TURQUIE: LA TRAQUE EST TOUJOURS EN MARCHE
Quinze mois après la tentative de putsch en Turquie en juillet 2016 plus de 150 000 personnes ont été licenciées de la fonction publique et des dizaines de milliers de Turcs sont en prison tandis que les procès se poursuivent et s’accumulent
En Turquie, depuis les hommes d’affaires accusés d’avoir soutenu Fethullah Gülen jusqu'aux militants des droits de l’Homme accusés de soutenir le Parti des travailleurs (PKK) kurdes, toutes les sphères de la société turque sont aujourd’hui dans le viseur de la justice.
Ces dernières semaines et dans les prochains jours, une « avalanche » de procès et d’audiences ont eu lieu ou vont avoir lieu. Le quotidien Cumhuriyet en a fait d’ailleurs la recension. On en est désormais en moyenne à une audience par jour dans les tribunaux du pays en ce qui concerne seulement des défenseurs des droits humains ou des journalistes.
Des hommes d’affaires jugés depuis hier, lundi 23 octobre, sont accusés d’avoir financé la tentative de putsch de juillet 2016. Ailleurs, il s'agit de militants accusés de soutenir le PKK kurde ou encore des mouvements d’extrême gauche. Mais les accusations et les procès sont si nombreux, et parfois les preuves si confuses, que certains suspects sont accusés d’avoir soutenu à la fois et en vrac, le terrorisme kurde et les putschistes, avec des preuves parfois très légères.
Osman Kavala sous les verrous
La semaine dernière, un mécène très connu dans les milieux culturels d’Istanbul, a par ailleurs été placé en garde à vue. Osman Kavala est un philanthrope connu notamment pour avoir voulu tisser des liens entre la Turquie et l’Arménie. Il a financé par le biais de sa fondation des dizaines de projets concernant les minorités en Turquie, qu'il s'agisse des Arméniens, des Grecs orthodoxes ou des juifs par exemple. Il a par ailleurs lancé une maison d’édition très connue en Turquie.
Osman Kavala est proche du Parti démocratique des peuples (HDP), un mouvement de gauche prokurde. C'est peut-être la raison pour laquelle il a été placé en garde à vue mercredi dernier à la sortie d’un avion à Istanbul sans que l’on connaisse la raison de cette arrestation puisque dans le cadre de l’état d’urgence, il peut être ainsi détenu une semaine sans que les raisons soient rendues publiques.
Essoufflement de la répression ?
Avec une audience en moyenne par jour, le pouvoir turc semble déterminé à aller de l’avant, même s’il montre des signes de lassitude. Chose assez rare pour être soulignée : une journaliste proche du pouvoir a dénoncé par exemple dans un éditorial l’arrestation de membres de la fédération des droits de l’homme, qui subissent un procès « absurde », selon elle.
Certains journalistes ou militants ont été libérés sous condition ces dernières semaines, même s’ils toujours sous le coup d’accusation. Dans les milieux visés par la justice on craint que ça ne soit surtout peut-être un « ralentissement »... ou les « cafouillages » d’un système judiciaire totalement débordé, mais que d’autres vagues d’arrestations pourraient bien reprendre un jour ou l’autre.