SÉNÉGAL-MAROC, UN AMOUR DE JEUNESSE
Nombreux sont les jeunes Sénégalais du Maroc qui ne veulent plus souffrir de la réputation d’éternels étrangers dans un pays qui n’est pas le leur - En épousant des Marocains, nos compatriotes ont fait du royaume une terre de rêve
Nombreux sont les jeunes Sénégalais du Maroc qui ne veulent plus souffrir de la réputation d’éternels étrangers dans un pays qui n’est pas le leur. En épousant des Marocains, nos compatriotes ont fait du royaume une terre de rêve. Mais, vous le verrez dans ce reportage, lorsqu’on épouse une femme, on épouse aussi sa culture, son pays et tout ce qui tourne autour d’elle.
Noire d’ébène, Sofia, un nom d’emprunt, est reconnaissable de loin à son teint foncé ; une complexion qui en dit long d’ailleurs sur ses origines sénégalaises. Hé ho ! J’avance cela par pure provocation-tous les Sénégalais ne sont pas des « mambas noirs », de peau. Installée au Maroc depuis 26 ans, la Sénégalaise qui était venue faire des études supérieures dans le royaume, aux débuts des années 1990, est aujourd’hui une immigrée bien intégrée. Mère de trois filles, l’aînée est âgée d’environ 20 ans, la cadette 16 ans, et la benjamine 9 ans, la consultante de profession garde dans le pétillement de son regard une joie de se sentir vivre. Son mari, un bel homme d’affaires marocain, est le patron d’une entreprise en bonne santé dans le secteur de la chimie. Pour Sofia qui réaffirme aujourd’hui, après plusieurs années de mariage, avoir fait le bon choix en amour si c’était à refaire, elle « n’hésiterait pas une seule seconde à s’engager à nouveau » avec le même homme. Mais il faut le dire, si ce couple en noir et blanc, lequel s’est construit sans coup férir, se reconnaît dans l’amour, défie encore le temps, c’est parce que « c’était plus facile avant ». Avant, les Sénégalais du Maroc avaient de la cote dans le royaume, dira Sofia. Elle ajoute, « avant la naissance du racisme anti-noir qu’on connaît aujourd’hui au Maroc, mon mariage était déjà solide ». En quelque sorte je suis sauvée, mais, prévient-elle, nos compatriotes, notamment les jeunes, qui se marieront avec des Marocains n’auront pas la même chance que nous avons eue pour réussir leur ménage. Et si Sofia avait vu juste ?
Deux cultures différentes….
« Le jour où nous avons posté les photos de notre mariage sur les réseaux sociaux, des insultes ont fusé de partout (…). Nous avons entendu les insanités les plus ignobles », raconte un jeune immigré sénégalais sous couvert de l’anonymat. Cet informaticien âgé d’environ 30 ans, marié à une Rbatie depuis plus d’un an, se dit aujourd’hui outré de voir se faire insulter sur les réseaux sociaux. « J’avoue que je ne m’attendais pas à autant de violence, de méchanceté et d’intolérance. Nous n’avons rien fait de mal et c’est ma femme qui a été la plus affectée ». « Encouragé » par des amis déjà mariés à des Marocaines, Idrissa Mboup, lui, a une autre perception du mariage mixte au Maroc. « Les mentalités ont évolué et les Marocains commencent à accepter les mariages mixtes », dira cet informaticien de 32 ans marié en 2016. Très amoureux de sa femme marocaine, Manal Srhiri, 24 ans, conseillère technique multimédia, tout béat, Idrissa nage dans le bonheur, semble-il. Il célèbre depuis trois ans la victoire du goût de l’aventure sur l’amour du confort du pays natal, avec son épouse, et avec qui il envisage de s’installer au Sénégal un jour.
Assise sur le même nuage de bonheur, Manal Srhiri, qui ne fréquente, en dehors du travail, que des « Sénégalaises », raconte, volontiers, la même romance ou presque. « Nos familles et amis nous ont épaulés. Ils étaient contents à l’annonce de notre mariage. Aujourd’hui, nous menons une vie de couple normal comme tout le monde ». Mais le poids du regard de la société marocaine pèse encore sur les épaules du couple, lequel n’a pas encore d’enfant.
« Love is all »
Dans la rue comme sur les réseaux, les gens se comportent, généralement, pas mal, sans compter les plaisanteries grotesques des « sans éducation » pour qui, un homme noir est un guignol vivant. « Engagés pour la vie et sans aucun regret »,c’est un titre qui irait bien au roman de la vie du couple Serigne Moussa Sarr, 29 ans, responsable commercial, et Fifi Abdellaoui.
« J’étais en mission à Paris et elle faisait partie des partenaires d’affaires que je devais rencontrer », se souvient encore Monsieur Sarr comme si c’était encore hier. Si les tourtereaux ont très vite sympathisé au moment du repas d’affaires, il aura fallu à Sarr plusieurs rendez-vous, sur une durée de cinq mois au total, pour s’offrir le cœur de Fifi, et convaincre les parents de celle-ci, notamment les tantes dont la plupart n’ont jamais adressé la parole à un « black ». Par contre, le jour de leur mariage « c’était merveilleux ». Mbalakh et chaâbi servis à volonté, le jeune couple cimenté par le lien indélébile de l’amour, leurs invités, tout le monde a dansé au point d’avoir le vertige ce jour là. L’heure est toujours à la fête chez Moussa ainsi que chez tous ses frères qui ont offert leur cœur à des Marocaines, en lieu et place des Sénégalaises. Mais ils doivent toujours garder à l’esprit que l’intolérance est un iceberg de pierres dont on ne voit que la partie exhumée.
Si les couples que nous avons interviewés dans ce reportage n’ont pas souhaité communiquer de manière détaillée sur les budgets des cérémonies de leurs mariages, au Maroc, pour célébrer une union il faut débourser entre 9 millions et 60 millions de FCFA. Le coût variant selon la région, la période de l’année du mariage et la qualité des prestations. Il faut également souligner qu’il existe peu de chiffres sur les couples mixtes entre les Marocains et les Subsahariens au Maroc. Ils ont été estimés en 2017 à 701 soit 13,19% des couples mixtes contre 648 en 2016.