«DANS TOUS LES CAS, NOUS SOMMES COMPETENTS POUR UN DROIT DE REGARD»
La Commission de protection des données personnelles (Cdp) est bel et bien compétente pour se prononcer sur le processus de parrainage
La Commission de protection des données personnelles (Cdp) est bel et bien compétente pour se prononcer sur le processus de parrainage. C’est la conviction de sa présidente Awa Ndiaye qui informe que dès qu’il y a collecte et traitement de données personnelles, la structure qu’elle dirige a bien un droit de regard. Dans cet entretien, l’ancienne ministre libérale aujourd’hui alliée de Macky Sall rassure les acteurs politiques et les citoyens que, dans tous les cas de figure, la Cdp veillera scrupuleusement au respect de la loi n°2008-12 du 25 janvier 2008. Cela, tout en faisant part de la disposition de sa structure d’être observatrice dans la commission qui sera mise en place pour les circonstances.
Certains vous reprochent d’avoir mis la charrue avant les bœufs en publiant un communiqué avant même que la loi sur le parrainage ne soit promulguée. Qu’en est-il?
Il n’y a pas eu de charrue avant les bœufs, la Cdp est dans son rôle, dans ses missions. Les missions de la Cdp sont de plusieurs ordres. Mais, une des missions essentielles, c’est l’information, la sensibilisation, en même temps que la vulgarisation des dispositions de la loi. Je crois que dans ce cadre-là, il ne serait pas judicieux, ni opportun ni souhaitable que la Cdp attende que les problèmes se posent pour réagir. Son rôle est de prévenir à la fois toutes les personnes qui sont appelées à gérer un traitement de fichiers de données personnelles de quelque ordre que ce soit, de leur rappeler leurs obligations et en même temps, de les accompagner dans le processus de conformité de ces obligations. Le rôle de la Cdp, c’est également, vis-à-vis des citoyens, de leur dire quels sont leurs droits, pour qu’ils puissent les exercer au mieux et qu’ils puissent contrôler que l’exercice de ces droits est respecté par ceux qui traitent leurs données. Donc, je ne vois pas en quoi la Cdp ne devrait pas prendre les devants, dès l’instant qu’une loi a été votée au niveau de l’Assemblée nationale, pour informer et sensibiliser les uns et les autres, sur leurs droits et obligations. Pour nous, cela va de soi.
-Dès lors que les clauses et les modalités sur le système de parrainage n’ont pas encore été définies, comment est-ce qu’on peut dire que la Cdp peut s’y impliquer ?
Même si les modalités et les clauses précises n’ont pas été définies par rapport au Code électoral, il n’en reste pas moins qu’il y a les grands principes qui disposent qu’en cas de collecte de données personnelles et leur traitement, ces grands principes là sont les mêmes. Quelles que soient les procédures qui seront mises en place au niveau du Code électoral, peu importe, dans tous les cas, il va y avoir traitement des données personnelles. Dès lors qu’il y a traitement des données personnelles, la Cdp est compétente et elle doit remplir son rôle. Maintenant, au fur et à mesure que les dispositions vont être clarifiées, la Cdp pourra, peut-être, apporter des indications de plus en plus précises et accompagner le processus pour qu’il soit conforme avec la loi. Mais, en attendant, la Cdp est compétente, parce qu’il est sûr et certain que la loi sur le parrainage repose sur une collecte des données personnelles des citoyens. La collecte, on le sait, devra se faire par les candidats qui vont chercher des parrains, donc, des informations de citoyens sénégalais. Nous savons que toutes ces listes doivent être intégrées dans une base de données que chaque candidat devra détenir avec un nombre bien précis. Nous savons à quoi va servir cette base de données, et qu’elle sera transférée auprès d’une commission qui sera chargée de la contrôler et de la valider, avant que cette même base de données n’aille auprès du Conseil constitutionnel qui, lui, va valider en dernier ressort. Qui va avoir accès à ces données ? Comment est-ce qu’elles vont être gardées ? Combien de temps vont-elles être conservées ? Tout ça, c’est un traitement et ça nous suffit, nous, de nous conformer à notre rôle de sensibilisation et d’information de ce que la loi dit pour encadrer ce traitement. Pourquoi attendre ? Nous ne serions pas dans notre rôle.
Pensez-vous qu’il est nécessaire d’impliquer la Cdp dans le processus électoral, en le notifiant clairement dans le Code électoral ?
Notre loi de 2008 nous intègre parce qu’elle nous rend compétent dès qu’il y a un traitement de données personnelles, électroniques ou pas. Maintenant, une fois que la commission qui va gérer ces données-là, après la collecte des candidats, va être mise en place, si on nous demande notre avis, nous le donnerons. Mais, si on ne nous le demande pas, nous le donnerons. Nous le donnerons parce que c’est notre rôle de donner notre avis. Par rapport à la commission, comment elle devra traiter toutes ces données collectées. Nous donnerons notre avis. Si maintenant, on veut nous intégrer, pourquoi pas si nous pouvons être observateurs, pas pour manipuler les dossiers, mais pour voir si la transparence et la conformité avec la loi sont bien respectées. Mais, dans tous les cas de figure et même si on nous le demande pas, même si nous ne sommes pas observateurs, même si nous ne sommes pas dans la commission, nous sommes compétents pour un droit de regard parce que ces données sont des données personnelles des citoyens et que c’est notre rôle de les protéger. Nous, ce que nous devons faire, nous pouvons le faire dès maintenant. C’est ce que nous avons fait en publiant d’abord un communiqué pour dire, attention la loi sur le parrainage est passée, il va y avoir collecte et traitement des données personnelles des citoyens, voilà les obligations des responsables de traitement, voilà les droits des personnes. La deuxième chose que nous avons faite, c’est de mettre en place un guide, qui sera bien entendu diffusé. Donc, chacun va voir ce que la loi lui impose et les droits que la loi lui donne. L’autre chose que nous allons essayer de faire, c’est nous rapprocher du Conseil constitutionnel pour voir avec lui les modalités de garantir cette protection des données des citoyens. Et lui dire que nous sommes là, à sa disposition et que s’il a besoin de l’avis, de l’accompagnement, nous sommes tout à fait disposés à le lui donner. Voilà la façon dont nous allons nous impliquer dans ce processus, parce que ce processus là nous implique de par la loi.
Quelles sont les mesures coercitives contre les récalcitrants ?
Non, il n’y a pas de mesures coercitives. On n’est pas des gendarmes, des juges, des procureurs. Nous ne sommes pas là pour des sanctions. Si un citoyen se sent lésé dans la façon dont on a collecté et traité ses données, il est libre de s’adresser à la Cdp, au tribunal, pour faire respecter ses droits. Seulement, ce n’est pas ça qui nous guide en l’état actuel. Ce qui nous guide, c’est justement ce que j’appelle la prévention par la sensibilisation. Ce que nous souhaitons faire, c’est simplement alerter. Notre devoir, c’est d’accompagner l’Etat, les citoyens, les candidats aux prochaines élections pour que les choses se fassent de façon harmonieuse pour tout le monde.
Ne craignez-vous pas que certains aient des suspicions, dès lors que vous êtes colorée ?
Nous n’avons pas d’autres enjeux. Nous n’avons pas d’enjeu politique, ni d’enjeu électoral. Ce n’est pas notre problème. Ce que les candidats vont faire en terme de données recueillies pour qui va les parrainer ou pas, ce n’est pas notre problème. On n’est pas là pour regarder les listes. On ne va demander aucune liste. Tout ce que l’on veut, c’est encadrer le processus de collecte. Tous ceux qui connaissent la loi de 2008 en rapport à la protection des données personnelles savent que cette collecte doit être loyale, elle doit être licite. Nous avons une position qui est à égale distance. Tout ce que nous souhaitons, c’est que les données personnelles des citoyens sénégalais soient traitées de façon conforme à la loi... Si on décidait maintenant que la Cdp soit observatrice au sein de la commission qui va être mise en place, ce ne serait pas Awa Ndiaye. Awa Ndiaye n’a pas les compétences juridiques, au sens stricto sensu, pour véritablement encadrer chaque détail de la loi. Ce serait forcément notre directeur en charge des affaires juridiques, le professeur Niane, qui représenterait la Cdp au sein de cette commission. C’est pour dire simplement que ce n’est pas Awa Ndiaye qui est en cause et ce n’est pas Awa Ndiaye qui parle. C’est la Cdp qui parle. Nous souhaitons que ce soit clair pour chacun.