DÉFAUT DE SÉLECTIONS DE JEUNES, LE PARADOXE DU BASKET SÉNÉGALAIS
L’équipe nationale féminine, vice-championne d’Afrique, après sa défaite en finale de l’Afrobasket-2019, a plus que jamais besoin d’un coup de rajeunissement
Paradoxalement, le Sénégal, qui dispose d’un énorme potentiel de jeunes joueuses, ne dispose presque pas de sélections compétitives en petites catégories.
Après la défaite en finale de l’Afrobasket-2019 contre le Nigeria, au Dakar Arena, l’obligation de rajeunir l’effectif de l’équipe féminine du Sénégal de basket est devenue évidente, aux yeux de tous. A commencer par le sélectionneur national qui a affiché clairement son vœu d’apporter un nouveau souffle dans la Tanière des Lionnes. “Depuis la défaite de 2017, on a essayé de renouveler, d’apporter une plus-value. Il fallait renforcer cette équipe avec des joueuses comme Fatou Diagne, qui n’ont pas d’expérience. Je pense qu’il faut continuer dans ce sens. Il y a matière à réfléchir par rapport à qui doit rester et qui doit partir’’, avait annoncé Cheikh Sarr en conférence de presse d’après-match contre les Lady Tigers.
Face au rouleau compresseur nigérian, les joueuses sénégalaises ont eu du mal à faire face au défi physique que leur imposaient les championnes d’Afrique. Même les plus expérimentées, comme Mame Marie Sy, ont perdu leur adresse sous le panier, à cause de la fatigue. Elles ont été rattrapées par le poids de l’âge, malgré leur volonté d’offrir ce trophée tant espéré par le peuple sénégalais. Il est donc l’heure d’appliquer une cure de jouvence à cette équipe qui a valu beaucoup de satisfactions au Sénégal, 11 fois championne d’Afrique. Et cela est valable dans tous les secteurs de jeu, de l’avis de l’entraineur de l’équipe féminine du Saint-Louis basket club. “Il faut un changement à plus de 80 % de l’effectif’’. Selon Birahim Gaye, le jeu intérieur est “le problème crucial qu’il faut régler urgemment’’. Pour cela, il plaide pour le retour de Ramata Daou. Par ailleurs, dit-il, “au niveau des extérieures, il y en a qui ont pris de l’âge. Il faut apporter du sang neuf. Il y a de la matière pour les remplacer, les filles sont là. Le secteur de la mène a failli, lors de la finale’’. Ces changements doivent être opérés “dès maintenant’’, insiste-t-il. “On s’achemine vers les éliminatoires du tournoi qualificatif des Jeux olympiques (Tqo). On doit profiter des compétitions à venir pour préparer les plus jeunes pour l’Afrobasket-2021’’
Défaut de projet sportif sur la durée…
Ayant perdu son titre acquis en 2015 au Cameroun, les Lionnes, qui avaient l’ambition de renouer, à domicile, avec la couronne continentale cette année, devront encore repasser. Pour cela, le coach Cheikh Sarr a deux ans pour mettre en place une équipe compétitive pour la reconquête en terre rwandaise. Mais avec quelles joueuses l’ancien entraineur des Lions devra-t-il composer cette armada capable de rivaliser avec la grosse machine nigériane et les sélections montantes comme le Mali et le Mozambique, respectivement 2e et 3e durant les Afrobasket 2017 et 2019 ?
Pendant que le Sénégal essayera de reconstituer son équipe durant les deux années à venir, les autres prétendants au titre s’attèleront à aguerrir leurs troupes. Le Nigeria dispose de jeunes joueuses dans son effectif qui ont encore une bonne marge de progression. Les Maliennes et les Mozambicaines ont montré leurs ambitions de jouer les premiers rôles sur l’échiquier continental en étant présentes régulièrement dans le dernier carré. Encore que ces nations du basket ont à leur disposition un vivier de jeunes joueuses qui font leurs classes dans les sélections de petites catégories. C’est le cas du Mali qui domine actuellement la scène africaine chez les jeunes. Les Maliennes sont championnes d’Afrique des moins de 18 ans, en 2018 à Maputo, pour la 7e fois dans cette compétition, et des moins de 16 ans, en début août 2019, au Rwanda. Entre-temps, au Sénégal, c’est presque le néant dans la catégorie des jeunes. Depuis l’épisode regrettable de la fraude sur l’âge en 2012 avec l’équipe des moins de 18 ans, les sélections féminines sénégalaises n’ont plus participé aux compétitions continentales en petites catégories.
C’est seulement en 2017 que le Sénégal a engagé son équipe des moins de 25 ans qui a remporté la médaille de bronze aux Jeux de la Francophonie, à Abidjan, sous la direction du coach Birahim Gaye. Les Lionnes étaient classées 3e, derrière la France, championne, et le Canada, vice-champion. Ce manque de compétitions pour les sélections nationales de petites catégories est regrettable, selon le coach adjoint de l’Asc Ville de Dakar. “Il faut que les gens pensent à la relève du basket. Cela consiste à faire un projet sportif, être à toutes les compétitions dans toutes les catégories. La compétition s’apprend très tôt. Il faut que le Sénégal arrive à participer dans toutes les compétitions des jeunes pour préparer l’avenir. Au niveau national, s’il y a un bon programme, il y aura des espoirs’’, a suggéré Ousmane Diallo. Pour l’entraineur assistant de Moustapha Gaye, le problème, au Sénégal, ce n’est pas la formation, mais plutôt un “manque de projet sportif’’. “Il faut recenser les meilleurs jeunes, les encadrer pour l’avenir. On peut faire du basket partout, mais s’il n’est pas bien organisé, si nous n’arrivons pas à bien détecter les talents, à regrouper les meilleurs jeunes périodiquement pour les préparer pour l’avenir, on n’arrivera à rien’’.
… Malgré le potentiel existant
Le coach Cheikh Sarr n’a donc pas de temps à perdre pour se remettre au travail afin de trouver les éléments qu’il lui faut pour faire prendre la mayonnaise le plus rapidement possible. Heureusement pour l’ancien entraineur de l’Université Gaston Berger (Ugb), le Sénégal ne manque pas de talents. A défaut de joueuses ayant un vécu en sélections nationales, il peut compter sur le potentiel éparpillé dans les différents clubs du championnat local et des académies comme Seed Academy, Nba Academy et les joueuses expatriées. “Les filles sont là. Il y a celles qui avaient remporté le championnat d’Afrique des moins de 18 ans (2012) et avaient participé au Mondial des moins de 19 ans. Les U25 qui avaient été classées 3e aux Jeux de la Francophonie en 2017, à Abidjan. Elles jouent dans le championnat. Elles sont compétitives’’, est convaincu Birahim Gaye. D’ailleurs, Ousmane Diallo partage le même avis que le coach des U25. Pour lui, il faudra “une bonne détection, regrouper le maximum de joueuses dans des camps’’. Les joueuses sénégalaises sont nombreuses à l’étranger, aux Etats-Unis dans les collèges, les lycées, en France et un peu partout en Europe. “Il faut que les gens travaillent au niveau national puis procéder à des détections à l’extérieur pour voir les Sénégalaises qui peuvent servir leur pays, demain, dans le basket’’.