MONACO DIT NIET, L’AJE S’ÉTONNE
Décidément, l’Etat du Sénégal n’en finit pas d’essuyer des revers
Le Tribunal correctionnel de Monaco a refusé, hier, mardi 10 juillet 2018, de procéder à la confiscation de sommes saisies dans les comptes monégasques appartenant à Karim Wade et ses co-accusés. Encore une défaite de l’État du Sénégal qui avait formulé la demande. L’Agence Judiciaire de l’Etat (Aje) s’est étonnée du prétexte de «l’inexistence en droit monégasque de l’infraction d’enrichissement illicite», qui selon Monaco l’empêche «de faire droit à la demande de confiscation pénale».
Décidément, l’Etat du Sénégal n’en finit pas d’essuyer des revers ! Après la récente décision de la Cour de Justice de la Cedeao, du 29 juin en faveur du maire de Dakar Khalifa Sall et de ses codétenus, ce sont Karim Wade et ses co-prévenus qui ont obtenu gain de cause, hier, à Monaco. En effet, le Tribunal correctionnel a refusé, hier, mardi 10 juillet 2018, de procéder à la confiscation de sommes saisies dans les comptes monégasques appartenant à Karim Wade et Cie. «Le pouvoir sénégalais vient d’être de nouveau désavoué par la justice d’un pays étranger, qui refuse une fois de plus l’exécution sur son territoire de l’arrêt rendu le 23 mars 2015 par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) qui viole les principes de droit reconnus par la communauté internationale dans les traités et conventions signés et ratifiés par le Sénégal, parties intégrantes de sa Constitution», s’est réjoui le collectif des avocats de Karim Wade, dans un communiqué.
Pour les conseils de Karim Wade, «la justice française et la justice monégasque refusent donc d’exécuter l’arrêt de la Crei, qui a été rendu par «une juridiction instrumentalisée et auquel elles dénient toute portée juridique. Dans un État de droit, démocratique, cet arrêt est dépourvu de tout effet et de toute valeur». Poursuivant, les conseils de Wade fils soutiennent que «la justice de Monaco leur inflige un cinglant camouflet, qui s’ajoute aux désaveux qu’elles subissent constamment dans toutes les procédures menées hors du Sénégal : classement sans suite d’une plainte pour «biens mal acquis» déposée contre M. Karim Wade auprès du Parquet national financier de Paris, refus de confiscation prononcés par le tribunal de grande instance de Paris puis par la Cour d’appel de Paris, condamnations par la Cour de justice de la Cedeao, déclaration solennelle par laquelle le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a constaté le caractère inéquitable du procès subi par Karim Wade et a proclamé le caractère arbitraire de son emprisonnement».
«L’INEXISTENCE EN DROIT MONEGASQUE DE L’INFRACTION D’ENRICHISSEMENT ILLICITE EMPECHE DE FAIRE DROIT A LA DEMANDE DE CONFISCATION PENALE»
La réaction de l’Etat du Sénégal, par le biais de l’Agence judiciaire de l’Etat (Aje), ne s’est pas fait attendre. Dans le cadre de l’exécution des condamnations prononcées par la Crei, des demandes d’entraides judiciaires pénales internationales ont été adressées à la France, au Luxembourg, et à Monaco afin de confisquer les avoirs détenus par les personnes condamnées, soit en leur nom, soit en qualité de bénéficiaires économiques des sociétés créées et des comptes bancaires y afférant», a rappelé l’Aje. «L’objectif, en ce qui concerne Monaco, était d’obtenir tout d’abord la confiscation dans la Principauté des trente comptes bancaires ouverts tant aux noms de Karim Wade, d’Ibrahim Aboukhalil, de Karim Aboukhalil, de Mamadou Pouye, qu’aux noms des différentes sociétés dont ces trois derniers sont systématiquement les bénéficiaires économiques désignés, comptes qui avaient été pénalement saisis et gelés par les autorités monégasques en 2013 et 2014 en exécution des commissions rogatoires internationales diligentées par la Crei», dit le document. Une demande de confiscation pénale avait également été adressée aux autorités françaises afin de saisir deux appartements, propriété de Karim Wade et d’Ibrahim Aboukhalil», poursuit l’Aje.
Cependant, poursuit l’Aje, l’État du Sénégal rencontre des difficultés à recouvrer à l’étranger les biens et fonds mal acquis, et la mise en œuvre effective de ces confiscations se heurte à certains obstacles. «Dans le cadre de la mesure de confiscation pénale sollicitée par l’État du Sénégal, le Procureur Général adjoint de Monaco a conclu au rejet de la demande au motif de l’absence de double incrimination. En effet, pour ce magistrat, l’inexistence en droit monégasque de l’infraction d’enrichissement illicite empêche de faire droit à la demande de confiscation pénale. Curieusement, sur ce même fondement de l’absence de double incrimination, les juridictions parisiennes ont rejeté, tant en première instance qu’en appel, la demande de confiscation formulée par l’État du Sénégal, alors qu’il a été inséré dans le code pénal français une infraction spécifique de blanchiment quasi-identique à l’incrimination d’enrichissement illicite.
A Monaco, l’ancien Directeur des Affaires judiciaires de la Principauté (la désignation monégasque du Ministre de la Justice) a été contraint de démissionner en raison d’un scandale politico-judiciaire pour lequel il était en première ligne. Le fils de ce dernier est le représentant dans la Principauté du cabinet d’avocats panaméen Mossak Fonseca, chargé d’élaborer les montages sociétaux destinés à l’évasion fiscale de ses clients. Dès lors, il devient moins étonnant que l’on refuse à l’État du Sénégal des mesures de confiscation impactant des individus (tel Mamadou Pouye) qui ont eu recours aux services de ce cabinet, tel que la presse sénégalaise s’en fait largement l’écho», a relevé l’Aje.