ABDOULAYE WADE DU MAUVAIS CÔTÉ DE L'HISTOIRE
De retour à Dakar le 7 février, l’ancien président multiplie des sorties contre l’élection présidentielle, s’en prenant parfois violemment à Macky Sall. Objectif ? Troubler, par des pics maladroits et des coups bas, le scrutin et prendre la revanche
De retour à Dakar le 7 février, l’ancien président multiplie des sorties contre l’élection présidentielle, s’en prenant parfois violemment à Macky Sall. Objectif ? Troubler, par des pics maladroits et des coups bas, le scrutin et prendre la revanche de Karim, son fils qui a été écarté par le conseil constitutionnel. Une posture qui le place du mauvais côté de l’histoire d’autant que par sa position, il aurait pu jouer le rôle de garant de la paix et de la stabilité.
Depuis une semaine, la campagne électorale a été ouverte à Dakar pour la présidentielle du 24 février, avec à la clé, 5 candidats dont Macky Sall, le président sortant. Alors que la campagne battait son plein, peu attendu, l’ancien président sénégalais a multiplié des sorties « gênantes » pour plusieurs diplomates accrédités à Dakar en appelant, à Versailles ( sa résidence habituelle) comme au Sénégal (depuis son retour au pays) à boycotter la présidentielle. « Un appel anti-constitutionnel » chuchote-t-on à l’ambassade de France. « Surréaliste » tempêtent plusieurs organisations de la société civile. Les sections sénégalaises d’Amnesty International et du Forum du justiciable, une ONG de défense des droits de l’Homme ont critiqué cet acte « incompréhensible » sans pour autant décourager Aboulaye Wade, comme si ce scrutin était sa dernière occasion de revanche d’autant que son fils, Karim, a été écarté par le conseil constitutionnel.
Un message inaudible
En début de semaine, alors qu’une annonce importante a été annoncée par des réseaux sociaux proches de l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade publie une vidéo tournée chez lui, relayé sur facebook, depuis son domicile de Versailles. Il y appelle le peuple sénégalais à boycotter la présidentielle à venir qu’il qualifie de « verrouillée« . Un message qui sera mal perçu à Dakar où on y voit « une vengeance« . Il n’aura d’échos ni dans la presse locale ni dans celle internationale. Dans un pop vox réalisé dans la capitale sénégalaise par Sarah Sakho, plusieurs sénégalais dénoncent » un acte inopportun », ce qui ne suffira pas pour décourager l’ancien président dont le retour à Dakar a été annoncé dans la foulée. Arrivé jeudi 7 dans son pays, il portera le même message, s’en prenant ouvertement au président sortant, Macky Sall qui lui aura répondu par le silence. Abdoulaye Wade annonce vouloir rencontrer plusieurs candidats et les mobiliser pour « faire partir Sall« . En tournée à l’intérieur du pays, Ousmane Sonko a tout de suite répondu à son appel et l’a « rencontré dès son retour à Dakar« . Mais au-delà de quelques candidats opportunistes, les appels répétés de l’ancien président ont eu peu d’échos. Plusieurs organisations internationales et la société civile ont appelé à « rejeter cet appel« .
Société civile et organisations internationales contre le discours de Wade
La société civile sénégalaise s’est levée contre cet appel au boycott. L’ambassadeur de France aussi s’en est inquiété et s’est confié au Pape du Sopi qui vit, pour l’essentiel du temps, entre sa villa de Versailles en France et l’immense résidence de Karim, son fils, en périphérique de Doha. Amnesty international a dénoncé un appel dangereux pendant que tous les candidats, indifférents, ont continué la campagne. Quelques semaines plus tôt, Karim Wade, condamné pour malversations et enrichissements illicites et aujourd’hui domicilié au Qatar, avait été écarté par la cour constitutionnel de la présidentielle. Son père qui s’obstine à rêver d’un retour à la « monarchie wadiste » a empêché par tous les moyens le Parti démocratique du Sénégal (Pds) d’avoir un candidat. Et bien qu’il vive, lors de ses séjours au Sénégal, dans une luxueuse villa de Madiacké Niang, membre de son parti, au quartier Fann Résidence de Dakar, il a refusé de lui accorder sa bénédiction. Comme si pour Wade, il n’y a d’élection que si son fils est candidat. Surtout pour prendre sa revanche sur Macky Sall dont il n’a jamais digéré la victoire face à lui, en février 2012.
Macky Sall favori
Parti favori, le président sortant organise sa campagne autour de ses grands ouvrages dont le Train express régional (Ter), inauguré récemment ainsi que la grande cité en construction près de Dakar, Diamniadio. Arrivé au pouvoir en 2012 avec la mobilisation de la société civile et le soutien des partis traditionnels du Sénégal qui voulaient, à l’époque, contrée la visée monarchiste de Wade qui tentait un troisième mandat, Sall a multiplié des réformes et engagé de grands travaux. Comparé dans son entourage et dans les chancelleries occidentales à Mitterrand pour « sa fougue à entreprendre et sa passion de la démesure« , il est aussi accusé par une partie de l’opinion et des organisations internationales de faire reculer les libertés publiques dans bien de domaines. Mais son premier mandat aura permis de renforcer les acquis sociaux, de faire rayonner la diplomatie sénégalaise et surtout, d’engager le pays sur la voie de la modernisation. La croissance économique a aussi augmenté de 5 points et la constitution mise aux normes.
Si plusieurs sondages le donnent largement gagnant avec un second tour face à Seck, Macky Sall entend tout de même parcourir tout le pays pour faire valoir son bilan. Un long périple qu’il a inauguré par une visite aux relents spirituels à Touba, capitale de l’influente confrérie musulmane des mourides, à 194 km à l’est de Dakar.