«LE SENEGAL N’A PAS QUE LE MBALAX COMME MUSIQUE»
Nul n’est prophète chez soi ! Cette citation colle bien au musicien Nayaband Jean et qui vit aux îles Canaries depuis 17 ans. Grâce à son talent, il a réussi à conquérir le « cœur » des insulaires de cette partie espagnole.
Nul n’est prophète chez soi ! Cette citation colle bien au musicien Nayaband Jean et qui vit aux îles Canaries depuis 17 ans. Grâce à son talent, il a réussi à conquérir le « cœur » des insulaires de cette partie espagnole. Corpulence moyenne, habillée en patchwork, des rastas qui pendent et un gros chapelet autour du cou, Jean dégage le caractère d’un homme très free, relax et passionné de ce qu’il fait. « Je suis le chef d’orchestre du groupe Nayaband sur les iles Canaries où je vis depuis 1999. Le groupe excelle dans des sonorités musicales variées comme le reggae, le dub, le blues, le jazz, mais aussi des rythmes africains tels que le Mbalax, le Soukouss entre autres
Ce compatriote qui a choisi les îles canaries comme terre d’accueil a débuté la musique par le rap avant de verser dans les autres types de musique comme le reggae, Jazz et autres. « J’ai connu les îles Canaries en 1999 avec mon premier groupe de rap Banorz qui faisait du Acapella. Nous avions fait une tournée d’un mois et demie avant d’y retourner. Quand je suis revenu, je me suis rendu compte, musicalement parlant, qu’il y avait beaucoup de choses qui manquaient. C’est là que j’ai commencé à faire des investigations sur la musique africaine et sénégalaise (Sérères, Diolas, Mankagnes etc.). Et je suis resté 4 ans au Sénégal avant de redemander le visa pour repartir aux îles Canaries », explique-t-il, revenant sur son amour des îles canaries. avant de poursuivre : « Je fais de l’afro, Franki, Jazz, reggae, acoustique, un peu de tout. Mon cd précédent est tout reggae, le deuxième cd était dans le registre afro- jazz et autres. Le troisième était une pure acoustique. J’ai collaboré avec pas mal de musiciens des îles Canaries. C’est avec les festivals qu’on n’arrive à gagner de l’argent. Car, les cd ne rapportent rien. On les fait juste pour pouvoir les présenter dans les festivals. Ils permettent juste d’être connus. Personnellement, je ne vis pas seulement de la musique. C’est une passion », a-t-il fait savoir.
« Les rappeurs qui s’insultent c’est désolant. On faisait du rap sans injures »
Jean est un homme de défis. il conte avoir beaucoup travaillé pour arriver au sommet de la musique dans son pays d’accueil. « le lieu de travail des musiciens ce sont les scènes. Au départ, j’ai monté mon groupe. Je suis parti voir les salles de jazz. C’est là que les gens ont commencé à s’intéresser à ce que je fais. J’ai travaillé le concept musical africain. J’ai beaucoup travaillé en échelonnement jusqu’à gagner du terrain dans la zone », explique-t-il. Jean a débuté la musique à 14 ans. Parmi les leads vocaux de la chorale nationale, il a travaillé sous la manette de feus doudou Ndiaye Rose et Julien Jouga. Il s’est également intéressé au rap, faisant partie des premiers musiciens à s’intéresser à ce style musical. il se désole qu’aujourd’hui, les rappeurs copient trop sur les américains alors que nos cultures sont différentes. « Nous avons nos propres réalités et ce n’est pas mal de faire comme les Américains. Mais le Sénégal est un pays où le respect des uns et des autres résident toujours. Je pense que nous ne sommes pas des Américains, ce ne sont pas nos réalités. On nous a éduqués dans des valeurs comme la tolérance, le respect mutuel des uns et des autres etc. Parce qu’il faut savoir une chose, personne n’est plus indiscipliné que les gens. Je peux comprendre aussi la promo négative qui donne du buzz .Mais le faire sans excès. Au moment où l’on faisait du rap, il y avait que du bon. On n’insultait pas, mais on était très connu. Je pense que c’est vraiment une erreur d’insulter des gens, même si les gens sont libres. Sûrement il y a des gens qui consomment ces types de musiques. Mais personnellement, je ne consomme pas ce type de musique », a-t-il soutenu.
« Fallou Dieng et Alioune Mbaye Nder ont disparu »
Sur la musique Mbalax que beaucoup considèrent comme la seule identité sénégalaise, Jean explique : « la musique sénégalaise est vaste. Le Mbalax n’est pas seulement la musique sénégalaise. il y a pas mal d’autres musiques. Il y a des sénégalais qui font de l’acoustique, le Yela etc,. Touré Kunda avait fait ici le Bougarabou. L’erreur que nous commentons généralement, c’est de penser que le Mbalax est la seule musique sénégalaise. C’est pourquoi c’est difficile de voir dans les festivals en Europe des sénégalais. c’est plein de Guinéens, d’algériens, de Marocains. C’est souvent cheikh Lo, Youssou Ndour, Ismaïla Lo, Baba Maal et il y a maintenant Carlou D. Youssou Ndour ne chante pas que le Mbalax, il fait également un Mbalax où il y a de la touche Jazz », a-t-il dit. Selon notre interlocuteur, le Mbalax est une musique mal formulée. Ce qui fait que les sons ne font pas long feu sur les marchés. « Je ne fustige pas le Mbalax, mais j’ai l’impression que ce sont les mêmes morceaux qui se répètent. Il y a trop de tam-tams.
Le Mbalax, ce n’est pas mal. « Où sont Fallou Dieng, Alioune Mbaye Nder et les autres ? Où sont-ils ? Si ce qu’ils faisaient étaient de la vraie musique, ils resteraient toujours au sommet. Il faut que les gens pensent à la musique qui dure pour toute la vie. Bob Marley est décédé depuis longtemps (1986), mais il fait toujours l’actu. Mais Fallou a disparu, on ne parle plus de lui », a-t-il tonné. Jean se dit prêt de revenir au Sénégal pour conquérir le cœur de son peuple. Humaniste aussi, Jean fait beaucoup dans le social. «J’ai peur du Sénégal.
Dans les années 1990, Youssou Ndour avait invité un grand musicien lors d’un concert au stade Demba Diop. Il s’agit de Luka Kanza. Il a été hué par les gens. Je n’avais pas compris. J’étais monté sur scène à un concert à la place de l’Obélisque, dès l’appellation de mon nom, ils m’ont hué. Je me suis dit que les gens n’écoutent pas avant de juger. C’est ce qui est anormal. Je suis revenu au Sénégal pour faire dans le social et donner en même temps des concerts. Je fais un concert à Louga où j’ai décidé de construire une église. J’étais en Casamance et j’ai organisé des concerts. J’ai publié trois cd. Je développe des thèmes sociaux. Mon dernier cd a gagné le prix aux îles Canaries. Ça parle de l’immigration », a-t-il conclu.