SAID ET ALIA TARRAF, UNE IMPUNITE INESTIMABLE
Malgré une inculpation pour des faits très graves, Saïd et Allia Tarraf semblent toiser de haut les parties civiles et la justice.
Malgré une inculpation pour des faits très graves, Saïd et Allia Tarraf semblent toiser de haut les parties civiles et la justice. Ils doivent pourtant répondre des délits qui se chiffrent à des dizaines de milliards de francs Cfa.
Saïd Tarraf a été inculpé par le doyen des juges pour association de malfaiteurs, abus de biens sociaux, faux et usage de faux, escroquerie, banqueroute frauduleuse, blanchiment d’argent, et j’en passe. Il a été mis sous contrôle judiciaire et ne pouvait sortir du territoire national sans l’autorisation du juge. Néanmoins, pour des raisons médicales, ce dernier l’a autorisé à aller se soigner en France et de revenir aussitôt. Le Quotidien a appris qu’il en a profité le mercredi dernier pour se rendre à Beyrouth, destination qui n’était pas couverte par la décision du magistrat. Qu’allait-il y faire ?
Cette situation n’a pas manqué d’inquiéter la partie civile, représentée par le cabinet de Me Boucounta Diallo. Il faut dire que les faits reprochés à Saïd Tarraf ne sont pas légers. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’avoir mis à terre un des plus gros patrimoines financiers du Sénégal, le Groupe Tarraf, composé entre autres des structures comme, Sen biscuits, Laiterie dakaroise, Mapal Sa, Cosepral, Nosoco, Dakaroise d’électroménager Sa, Sénégalaise d’emballage, ainsi que de plusieurs sociétés immobilières et autres. Le groupe est ainsi le représentant exclusif et concessionnaire des marques bien connues comme les cubes Jumbo, les pâtes Mapal, les produits Unilever, le thé Lipton, Axe, Dove, Signal et bien d’autres encore. Sur le plan immobilier, le groupe est propriétaire de plus de 100 mille mètres carrés au moins de patrimoine immobilier, rien qu’à Dakar.
Le groupe avait été fondé par le patriarche Jamil Tarraf, qui l’a légué à ses trois fils, Saïd, Adl et Fouad. La famille avait confié la gestion à Saïd Tarraf. Mais avec le temps, ce dernier s’est arrangé, en fabriquant des faux documents, pour écarter frauduleusement ses frères du patrimoine familial dont il a accaparé la gestion et placé sa fille Allia comme directrice générale. Pour bien écarter les autres membres de la famille, Saïd Tarraf est soupçonné d’avoir orchestré la faillite frauduleuse de quasiment l’ensemble des entités du groupe familial.
Exemple, en fin 2015, la Cosepral, concessionnaire des cubes alimentaires Jumbo, dépose son bilan et cède son fonds de commerce à une société espagnole. La filiale gambienne de l’entreprise fait de même quelque temps plus tard. Il en est de même des autres entreprises du groupe qui sont déclarées, pour la plupart, en déficit. Or, des documents consultés par Le Quotidien indiquent que Mme Allia Tarraf, la directrice générale désignée par son père, faisait transférer de ses comptes dans différentes banques, comme la Cbao, la Sgbs, Ecobank ou Crédit international, une banque libanaise, vers des comptes ouverts au nom de ces entreprises, et dont elle était la seule à détenir la signature. Ces montants se sont pour une bonne partie retrouvés transférés à l’étranger. C’est, selon les documents, plus de 9 milliards qui ont transité dans ces comptes, dont au moins 2 milliards provenant des comptes personnels de Allia Tarraf.
Paradoxalement, au moment où ces entreprises se voyaient dotés de cet apport en argent, le cabinet d’expertise comptable Gaye et associés déclarait que la Cosepral venait de terminer l’exercice 2015, avec un bilan négatif de 56 millions ; d’où la question de savoir d’où venait l’argent transféré dans les comptes de la société, et surtout où s’est-il retrouvé ?
La partie civile, constituée des frères de Saïd Tarraf et leurs avocats, a fait remarquer que le salaire déclaré de Allia Tarraf au sein du groupe est de 2 millions de francs Cfa net. Comment avec ce salaire la dame a-t-elle pu se retrouver à manipuler des gros montants qui se chiffres en milliards, s’il n’y a pas faillite frauduleuse ou d’autres manœuvres ? De plus, Saïd Tarraf et sa fille ont forgé de fausses signatures des autres actionnaires du groupe pour obtenir un prêt de 20 milliards de francs Cfa de la Société générale des banques du Sénégal. Ils se sont arrangés pour mettre en gage une partie du patrimoine du groupe en totale ignorance des faits par les frères associés. Ce qui a le plus choqué les autres membres de la famille, c’est de voir que dans le même temps, Allia Tarraf se retrouve, à moins de 40 ans, à la tête d’un patrimoine immobilier considérable à Dakar, aux Almadies notamment, ainsi qu’à New York, à Megève en France. Ce qui a justifié l’inculpation de faillite frauduleuse.
Pourtant, même si elle est sous contrôle judiciaire, Allia Tarraf vaque librement à ses occupations. Comme son père, elle se déplace souvent hors du pays. Et à chaque fois, les deux passent par le Salon d’honneur de l’aéroport, malgré leur qualité de justiciable et le fait qu’ils ne soient en rien des personnalités officielles de l’Etat. Ce qui fait craindre à la partie civile que les prévenus ne jouissent de protections bien placées, qui pourraient leur assurer l’impunité, au détriment de la justice.