MUSIQUE – VIOLENCES SUR LES ADOS : GENJI HIP-HOP REFUSE LE SILENCE
«Dotouniou nopi» pour dire que «Nous n’allons plus nous taire» en français, parle de pédophilie, d’inceste, de viol et des attouchements que subissent les adolescentes et adolescents.
Dans le cadre d’un projet de sensibilisation sur la santé de la reproduction des adolescents, «Genji», une association qui regroupe des femmes artistes, activistes et féministes évoluant dans le hip-hop et les cultures urbaines, a sorti un nouveau single. Comme toujours, l’engagement est au rendez-vous. «Dotouniou nopi» pour dire que «Nous n’allons plus nous taire» en français, parle de pédophilie, d’inceste, de viol et des attouchements que subissent les adolescentes et adolescents.
Dotouniou nopi est une nouvelle chanson de l’Association Genji hip-hop sortie depuis le 20 février et dont le clip-vidéo est déjà disponible sur Youtu¬be. Créée en 2016, «Genji» est le verlan de «Jiguéen» qui signifie femme en wolof. Réunies autour d’une association, ces femmes du hip-hop sénégalais, artistes et activistes, ont voulu porter la voix des sans-voix pour dénoncer les violences faites aux femmes et aux enfants. C’est tout le sens d’ailleurs de ce nouveau single Dotouniou nopi après une précédente chanson qui parlait de la loi portant sur la criminalisation du viol. L’objectif visé est de participer à ce combat de déconstruction de certaines connaissances ou pratiques néfastes, mais aussi accompagner les jeunes sur la santé de la reproduction. «Il faut qu’on participe à la libération de la parole de la femme, des jeunes pour que ces femmes puissent se sentir en sécurité. Et se sentir en sécurité veut dire, connaître son corps, connaître les voies et moyens pour être en sécurité dans ce pays. Et la santé a un rôle primordial à y jouer parce que, comme on le dit, un esprit sain dans un corps sain», explique Ndèye Fatou Tounkara dite Wasso. Selon la présidente de Genji hip-hop, le single a été réalisé dans le cadre d’un projet de sensibilisation sur la santé de la reproduction des adolescents. «Actuellement, nous accompagnons le Laboratoire d’analyse des sociétés et pouvoirs/ Afrique-diaspora (Laspad) de l’Université de Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis. Et ce laboratoire est en train d’exécuter un projet de recherche-action qui s’appelle Hira», souligne Wasso Toun¬kara, formatrice en activisme artistique.
A l’en croire, le but de l’association, c’est d’accompagner ce projet dans la communication en utilisant l’art. «Ce qui veut dire que tout le contenu du single nous a été donné par l’équipe de recherche. Ce sont des résultats que nous, en tant qu’artistes où actrices culturelles, essayons de rendre accessibles envers la population. Et donc, ce single sensibilise sur la pédophilie, l’inceste, le viol et les attouchements sur les adolescentes et les adolescents», a-t-elle expliqué. Joint par Le Quotidien, elle précise que ce single est la première étape de l’état des lieux pour savoir exactement ce qui se passe au Sénégal et les différents types de Vbg qui existent et ce que l’Etat du Sénégal, sur les plans juridique et sanitaire, a prévu pour accompagner les victimes.
Dénoncer les agresseurs
La culture urbaine ou le hip-hop se heurte souvent à des stéréotypes de genre où certains termes voire même mots sont considérés comme sensibles. Wasso Tounkara admet que c’est un peu tabou parce que déjà, le ministère de la Femme ainsi que le ministère de la Jeunesse et le ministère de la Santé leur ont recommandé de ne pas utiliser le terme «sexuel». « Donc c’est la raison pour laquelle, nous utilisons les termes santé de la reproduction parce qu’aussi, quoi qu’on puisse dire, c’est toujours un tabou de parler de la sexualité des ados au Sénégal. Et même quand il s’agit de femmes, c’est toujours tabou et même en parler en société, c’est compliqué», regrette-t-elle. Dans le single, il y a la participation de deux jeunes artistes qui ont écrit les textes et posé l’instrumental.
L’une s’appelle Magui Diop et l’autre Eve Crazy. Pour la militante, à chaque fois que l’association travaille sur un sujet concernant la femme, elle essaye d’impliquer les artistes qui s’intéressent à ce sujet-là. «Donc, elles ont été choisies parce qu’elles s’activent sur ces points-là», confirme-t-elle. A propos des instruments, elle explique que le single a été mixé, enregistré et masterisé dans le studio de Diksa et c’est elle-mê¬me qui a fourni l’instrumental.
Silence et tristesse
De l’émotion, il n’en manque pas dans cette chanson accompagnée d’une vidéo. Car, Dotouniou nopi qui veut dire, «nous n’allons plus nous taire en français», traduit le silence, la désolation et la tristesse, que subissent ces femmes. Evo¬luant dans le hip-hop depuis 2008, Ndèye Fatou Tounkara «invite» les victimes à ne pas perdre confiance, à savoir qu’elles ne sont pas seules dans leur combat et à savoir qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de femmes qui s’activent pour les accompagner dans leur vie, pour qu’elles aient gain de cause dans leur lutte mais aussi, à ce que leurs agresseurs puissent être sanctionnés. «Je les encourage à dénoncer et à continuer les procédures judiciaires sachant que c’est une procédure très longue, très difficile et très compliquée. Mais leur dire également qu’elles ne sont pas seules et qu’elles peuvent avoir confiance en toutes ces femmes qui sont devenues des sentinelles et qui luttent pour l’amélioration des conditions de vie des femmes et des enfants au Sénégal», a-t-elle lancé.