«IL Y A PLUSIEURS RAISONS EN FAIT»
Babacar Gueye, professeur de droit public à l’Ucad sur les raisons de l’engagement politique des fonctionnaires
L’engagement politique de hauts fonctionnaires de l’Etat en politique, s‘explique par plusieurs raisons. De l’avis du professeur en Science politique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), il y a entre autres, des frustrés qui se sentent à l’étroit dans leur corps de métier, ou des fonctionnaires à la recherche de «raccourci» pour accéder à des fonctions politiques, ou encore ceux qui veulent s’affranchir des «médiocres» qui occupent des positions de pouvoir. Il n’a pas manqué d’appeler à la prudence sur d’éventuelles réformes visant à libéraliser la pratique politique pour certains corps.
«Certains entrent en politique à la suite de frustrations qu’ils ont ressenties face à certaines injustices, à certaines pratiques qu’ils jugent inacceptables et contre lesquelles ils ne peuvent rien faire en restant dans l’administration. Il y en a qui s’engagent en politique par vexation. Ce sont des gens qui se sentent à l’étroit dans leur corps, qui ne peuvent pas s’y épanouir. Ceux-là, en revanche, sont souvent des gens de conviction qui n’acceptent pas de baisser les bras, qui n’acceptent pas l’injustice et qui se disent «on ne peut pas laisser faire». Alors, ceux là peuvent parfois s’engager en politique et démissionner de leur fonction dans l’administration. Ils s’engagent et commettent même des actes suicidaires en révélant des informations secrètes, en prenant des positions qui peuvent nuire à leur carrière ou qui peuvent les amener à démissionner de leur fonction.
Vous avez l’autre catégorie, ce sont les fonctionnaires qui veulent un raccourci pour accéder à des fonctions politiques ou pour accéder aux ressources financières. La politique est, pour cette catégorie là, un moyen d’ascension sociale, d’accéder à la richesse ou à certaines positions. Ce type d’engagement, pour cette deuxième catégorie, est favorisé par le fait qu’ils ne trouvent plus de référentiel idéologique. De plus en plus, on ne s’engage plus en politique parce qu’on a des convictions, des idéaux, mais plus parce qu’on a son propre agenda. On veut accéder à certains privilèges pour soi-même.
Il y a aussi certains qui se disent que, finalement, la politique est l’apanage des médiocres qui n’ont aucune valeur particulière. Parce qu’ils se sont engagés dans la politique, finalement, ils détiennent le pouvoir, parce qu’ils voient des médiocres occuper des positions de pouvoir. Ils se disent : «ces gens-là qui ne représentent rien du tout, comment ils ont fait pour en arriver là». Ils se disent : «ça suffit là, on ne va plus accepter que des gens comme ça viennent nous gouverner et qu’il faut que ceux qui gouvernent soient partis des meilleurs. Comme ils font partie des meilleurs, ils s’engagent peut-être pour cette raison-là. Il y a plusieurs raisons en fait».