DEUIL PÉRINATAL, LE CHAGRIN DES MÈRES
Bouillir d’impatience d’entendre l'enfant crier de son innocence après l’accouchement, bien des femmes ont été habitées par ce doux sentiment malgré les douleurs de la grossesse. Elles sont également nombreuses à désenchanter après la perte de leur bébé
Bouillir d’impatience d’entendre le nouveau-né crier de son innocence après l’accouchement, le voir grandir, bien des femmes ont été habitées par ce doux sentiment malgré les douleurs de la grossesse. Elles sont également nombreuses à désenchanter, à porter durement le deuil après la perte de leur bébé.
Assise dans son bureau en train de siroter son café, Aminata est soudain prise de vertige. Elle se dirige vers les toilettes pour apprivoiser son mal. Une semaine plus tard, elle se rend à l’hôpital où elle reçoit la meilleure nouvelle de sa vie : «J’étais enceinte». Après sept années d’attente, Aminata voit son vœu le plus cher se réaliser. «Une joie immense m’envahit. Mon mari et moi étions heureux et attendions, avec impatience, l’arrivée de notre bébé», confie la quadragénaire qui, neuf mois après, tient son enfant dans ses bras. «Je le voyais déjà courir dans tous les sens, dans notre maison», se rappelle-t-elle, le visage crispé.
Juste après son accouchement, à bout de souffle, Aminata plonge dans un sommeil profond. À son réveil, le silence de son entourage l’intrigue. «Personne n’a voulu me dire où se trouvait mon bébé et j’ai commencé à avoir peur. C’est le médecin qui est venu répondre à la question qui me taraudait», dit-elle, le souvenir amer. Le bébé tant attendu d’Aminata est finalement mort-né. Dix ans après cette douleur, cet épisode continue de la hanter. «Après sept ans de souffrance liée à mon infertilité, je voyais la naissance de cet enfant comme une formidable aubaine, un don du ciel», soutient-elle, non sans déplorer l’hostilité de sa belle-famille qui l’accusait de porter la poisse à son entourage. En plus d’endurer le deuil périnatal, c’est-à-dire la mort d’un nourrisson en cours de grossesse, lors d’un accouchement ou juste après la naissance, elle a dû endurer les contrecoups dans son foyer. «Mon mari et moi avions fini par divorcer», regrette Aminata qui, aujourd’hui, à 47 ans, a perdu tout espoir de procréer un jour.
Le médecin, coupable idéal
Cette dernière n’est pas la seule à avoir vécu cette infortune. Elles sont nombreuses, les femmes, à en souffrir dans le silence. Farmata a 26 ans. Mariée depuis huit ans, elle a fait six fausses couches. «J’ai eu une béance du col de l’utérus», explique cette élégante femme. En 2019, elle a donné naissance à une fille qui est morte deux jours après. «J’ai failli devenir folle quand ma fille m’a quittée 48 heures après sa naissance», affirme la jeune épouse qui demande à la société d’être plus indulgente avec les femmes confrontées à cette situation. «Déjà, le fait de perdre son enfant est douloureux. Si en plus elles sont jugées par leur entourage, cela peut être infernal. Il faut que les gens acceptent la volonté divine». Elle compte sur cette providence pour, un jour, tenir son fils dans ses bras. «La prochaine fois sera la bonne. Je laisse tout entre les mains de Dieu», dit-elle.
Toutefois, il y en a qui ne se limitent pas à accuser le sort. Le médecin est le coupable idéal pour certaines âmes éplorées ! «Lors de ma dernière échographie, un vendredi, mon gynécologue m’a dit que j’avais dépassé la date d’accouchement et que je devais normalement être « déclenchée » dans les cinq jours à venir», se souvient Mbathio. Le lundi, cette dernière est allée à l’hôpital et on l’a envoyée dans une autre structure faute de place. «Arrivée là-bas, on m’a dit que ce n’était pas le moment d’accoucher. Je suis ensuite allée dans un autre établissement hospitalier où j’ai passé la nuit. Ils ont, eux aussi, dit la même chose. Je suis rentrée et le samedi soir, la douleur devenait de plus en plus atroce. La perte des eaux était importante. J’ai refait trois hôpitaux. Les deux n’avaient pas de place et l’autre était en grève», se désole-t-elle. Sa mésaventure était loin d’être finie.
«J’en voulais même à mon mari»
«Quand je suis partie dans une autre structure, ils m’ont prescrit une ordonnance de césarienne que l’hôpital n’avait pas. Mon mari est sorti l’acheter. Après l’opération, le bébé et moi étions épuisés. Malheureusement, il n’a pas survécu», geint-elle, pointant du doigt certaines sages-femmes qui, selon elle, n’ont aucune compassion envers les femmes enceintes. Les jours qui ont suivi ont été pénibles, le sommeil agité, les nuits longues, le jour amer. «J’éprouvais du dégoût», se rappelle-t-elle, le débit monotone. Elle en voulait au monde entier. Les sages-femmes lui rappelaient l’horreur d’un instant, les gestes de compassion l’irritaient.
Mère Salimata, 68 ans, a aussi surmonté plusieurs drames pour ne pas tomber dans la résignation. Après la naissance de sa fille aînée, une «grande dame» aujourd’hui, la détresse a étreint son cœur. «J’ai perdu quatre enfants dont trois quelques jours seulement après l’accouchement. À la naissance de mon fils cadet, même un petit rhume me rendait anxieuse. C’est aujourd’hui un grand garçon qui m’a donné tant de frissons. Mes excitations indisposaient mon entourage. J’étais en pleine déprime surtout avec les discours ésotériques. Je regardais mon époux comme un zombi. C’est à peine si je ne lui en voulais pas de la perte de nos enfants», relate-t-elle, entourée de sa fille aînée et de son fils cadet, les figures de son réconfort après tant de tumultes.