L’OMBRE DU PAPA PLANE SUR LE GARÇON
WALY SECK FILS DE THIONE SECK
Wally Seck est un jeune artiste très adulé par sa génération. En dix ans de carrière, il a réussi à supplanter beaucoup de ténors de la musique sénégalaise. C’est parce que son papa lui a déblayé le chemin. Thione Seck a pratiquement tout cédé à son fils.
Thione incarne la sagesse avec des lyrics qui frisent la poésie. Il lui est même arrivé de reprendre dans ses chansons des versets du Coran ou des écrits de Serigne Touba. Waly, c’est un dandy contemporain qui au-delà de la musique a créé une véritable mode. Loin des costumes sur mesure de son père, Waly adore les habits serrés. Il est osé dans son habilement et a initié une «révolution vestimentaire» plus ou moins adoptée par les jeunes sénégalais : pantalons et chemises slims, des jeans perlés, des hauts et pulls efféminés, port de sac à main…
Si Wally Ballago Seck peine à faire accepter son style vestimentaire (Peon) aux Sénégalais, ce n’est pas le cas pour ses envolées lyriques qui séduisent plus d’un. Dans les familles griottes, la musique se transmet de père en fils. Chez les « Seck », le chant et la percussion constituent un héritage des aïeux. De la cour de Lat Dior à la boite de nuit «Penc mi», les « Seck » perpétuent le legs ancestral. Aujourd’hui, c’est Ballago-fils qui est le porte étendard de la famille. Il a le titre de Faramareen (Ndlr : le griot attitré de Mareen, son village d’origine). C’est parce que son papa a su garder l’héritage et l’adapter aux mutations contemporaines.
Thione Seck a très tôt compris qu’être un excellent chanteur traditionnel ne signifie guère faire carrière dans la musique. Il faut maîtriser le Show-business. Et dès son départ de l’orchestre Baobab en 1984, il crée « Raam Daan » (Ndlr : en Ouolof : petit à petit l’oiseau fait son nid). En collaboration avec de grandes maisons de productions, il trace son propre chemin avec des albums internationaux comme « le pouvoir d'un coeur pur », « Dieulleul »… En 1996, il réalise ses plus grands succès internationaux sous le label « Syllart». Il a fait sortir 3 albums dont le chef-d’œuvre « Orientissimo», un album concept enregistré entre Dakar, Le Caire et Bombay et qui l’a permis de récolter beaucoup de trophées. L’actuel batteur de l’orchestre Baobab et grand ami du chanteur, Mountaga Koité d’indiquer que le charisme de Thione Seck a beaucoup contribué à la réussite de l’artiste. « Thione c’est le franc-parler. Il est très généreux et il n’aime pas l’injustice. Il a une carrière bien accomplie. Regardez son patrimoine, son studio comparé à beaucoup d’artistes, il n’y a pas de quoi rougir. Tout au contraire, c’est une réussite à 100%. Il a formé un grand groupe. Il a fait le tour du monde»
WALY HERITE DU «RAAM DAAN» ET CREE SON PROPRE LABEL
Le Rossignol comme on l’appelle a également préparé sa succession. Toute son expérience a été mise à la disposition du longiligne et très stylé Waly Seck. Ayant raté sa carrière de footballeur professionnel, il s’est rabattu sur la musique. Thione Ballago Seck n’avait d’autre choix que de lui déblayer le chemin. Sous la coupe de son papa, Waly hérite du groupe, du matériel, du lieu de production de spectacle… Le chef d’orchestre du groupe Raam Daan Papis Ndiaye a d’ailleurs arrangé tous ses sons. Waly Seck n’avait qu’à dérouler et relever le défi et il l’a fait. « Sans les moyens de son père, Waly ne serait pas arrivé là. Il a su profiter de l’influence et de la renommée de Thione», dit Mountaga Koité. Quant à l’acteur culturel Guissé Pène, il soutient : «Thione Seck a su préparer sa succession en léguant sa boîte de diffusion, ses musiciens… Et Waly Seck a su que cet héritage lui est légitime et il l’a bien exploité».
Dès son arrivée sur la scène musicale en 2007, il envoute le public avec le tube « Bo dioudo » (Ndlr : une fois né) dans lequel il explique ne suivre que les traces de son père. Il sort son premier album en 2009. Aujourd’hui, il en est à son quatrième. « Il assure la relève avec un style qui lui est particulier. Il a la tête bien faite, il est beau, il s’habille bien, il a son charme, il danse bien et il sait capter son auditoire », laisse entrevoir le vice-président de la Fédération des métiers de la culture du Sénégal (Femec), Guissé Pène. Mais Waly Seck veut faire mieux que son père. En dehors de toute la logistique héritée de Thione Seck, il crée son propre label en référence à son nouveau titre : Faramareen. Il s’agit d’un label de production avec une télévision en vue. Le formateur dans l’environnement juridique de la musique et conseiller spécial au Grand théâtre national, Guissé Pène d’affirmer que Waly est en train de dépasser son papa en terme de business. «Waly a des opportunités innombrables en business et il les exploite. C’est un phénomène, une icône pour sa génération. Il est jeune comme plus de 50% de la population sénégalaise. Un grand marché s’ouvre à lui. En plus, il est arrivé à une époque où de grands noms de la musique sénégalaise comme Oumar Pène, Youssou Ndour, Baba Mal , Ismaïla Lo etc., sont en fin de carrière. Cela étant, il peut même devancer son papa et réaliser ce qu’il n’a jamais pu : Être le Number one de la musique sénégalaise». Maintenant, selon Monsieur Pène, il importe de savoir si effectivement son staff sera à la hauteur dans la gestion de la carrière de l’homme. « Car beaucoup d’artistes rayonnant par le passé ont disparu de la scène faute d’une bonne gestion de leur carrière. En tout cas, il est parti pour être l’un des ténors de la musique sénégalaise », révèle-t-il.
«WALY TENTE D’IMITER SON PEINE, MAIS PEINE A L’EGALER»
Thione Seck a fait ses preuves avec son groupe Raam Daan, et bien avant avec le mythique orchestre Baobab. Il a été l’auteur de nombreux succès avec ce groupe dans les années 1970, avec la production de morceaux fétiches comme «Sey», «Thioro Baye Samba», «Cheri Coco», «Nialagne», «bar lingue »… C’est là-bas d’ailleurs qu’il s’est familiarisé avec le percussionniste et batteur de Toumba, Mountaga Koité. Ils étaient d’ailleurs appelés les benjamins de Boabab. A la question de savoir si Waly Seck n’a pas dépassé musicalement son papa, Mountaga Koité de répondre : « Waly Seck a réussi et il est apprécié par la majorité de la population. Mais il n’est pas comme son père. Il ne fera pas plus que son père. Thione Seck est un parolier. Un poète. De ce point de vue-là, Waly ne lui arrive pas à la cheville. Il a une belle voix mais pas la même que son papa. Leurs voix ne se ressemblent même pas. Ils n’ont pas les mêmes harmonies, c’est différent. Thione Seck a un ton oriental et son fils est plutôt moderne.» L’acteur culturel Guissé Pène d’emboucher la même trompette en soutenant que Thione Seck est un peu au-dessus de Waly Seck côté technique vocale. «Waly a beaucoup imité son père. On a l’impression au début, d’entendre Thione Seck. C’est le même timbre vocal. Mais la différence c’est au niveau des envolées. Thione a des envolées fluettes alors que Waly a des envolées plus basses et plus longues. Thione chante en mesure. Il a une oreille attentive sur les mesures et les pauses. C’est quelqu’un qui ne fausse pas les notes. Alors que de l’autre côté, Waly c’est beaucoup dans le live, aidé en cela par ses musiciens qui bouchent toutes les incohérences. »
Par ailleurs, Guissé Pène souligne que Thione Seck a beaucoup plus d’ouverture à l’international. Il a obtenu beaucoup de trophées avec son album «Orientissimo», renseigne-t-il, poursuivant que, «Seck-fils» fait de la musique pour les Sénégalais. Selon l’acteur culturel, si on veut être mondialement reconnu, il faut tâter les autres scènes, il faut partager de grandes scènes avec des artistes internationaux. «Des morceaux de Thione Seck par exemple ont été repris par de grands artistes internationaux comme Hélène Seguera. Alors que avec Waly, c’est l’inverse. C’est plutôt lui qui reprend», déclare Monsieur Pène. Tout compte fait, il dit être convaincu qu’on ne peut pas comparer 40 ans de carrière avec 10 ans d’activités. «Thione Seck a touché toutes les formes de musique : folklore avec du Xalam, musique hindou, Mbalax etc. Peut-être qu’avec le temps Waly prendra le dessus. Mais pour le moment, Waly bénéficie plus d’un espace de diffusion plus large avec tous les supports de diffusion en sa disposition. Or son papa a évolué, une bonne partie de sa carrière, dans l’analogie avec les cassettes », indique-t-il. Waly Seck semble aujourd’hui comprendre que pour être un ténor de la musique sénégalaise, il faudra bien la représenter à l’international. Il a un oeil de plus en plus rivé sur l’international. La preuve, il s’est essayé à la scène de Bercy qui a plus ou moins réussi et depuis quelques temps, il se produit régulièrement avec le jeune artiste malien Sidiki Diabaté.