LE FRANC CFA, LENTE AGONIE SOUS L'IMPULSION DU SÉNÉGAL
Fort de sa victoire électorale, Bassirou Diomaye Faye souhaite se faire le porte-voix régional de ceux désirant rompre avec le CFA, mais dans une approche prudente
Le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a fait de l'abandon du franc CFA un cheval de bataille de sa campagne électorale. Une promesse forte auprès de l'opinion publique de son pays, mais qu'il entend mener de manière prudente, comme l'analyse RFI.
Rupture des derniers liens avec l'ancienne puissance coloniale, retrouvaille de la souveraineté monétaire, le débat autour d'une sortie du franc CFA agite l'Afrique de l'Ouest depuis des décennies. Porté par la jeunesse du continent, il s'agit d'un sujet très populaire, symbole d'émancipation post-coloniale.
Cependant, un divorce brutal avec cette monnaie commune à huit pays pourrait avoir de lourdes conséquences économiques, fait valoir RFI. Il risquerait de précipiter le Sénégal dans une crise financière et de faire fuir les investisseurs, un scénario dont le pays n'a pas besoin pour son développement. Même les trois pays dirigés par des juntes militaires et en rupture avec la Cédéao hésitent pour l'instant à franchir le pas.
Fort de sa victoire électorale, Bassirou Diomaye Faye souhaite pourtant se faire le porte-voix régional de ceux désirant rompre avec le CFA, analyse la radio internationale. Mais à l'image des autres dirigeants africains, il prône une approche prudente. Il veut d'abord se concerter avec les autres pays concernés par la future monnaie commune ouest-africaine, l'éco.
Cet éco, dont la mise en circulation est prévue pour 2027 par la réforme de 2020, doit remplacer le franc CFA selon un processus s'inscrivant dans la durée, plusieurs décennies de discussions étant nécessaires pour y parvenir. Le Sénégal n'envisagerait l'option d'une monnaie nationale que si les conditions de convergence régionale ne sont pas réunies à l'échéance, a indiqué à RFI l'économiste Cheikh Fatma Diop, qui a coordonné le programme du parti présidentiel Pastef.
Préalablement, le pays devra assainir ses finances, renégocier sa dette, rééquilibrer son commerce extérieur et constituer des réserves pour garantir cette future devise. Un processus de plusieurs années, le temps de réunir les garanties nécessaires à une sortie maîtrisée du franc CFA selon l'analyse prudente privilégiée par le nouveau chef d'État sénégalais.
Avec la réforme de 2020, le contrôle français sur la monnaie commune ouest-africaine a quasiment disparu. Seul subsiste le nom du franc CFA, désormais symbole encombrant pour certains pays cherchant davantage d'autonomie sur la scène régionale et internationale. Le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye pourrait bien devenir, par une sortie progressive et concertée, la tête de pont de l'abandon de cette monnaie post-coloniale en Afrique de l'Ouest.