LA DEFENSE D’IMAM NDAO ABAT SES CARTES
A son tour de plaidoirie, Me Mamadou Cabibel Diouf a lavé à grande eau son client Imam Alioune Badara Ndao qui encourt 30 ans de travaux forcés
A son tour de plaidoirie hier, mardi 29 mai, Me Mamadou Cabibel Diouf a lavé à grande eau son client Imam Alioune Badara Ndao qui encourt 30 ans de travaux forcés. Dans son argumentaire, la robe noire a rejeté en bloc les chefs d’accusation contre Imam Ndao en attendant que les autres membres du pool d’avocats ne prennent la parole aujourd’hui.
Malgré son âge avancé, Me Mamadou Cabibel Diouf a réussi à tenir en haleine l’audience pendant plusieurs minutes. Défendant le prévenu Imam Alioune Badara Ndao contre lequel le procureur a requis 30 ans de travaux forcés, l’avocat l’a innocenté des six chefs d’accusation retenus contre lui mais également la détention d’une arme à feu. Pour cette dernière infraction, Me Mamadou Cabibel Diouf a déclaré que le représentant du parquet a pris un « peu » de liberté avec les faits. « Il n’y a pas d’infraction concernant la détention d’arme, d’après l’article 5 de la loi 6603 du 18 janvier 1966. Je vous demande de requalifier car il n’y a pas d’infraction de l’arme trouvée », lance-t-il à l’endroit du juge.
Revenant sur le délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, la robe noire invoque le procès du maire de Dakar Khalifa Sall. « Pour son procès, le parquet avait requis l’association de malfaiteurs comme étant l’une des infractions qui a été commise par Khalifa Sall et Cie mais le juge, lorsqu’il a rendu la décision, a dit que l’association de malfaiteurs est une infraction autonome ». L’avocat est d’avis qu’il faut donner des preuves pour pouvoir incriminer son client. « « On ne peut pas condamner des accusés en disant qu’ils se sont associés ou qu’il y a une entente. Vous avez en face de vous 30 personnes. C’est un nombre interminable de connexions », martèle l’avocat.
Devant les juges, Me Mamadou Cabibel Diouf a soutenu qu’Imam Alioune Badara Ndao ne doit pas être poursuivi pour apologie du terrorisme. « On extrait seulement deux vidéos dans son ordinaire parmi une centaine, et voilà le procureur qui dit qu’on le poursuit pour apologie du terrorisme ». « C’est inacceptable », a dit le conseil. Pour lui, son client a bel et bien le droit de détenir des vidéos pour ses recherches. « Imam Ndao est un homme de Dieu et les gens viennent le consulter. C’est la raison pour laquelle il s’adonne à ces recherches depuis 1979 », a expliqué la robe noire. Aux yeux de Me Mamadou Cabibel Ndiaye, son client est donc loin d’être lié à des actes terroristes.
S’agissant du financement de terrorisme qui pèse aussi sur Imam Ndao, son avocat a fait savoir que « l’argent trouvé chez lui venait d’Ibrahima Diallo qui lui avait demandé de lui garder l’argent ». « Ibrahima Diallo lui a confié une certaine somme de 1400 euros. Jusqu’au moment où je vous parle, l’argent est disponible entre les mains de ses avocats, donc ça ne peut pas être considéré comme blanchiment de capitaux. Vous pouvez le relaxer de ce chef d’accusation », arguera-t-il.
Pour Me Mamadou Cabilé Diouf, le procès pour apologie du terrorisme a été enfin surmédiatisé. « On en a parlé en long et en large. Je pense que l’imam Ndao est un faiseur de bonne action. Il a dissuadé quelqu’un d’aller en Afghanistan. De même, quand Coumba Niang a voulu aller rejoindre son mari Matar Diokhané au Niger, il lui a dissuadé d’y aller », a soutenu le conseil.
LES AVOCATS DE MATAR DIOKHANE PLAIDENT LA NULLITE DU DOSSIER
A son tour de plaidoirie pour défendre l’accusé Matar Diokhané contre qui le procureur a requis la perpétuité, Me Alassane Cissé a d’abord plaidé pour une bonne image de la justice pour les générations futures et qu’elle est appelée à dire la vérité. Pour la robe noire, ce procès pour apologie du terrorisme doit être placé dans son triple contexte, historique, géopolitique et sécuritaire.
Abordant le contexte historique, Me Alassane Cissé a fait savoir que les premières idéologies du terrorisme seraient nées en 1898 lorsque Napoléon a envahi l’Egypte. Elles trouveront ensuite leur logique, dit-il, après la mort de l’ancien président libyen Mouammar Khadafi.
Concernant le contexte géopolitique, le conseil de Matar Diokhané évoquera le Nigéria, le Mali, la Mauritanie. A l’en croire, ces pays font partie des pays les plus vastes en Afrique de l’Ouest. « Ce qui explique leur facteur de vulnérabilité qui est à la l’origine de la création de certains dispositifs sécuritaires comme le Minusma, l’Opération Serval », a laissé entendre l’avocat sur le contexte sécuritaire. Pour Me Alassane Cissé, le Sénégal fait partie des pays les moins inquiétés, en ce qui concerne le terrorisme car le contexte n’est pas le même. Ce qui lui fait dire que « il n’y a aucune explication concernant la tenue de ce procès, une forte atteinte a été portée à la vérité à l’incrimination de ces personnes ».
Poursuivant son argumentaire, il déclare : « on prend des évènements qui se seraient passés au Nigéria et des enquêteurs qui ne sont même pas allés au Nigéria incriminent une trentaine de personnes, les diabolisent et font croire à toute la population que ce sont des terroristes, tel est le contexte dans lequel Matar Diokhané a été attrait par le ministère public qui vous demande de lui attribuer un qualificatif de criminel ».
Selon la robe noire, son client a reçu un contrat d’enseignement au Nigéria sans qu’il ait été recruté par des hommes de Boko Haram. Et de poursuivre, « Matar Diokhané n’a jamais rencontré les membres de Boko Haram ». « Lorsqu’il a été interpelé par les Sénégalais qui voulaient rentrer, il a rencontré Abubacar Shekau pour faire libérer ces compatriotes. Les Sénégalais sont libérées ». Pour l’avocat, Matar Diokhané est une personne exemplaire de par son comportement et les témoignages de ses proches. « Nous avons besoin de comprendre quelle est la passerelle qui a existé entre le ministère public et le juge d’instruction. Il est significatif que le ministère public ait revu les charges contre Matar Diokhané car aucun acte de terrorisme n’a été posé par lui. En cela, je demande la disqualification en complicité de terrorisme », a soutenu Me Alassane Cissé. Mieux, dit-il, « des confessions horribles étaient attendues, les gens disaient que c’est lui le cerveau et jusqu’à présent, on n’a rien entendu. Matar Diokhané n’a pas recruté une seule personne ».
ME SEYNI NDIONE, AVOCAT DE CHEIKH IBRAHIMA BA : «Ce n’est pas parce qu’on a été au Nigéria qu’on doit être un terroriste»
C’est Me Seyni Ndione qui a ouvert les plaidoiries des avocats de la défense hier, mardi 29 mai au 25ième jour du procès pour apologie du terrorisme. Défendant l’accusé Cheikh Ibrahima Ba alias Abou Khaled qui risque la perpétuité, Me Seyni Ndione a considéré que les juges ont violé la loi concernant ce procès pour apologie du terrorisme depuis le début. « Quand on doit condamner une personne à une peine aussi lourde que la perpétuité, on doit respecter ses droits. Les droits de mon client ont été violés car ayant été entendu sans la présence de ses avocats », martèle l’avocat. Même si Cheikh Ibrahima Ba a été au Nigéria, Me Seyni Ndione n’est pas d’avis qu’il a combattu aux rangs de Boko Haram. « Il était mu par la connaissance du Coran et est parti apprendre au Nigéria mais il n’est pas un djihadiste. Ce n’est pas parce qu’on a été au Nigéria qu’on doit être un terroriste », a-t-il déclaré. Pour Me Seyni Ndione par ailleurs qui s’est employé en moult argumentaires pour disculper son client, ni les réunions de Rosso encore mois celles du Lac Rose n’ont été à l’origine du voyage de Cheikh Ibrahima Ba au Nigéria. « Au moment où mon client était envoyé en prison, le Sénégal accueillait royalement les deux libyens de Guantanamo gardés pendant 14 ans », déplore aussi l’avocat. Me Seyni Ndione a terminé sa plaidoirie en demandant l’acquittement de son client car, dit-il, « il n’y aucun acte matériel qui engendre des violences ou des morts qu’on peut lui imputer »
Par MARIAME DJIGO