LE MINISTERE DE L'EDUCATION COUPE L'HERBE SOUS LES PIEDS DU G7
Alors que le G7 a décrété un mot d’ordre de débrayage de 48 heures pour dénoncer les arrestations « arbitraires » d’enseignants et d’élèves, entre autres points revendicatifs, le ministère de l’Education nationale a sorti une note anticipant les vacances
Alors que le G7 (Groupe des 7 syndicats les plus représentatifs du secteur de l’Education) a décrété un mot d’ordre de débrayage de 48 heures (hier lundi et aujourd’hui mardi) pour dénoncer les arrestations « arbitraires » d’enseignants et d’élèves, entre autres points revendicatifs, le ministère de l’Education nationale a sorti une note anticipant les vacances de Pâques à partir d’hier — elles devaient commencer après les cours de vendredi prochain — jusqu’au 12 avril. Une anticipation qui a « une double explication », selon les syndicalistes qui parlent d’une volonté de sabotage de leur grève.
Plusieurs enseignants et élèves ont été arrêtés la semaine dernière au cours des manifestations tenues en marge de la comparution du leader de Pastef devant le tribunal de Dakar pour y répondre d’accusations de « diffamation» sur plainte du ministre du Tourisme, Mme Mbaye Niang. Certains ont été cueillis jusque dans l’enceinte de leurs établissements, voire en classe et en plein cours, par des policiers et des gendarmes parce qu’ils auraient participé aux manifestations du jeudi 16 mars dernier. Des arrestations suivies d’emprisonnements pour certains parmi ces enseignants et apprenants. Les grèves déclenchées par leurs camarades pour exiger leur libération ont paralysé les enseignements-apprentissages notamment durant la journée du lundi 27mars où des perturbations ont été notées un peu partout à travers le territoire national, surtout à Dakar. Dans la capitale, les élèves du lycée Blaise Diagne ont été délogés par leurs camarades du lycée Delafosse. «Ils sont venus et ont commencé à nous lancer des pierres. Notre principal a fait appel à la police pour nous protéger mais, au final, on a humé l’odeur des gaz lacrymogènes. On était obligé de sortir. C’était aux environs de 11 heures», a expliqué Binetou Kane, une élève de l’établissement.
Aux Parcelles Assainies, en banlieue dakaroise, les élèves du lycée Seydina Issa Rohou Lahi, ex-Lpa, ont fait sortir leurs camarades se trouvant dans toutes les autres écoles publiques et privées environnantes. Ils exigent la libération de leur camarade Serigne Mourtala Niass, arrêté depuis plus d’une semaine lors des manifestations du 16 mars dernier. Après 10 jours passés sans faire cours, ils ont choisi la journée d’hier pour passer à la vitesse supérieure. Ils sont allés faire sortir leurs camarades de cinq (5) écoles privées qui se trouvent aux alentours de leur lycée. Serigne Saliou Diop, élève en classe de terminale, est formel. «Tous les élèves arrêtés sans avoir participé aux dernières manifestations politiques doivent être libérés. On a un devoir à faire mercredi prochain. Mais on va devoir boycotter parce qu’on ne peut pas se permettre de faire ce devoir alors que notre camarade est en difficulté. Nous allons continuer le combat jusqu’à ce qu’il soit libéré», dit-il. Son camarade, Mouhamed, lui, demande à l’administration de l’école de faire un geste qui pourrait faciliter la libération de leur camarade. «J’interpelle l’administration de l’école. Elle doit faire quelque chose pour notre camarade. Parce qu’il est inconcevable d’arrêter un élève comme Serigne Mourtalla Niasse qui n’a rien fait». Serigne Saliou Diop et Mouhamed ne veulent qu’une chose : la libération de leur camarade. Sans quoi, ils continueront de déserter les salles de classe même après le retour des vacances de Pâques, le 12 avril prochain.
Enseignants et élèves au coude-à-coude contre les arrestations « arbitraires »
Un mouvement des élèves qui vient renforcer le débrayage de 48 heures des enseignants des sept syndicats leaders dans le domaine cde l’Education. Le G7 (syndicats les plus représentatifs) a décrété un mot d’ordre de 48 heures de débrayage pour fustiger les arrestations «arbitraires» d’enseignants et d’élèves. Ce mot d’ordre du G7 et le mouvement d’humeur des élèves ont empêché les enseignements au niveau des écoles élémentaires «Colobane 3» et El Hadj Ibrahima Bèye où le mot d’ordre a été largement suivi. Ici, et comme annoncé par les syndicats grévistes, les élèves ont été libérés à 10 heures parce que les enseignants ont respecté le mot d’ordre de débrayage. Mais, pour s’éviter une fin d’année scolaire trop chargée, certains enseignants qui tiennent des classes d’examen ont donné rendez-vous à leurs apprenants, plus tôt que prévu, à partir du 05 avril, lendemain de la fête nationale. Ce, disent-ils, pour pouvoir dérouler le programme normalement, avec surtout des cours de renforcement les après-midi.
Les sept leaders du G7 à savoir ElHadj Malick Youm du Saemss, Ndongo Sarr du Cusemss, Dame Mbodj du Cusemss Authentique, Amidou Diédhiou du Sels, de l’Uden et Mouhamadou Moustapha Segnane du Snelas Fc disent avoir constaté, pour le déplorer, «des arrestations d’élèves et d’enseignants ainsi que la violation quasi systématique de l’espace scolaire par les forces de l’ordre». Le G7 fustige «ces violations de l’espace scolaire ainsi que les tentatives d’intimidation et de restriction des libertés». Il indique que «les syndicats de l’enseignement resteront intransigeants et solidaires pour la défense des libertés collectives et individuelles» et appelle l’Etat «au respect strict des principes de l’Etat de droit pour l’apaisement du climat social».
Mais la veille du démarrage des deux jours de débrayage, lundi et mardi, le ministre de l’Education nationale a sorti une note annonçant le début des vacances de Pâques à partir du lundi 27mars, premier jour de grève des enseignants. Les professeurs et autres directeurs et surveillants d’écoles, pour leur part, estiment que l’anticipation des fêtes de Pâques par le gouvernement à partir de ce lundi a une double explication. «Amon avis, c’est réaliste de la part du gouvernement. Car, comme ils l’ont dit, à chaque fois qu’il y a un procès de Ousmane Sonko, les enseignements-apprentissages sont perturbés. Il y a aussi les mouvements d’humeur des enseignants et des élèves réclamant la libération de leurs collègues pour les enseignants et camarades pour les élèves». Telles sont les deux raisons fondamentales qui justifieraient les vacances de Pâques anticipées, selon l’ex-directeur de l’école PAV et actuel surveillant au lycée Talibou Dabo, Oumar Niang
M. Niang pense surtout que la deuxième raison est valable. «Il faut dire que le premier communiqué disait mardi 28 mars pour le début des vacances de Pâques. Mais dès que le mot d’ordre de débrayage a été publié sur les réseaux sociaux pour lundi et mardi, un autre communiqué est sorti». Ce qui, à son avis, «est réaliste de la part du gouvernement».
Pour le responsable syndical au lycée Seydina Issa Rohou Lahi, ex-Lpa, des Parcelles Assainies, Seydou Seck, cette anticipation c’est juste une stratégie pour gâcher leur mouvement d’humeur. «Cette fois-ci, ce sont tous les syndicats du G7 qui ont décidé de mener le combat pour faire libérer tous les enseignants et leurs élèves arrêtés. Nous avions décidé d’arrêter les cours à partir de 10 heures et pendant deux jours, malheureusement, nous avons constaté que le gouvernement a cherché à nous couper l’herbe sous les pieds en anticipant les vacances. Les parents d’élèves apprécieront», a-t-il dit
En tous les cas, pour le secrétaire général du Cadre unitaire des syndicats d’enseignants du moyen et secondaire du Sénégal (Cusemss), Ndongo Sarr, «ce communiqué qui remet en cause les termes d’un décret aura d’abord comme conséquences la perturbation des planifications ou évaluations des établissements scolaires. Ensuite, les feuilles de route données par les Académies aux chefs d’établissements ne pourront pas être respectées. Aussi, on va voir l’élan des élèves qui avaient fini de réviser, brisé. Pire encore, le quantum horaire sera entamé».
Au-delà de cette question des arrestations d’enseignants et d’élèves, d’autres points revendicatifs sont inscrits sur la plateforme du G7 qui exige surtout la convocation d’urgence du Comité de suivi pour une application des accords du 26 février 2022...