FATMA KOBAR, UNE DAME DE FER
De la vente de fruits à Sébikotane à la récupération-commercialisation de ferraille, cuivre et aluminium, Fama Kobar fait son chemin. Son activité vaut aujourd’hui un investissement journalier d’environ 200 000 FCfa
De la vente de fruits à Sébikotane à la récupération-commercialisation de ferraille, cuivre et aluminium, Fama Kobar fait son chemin. Son activité vaut, aujourd’hui, un investissement journalier d’environ 200 000 FCfa. Et elle a en ligne de mire l’extension de son business à travers plusieurs dépôts.
Le ciel est menaçant. Les pluies tant redoutées dans la banlieue s’annoncent à travers des orages à faible intensité en cet après-midi du lundi. Malgré cette hantise, le business de la ferraille bat son plein. Des camions, venus de divers horizons, déchargent des centaines de sacs. Ils contiennent du fer, du cuivre et de l’aluminium. Dans cet univers, rien ne se gâte, tout se transforme ; rien n’est jeté, tout est recyclé. Un jeune homme aux muscles mis en exergue par un débardeur dépouille un sac contenant des canettes de boisson vides. Sous le regard d’une dizaine d’hommes, un vieillard les pose sur la balance, puis procède au calcul. Dans ce groupe d’acteurs, un individu attire l’attention. C’est une femme. Elle s’appelle Fama Kobar. Teint noir et petite de taille, elle est toute active. Suant sous son teeshirt rouge et un bonnet noir sur la tête, elle traîne un sac, allant de dépôt en dépôt pour vendre sa marchandise. Jeune et débrouillarde, elle a jeté son dévolu dans la récupération et la vente de ferraille. Aujourd’hui, elle fait la navette entre Sébikotane et Thiaroye Gare trois à quatre fois par semaine. « J’ai investi le secteur en 1999 », rappelle-t-elle toute souriante. Et c’est après plusieurs années passées dans la vente de mangues qu’elle s’est tournée vers ce filon. « Je n’ai jamais été à l’école. J’ai consacré ma jeunesse à la vente de mangues et de fruits cultivés dans la zone de Sébikotane », explique-t-elle. C’est en observant des acteurs vivre dignement de la vente ferraille qu’elle a décidé de tourner le dos à la vente des fruits pour installer son dépôt à Sébikotane. Des débuts difficiles, car c’est avec moins de 10 000 FCfa qu’elle a commencé. « Tout début est difficile, les moyens manquaient. Du coup, je me devais d’être très débrouillarde pour m’en sortir », souligne-t-elle, entourée de barres de fer et de sacs contenant de l’aluminium. « C’est un monde d’hommes. Ainsi, il fallait s’armer de courage pour s’en sortir. Au début, c’était incompréhensible pour certains. Mais déterminée, j’ai foncé sans me préoccuper des préjugés. Sinon j’allais échouer en étant victime du regard social », se défend Fama, sereine.
Un investissement journalier de 200 000 FCfa
« Je suis une femme de caractère. Donc, c’est difficile d’avoir une belle photo », rigole-t-elle avec notre photographe. De 1999 à 2021, Fama a fait son chemin puisqu’elle est passée d’un investissement journalier de 10 000 à environ 200 000 FCfa. Son dépôt à Sébikotane est le point de convergence de plusieurs acteurs du business de la ferraille. « Je me lève tôt le matin, je reçois plusieurs vendeurs et récupérateurs. Je les paie au comptant », informe-t-elle. La cinquantaine de kilogrammes récupérés est revendue tous les deux jours à ses clients établis à Thiaroye Gare. « Tous les fers, aluminium ou cuivre récupérés sont revendus à Thiaroye Gare. Du coup, je rentre avec un bénéfice plus ou moins important », dit-elle, visage souriant, évitant autant que possible de donner un montant exact. Ce n’est pas important à ses yeux. L’essentiel, dit-elle, est de pouvoir subvenir à ses besoins. Et elle « le fait si bien ». « C’est grâce à cette activité que j’ai pu prendre en charge l’éducation de mes enfants. Ils sont même devenus grands. Elle me permet également d’assister mon mari dans les dépenses », se réjouit la dame proche de la cinquantaine. Dans sa tête, les projets défilent. Elle a l’ambition d’étendre son activité en ayant plusieurs dépôts afin de maximiser ses gains pour aider ses proches et même créer des emplois. Certes, elle est femme, mais elle est bien vue par ses collaborateurs. Chapeau sur la tête, un jeune homme confronte le marteau à un métal. Tout suant, il tient à témoigner sur une connaissance vieille de près de 10 ans. « Je la vois presque tous les jours, très active au milieu des hommes. Elle n’hésite pas à aller à la confrontation si la situation l’exige. Elle est brave, indépendante et travailleuse », dit-il tout actif tenant à préserver l’anonymat. Fama Kobar veut préserver autant que possible cette réputation. D’où sa ferme conviction : « Dans la vie, il faut croire en soi, persévérer et travailler. Et la réussite suivra forcément avec une très belle réputation ».