«LES INSTITUTIONS SONT DEVENUES DES ARMES…»
Le juge de la première chambre du tribunal correctionnel de Dakar, Ndary Diop a tenu un exposé sur l’éthique professionnelle
Le juge de la première chambre du tribunal correctionnel de Dakar, Ndary Diop a tenu samedi dernier un exposé sur l’éthique professionnelle. Invité par l’amicale des cadres musulmans du Sénégal, le magistrat est revenu sur la nécessité de créer des Institutions pour combattre certaines dérives, résultant de la gestion des affaires publiques. Non sans déplorer l’utilisation faite de certaines Institutions comme la crei, l’ofnac…
«L’éthique professionnelle du cadre musulman », tel est le thème de la première édition du Forum organisé par l’Amicale des cadres musulmans du Sénégal. La manifestation a regroupé samedi dernier, plusieurs panélistes dont l’ancien ambassadeur et ancien ministre Fadilou Kane et le juge Ndary Diop. Ce dernier a tenu un exposé sur la conception que l’Islam a d’un bon employeur que ce soit l’Etat ou un privé, mais également sur le comportement du cadre musulman face à certaines dérives en se basant sur les valeurs incarnées par le prophète Mohamed (Psl). C’est ainsi que le magistrat et par ailleurs imam à la mosquée de Thiaroye a soutenu que le fonctionnaire ne doit pas faire usage personnel des biens publics ou sociaux pour éviter les faits de détournement de deniers publics ou d’abus de biens sociaux. « Il ne faut pas faire une utilisation personnelle des biens de l’Etat», dit-il non sans attirer l’attention sur l’exemple le plus habituel, celui de conduire un véhicule de l’administration pour des besoins personnels. «Ce n’est pas normal de faire usage de ces voitures en dehors des heures de sa fonction ; ni également de piller les biens de l’Etat ou de les utiliser à des fins personnelles », a-t-il indiqué. Pour ce qui est des recrutements, le juge affirme qu’ils doivent se faire objectivement. «L’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Et l’islam a donné les critères de l’homme qu’il faut. Il faut un homme compétent, intègre, digne de confiance. Donc, il ne faudrait pas se baser sur des liens de parenté ou sur le copinage. Les postes doivent être à compétition», préconise-t-il. Le magistrat Ndary Diop soutient également que les chefs d’Etat doivent créer de Institutions comme la CREI, l’Ofnac, pour combattre les dérives, mais à condition qu’on les utilise rationnellement et objectivement. « C’est des Instituions qu’on peut créer pour combattre les dérives, mais malheureusement ce qu’on a constaté ce sont des armes… De toute façon, aucune sélection ne doit en tout cas intervenir. Ces Institutions doivent être utilisées de façon rationnelle et objective sans distinction d’appartenance à un parti, à une religion ou à une race avec équité et transparence », a-t-il expliqué.
«QUAND ON PREND DES ENGAGEMENTS, ON DOIT LES RESPECTER»
Auparavant, faisant état du comportement du bon employeur que ce soit l’Etat ou un privé, le juge Ndary Diop a déclaré que les employeurs sont les garants de la sécurité des travailleurs et des citoyens et qu’ils doivent respecter tous les engagements pris à leur encontre. « Quand il y a un contrat entre l’Etat et les salariés, ces derniers doivent être payés conformément au contrat. Mais qu’est-ce qu’on voit aujourd’hui dans ce pays, il y a beaucoup de syndicats qui revendiquent des émoluments. C’est quoi si ce n’est un Etat qui ne peut pas respecter ses engagements. Ça aussi, c’est contraire à l’Islam. Quand on prend des engagements, on doit les respecter. Quand on ne peut pas satisfaire les réclamations il ne faut plus promettre quelle que soit la complexité de l’affaire. » Toujours selon lui, quand on signe un contrat on doit payer à temps. «C’est ça l’éthique. On ne peut pas faire travailler des gens et au lieu de les payer, on se permet d’utiliser l’argent à des fins personnelles. Dieu merci, les fonctionnaires de l’Etat n’ont pas des retards de salaire. Mais dans le privé, on fait travailler des gens de 8 heures à midi puis de 14 heures à 18 heures sans les payer à la fin du mois», a-t-il martelé en préconisant un dialogue sincère et permanent entre les acteurs professionnels. Par ailleurs, concernant l’employé, il estime que ce dernier doit respecter les horaires de travail. «Le salaire doit être mérité. L’employé doit accomplir son travail avec honnêteté. Même s’il n’est pas contrôlé, sa foi doit le guider», dit-il.
NDARY DIOP : «LES INTELLECTUELS MUSULMANS DOIVENT SUIVRE LES PROCES COMME CELUI DE KHALIFA SALL ET CELUI DE IMAM NDAO ET CIE»
Il faut dire que le juge de la première chambre du tribunal correctionnel de Dakar, Ndary Diop est également membre de la composition du tribunal devant statuer sur l’affaire Imam Ndao et Cie poursuivis pour des faits de terrorisme. Malgré son emploi du temps chargé, il estime ne pouvoir s’empêcher de partager ses connaissances sur l’éthique professionnelle. Officiant également en tant qu’Imam à la mosquée de Thiaroye depuis 2010, il exhorte les cadres et autres intellectuels musulmans à participer davantage aux débats entretenus dans l’espace public. «Le cadre musulman n'a pas le droit de se taire concernant les affaires de la cité. C’est pourquoi, j’ai invité certains intellectuels musulmans à venir suivre les procès comme celui de Khalifa Ababacar Sall sur la caisse d’avance. Les intellectuels musulmans doivent venir assister à ces audiences pour au moins avoir demain leur mot à dire. Actuellement, on est en train de juger nos compatriotes pour des faits de terrorisme. Les intellectuels musulmans doivent venir pour savoir exactement les tenants et les aboutissants. C’est très normal. Les intellectuels musulmans doivent s’impliquer à tout. Il ne faut pas laisser le champ à des gens qui ne savent que crier», déclare-t-il. Face aux dérives, les intellectuels et cadres musulmans doivent être là pour le Djihad, a-t-il ironisé en poursuivant : « je ne vous dis pas d’aller prendre des armes » faisant ainsi éclater les gens de rires. « Les émirs de l’Islam doivent sortir et parler. Il ne faut pas laisser le terrain à ces soi-disant intellectuels», a-t-il conclu.