dans les années 80, Mahen Bonetti réfléchit rapidement à la manière de rendre plus visible son continent de naissance, dans un pays souvent critiqué pour son manque d’ouverture vers l’extérieur.
Les Etats-Unis sont alors en plein débat sur la question de la visibilité des communautés afro-américaines, et la jeune étudiante veut amener l’Afrique dans la discussion. Un évènement vient donner un coup de pouce supplémentaire à son projet. «Lorsque la chanson We are the world, de Usa for Africa, portée par Michael Jackson et Lionel Richie, est sortie en 1985, on a senti qu’il y avait une montée de l’intérêt porté sur l’Afrique, car ce titre a eu un succès immense, et les gens ont commencé, ici, à s’intéresser aux thématiques de l’Afrique : la pauvreté certes, mais pas seulement. Ça a été l’élément qui a aidé à une prise de conscience», se rappelle-telle. Avec une bande d’amis, ils démarrent l’aventure du Nyaff en 1993, avec une première édition essentiellement consacrée au cinéma de la légende sénégalaise Ousmane Sembène. «Je m’en souviens comme si c’était hier, sourit la directrice du festival. On avait réussi à le faire venir, à ouvrir la porte des Etats-Unis à des réalisateurs africains, à les faire connaître ici, et les gens ont tout de suite accroché. On a senti dès le départ que le cinéma africain attirait une grande curiosité, et on a continué sur la lancée.»
Depuis plus de trois décennies, des rétrospectives de Djibril Diop Mambéty, de Abderahammane Sissako, mais aussi de Fanta Régina Nacro et Jean-Pierre Bekolo, ont été organisées, et l’édition 2024 a mis un coup de projecteur sur la légende camerounaise Jean-Pierre Dikongé Pipa, venu parler des productions de son pays avec son compatriote Jean-Marie Téno. «C’est primordial, vital pour la promotion du cinéma africain, d’avoir des festivals comme le Nyaff», souligne le réalisateur. «C’est un marché hyper compétitif, mais il y a un public pour regarder les films venus du continent, et avoir une fenêtre de visibilité à New York, c’est peut-être la meilleure porte d’entrée, la plus grande scène américaine pour parler des productions africaines.»
Apporter les œuvres cinématographiques africaines et de la diaspora sur grand écran
Pour Mahen Bonetti, le festival grandit et prend une place importante dans le panorama des événements liés au septième art dans la Grosse Pomme, malgré la concurrence énorme du Tribeca Film Festival, mais aussi du New York Film Festival, deux mastodontes qui attirent plus de 10 000 spectateurs par an. «Mais on continue de se faire une belle place au soleil, et on voit de plus en plus de personnes venir [environ 400 personnes pour la soirée d’ouverture, 80% de taux de remplissage des séances en moyenne, Ndlr], et notre programme s’allonge, année après année ! C’est plutôt bon signe.» «Lors des premières années, nous avions 7-8 films et on ne savait pas vraiment quand on aurait des salles disponibles, on était dans la débrouille la plus totale, se souvient la fondatrice. Trente ans plus tard, on projette plus de 90 films, de 30 pays différents, sur plus de trois semaines. Le festival est bien installé, mais il faut toujours continuer à se battre.» Autre objectif important, attirer les jeunes, et continuer à créer une discussion pour apporter les œuvres cinématographiques africaines et de la diaspora sur grand écran de ce côté de l’Atlantique, où la curiosité pour le sujet est croissante. «Ce festival a permis à des Sembène et autres d’être vus et connus aux Etats-Unis, mais il faut viser de plus en plus large en mixant les œuvres classiques et les nouvelles tendances, comme les films d’animation et les courts métrages par exemple, explique Mahen Bonetti. Mais aussi donner de la voix et une tribune aux jeunes talents du continent et de la diaspora.»
Rfi