«SONKO EST UN POLITICIEN AU SENS NON ACCEPTABLE DU TERME»
Manipulateur, calomniateur, insolent, affabulateur, le portrait que dresse Aminata Touré, présidente du Conseil économique et environnemental pour Ousmane Sonko n’est guère reluisant
A l’en croire, la parole du chef des patriotes ne vaut plus un copeck. Dans cet entretien avec «EnQuête», elle revient également sur la recrudescence des accidents, le dialogue national en cours, les inondations, entre autres sujets.
Alors qu’on n’a pas fini de parler des contrats relatifs à l’exploitation des ressources pétrolières et gazières, Ousmane Sonko soulève le débat sur la concession du fer de Falémé. N’est-ce pas trop pour un régime qui se voulait sobre et vertueux ?
Pour la question du pétrole et du gaz, ceux qui ont des informations sur tout acte délictueux de qui que ce soit, au niveau national et international, n’ont qu’à saisir le procureur. L’Etat du Sénégal pour ce qui le concerne a respecté la loi et les règlements, ce qui lui a valu l’appréciation positive de l’ITE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) qui est un organisme international non-partisan. Mais, il y’en a qui pensent qu’avec les ressources naturelles, ils peuvent manipuler l’opinion sénégalaise à leur profit. C'est le cas de Sonko. Le concernant, la question qu’il faut se poser est la suivante : que vaut vraiment la parole d’Ousmane Sonko ? De toute évidence, l’affabulation et l’insolence sont ses stratégies d’opposition. Il pense pouvoir embarquer les jeunes dans des histoires qu’il crée de toutes pièces avec des montants toujours de plus en plus grands pour susciter artificiellement une indignation populaire qui lui serait favorable. Pourquoi ne pas parler de mille milliards de milliards pendant qu’on y est ? Son soi-disant scoop de 94 milliards, c’est la montagne qui a accouché d’une souris. Quand ses collègues de l’Assemblée nationale lui ont demandé de venir expliquer les tenants et aboutissants de ses déclarations péremptoires à la commission d’enquête, il s’est purement et simplement débiné. Pour faire oublier ce pétard mouillé, il nous revient avec cette prétendue affaire minière turque avec des montants encore plus gros...
Pouvez-vous être plus concrète ?
La ministre en charge des Mines a clairement expliqué de même que le Directeur de Miferso et de l’Apix. Je répète que l’accord avec Arcelor portait sur 750 millions de tonnes de fer sur la totalité de la réserve, j’insiste sur le mot “totalité’’, tandis que l’accord avec les Turcs de Tosyali est de 1,2 million de tonnes par an, soit le dixième des réserves sur 25 ans, j’insiste aussi sur le mot “dixième’’. Comment voulez-vous que les deux entreprises fassent les mêmes offres ? Ceux qui sont raisonnables savent que ce que dit Sonko ne tient pas la route. D’autre part, il n’a jamais été question que l’Etat prenne en charge le financement ou participe à rembourser le prêt relatif au financement de l’unité de fabrication du fer des Turcs. C’est de la pure invention. Mais pour Sonko, seul compte le buzz et faire la Une des journaux. Que ce qu’il dit soit vrai ou faux, ce n’est important. Sa théorie est simple : Affabuler, affabuler encore et toujours, il en restera toujours quelque chose.
Nous sommes quand même dans un Etat de droit et la diffamation est un délit. Qu’est-ce qui empêche le gouvernement d’ester en justice contre lui, si ses déclarations sont fausses comme vous dites ?
L’opinion est le meilleur juge. Les Sénégalais ne prennent pas les vessies pour des lanternes aussi facilement que Sonko le pense. En réalité, Sonko est un politicien au sens non acceptable du terme, dont les convictions sont à géométrie variable. Il veut arriver à tout prix et il est prêt à tout pour cela. Sa stratégie, c’est d’inventer et créer du faux, en se disant qu’il réussira toujours à embarquer certains. Et si cela échoue, comme avec les 94 milliards, il recommence ailleurs. Ces méthodes qui ont fait leur preuve au sein de groupes liberticides, nous les connaissons bien. Là où Sonko se trompe c’est que les Sénégalais ont une maturité qu’il sous-estime grandement, notre jeunesse n’est pas aussi manipulable que le croit Sonko, elle a fait montre de sa maturité et de sa clairvoyance, à plusieurs occasions. Les jeunes Sénégalais sont de plus en plus informés et conscients des enjeux nationaux, ils restent attachés à nos valeurs de politesse et de respect de l’autre et savent reconnaître les imposteurs qui veulent les entraîner dans des aventures sans lendemain.
Y-a-t-il une équation Sonko pour la majorité ?
Il n’y a pas une équation Sonko. Souvenez-vous des derniers résultats de l’élection présidentielle. Il y a quelqu’un qui déroule une stratégie bien connue. Il tient coûte que coûte à devenir le leader de l’opposition. Il pense qu’il y parviendra, en faisant dans l’extrémisme et l’insolence. On ne construit pas un avenir politique dans l’insolence et la calomnie. Ce n’est pas notre culture démocratique et il s’en rendra compte à ses dépends.
Parlons maintenant du dialogue national en cours. Quelles sont vos attentes ?
D’abord, permettez-moi de me réjouir du fait que le dialogue soit renoué. Nous avons la chance d’avoir des personnalités qui font l’objet d’un consensus pour conduire les discussions. C’est mon souhait que cet état d’esprit continue à prévaloir et que notre démocratie en soit le principal bénéficiaire, c’est à dire que notre processus électoral soit amélioré, que les grandes questions économiques et sociales fassent aussi l’objet de consensus. Il faut laisser la concertation libre et sincère se dérouler. Pourvu simplement qu’elle se fasse dans le respect des valeurs et principes qui doivent structurer la démocratie. Les conclusions seront remises au Président de la République qui a été élu, il y’a moins de 6 mois à 58,27%, il en fera le meilleur usage, je suis sûre.
Pouvez-vous revenir sur vos ambitions, en tant que présidente du Conseil économique social et environnemental ?
Le CESE est un réservoir d’expertise et d’expérience important qui souhaite donner pleinement sa contribution pour faire avancer nos défis de développement. Nous comptons développer le partenariat avec des instituts de recherche pour produire des avis de qualité fondés sur la recherche. Nous comptons également aller à la rencontre des acteurs socio-professionnels pour échanger et prendre en compte leur point de vue, de même pour la société civile, les jeunes et les femmes. Le CESE a aussi une mission de médiation, nous essayerons de nous y mettre sans empiéter dans les domaines des uns et des autres. L’environnement sera mieux pris en charge, parce que c’est une préoccupation mondiale. Y’a qu’à voir le décalage de notre hivernage, l’érosion de nos côtes sans compter nos problèmes de gestion des ordures, etc. En un mot, notre ambition est d’être une institution qui apporte des contributions avisées pour relever nos défis de développement, en bâtissant des liens productifs avec les centres de savoir, les acteurs économiques, sociaux et environnementaux. Déjà, pour la session extraordinaire qui vient de se terminer, nous avons abordé la lancinante question des violences faites aux femmes. Nous avons également abordé les résultats du PSE et ses perspectives dans le court, moyen et long terme. Nous avons aussi parlé de l’accélération de notre développement économique et de la formation professionnelle… J’ai vu des Conseillers décidés et engagés à servir le pays et à porter les préoccupations des femmes et des jeunes. Le bilan est positif.
Autre sujet brûlant de l’actualité, c’est la recrudescence des accidents de la circulation. La dernière en date est celui ayant frappé la délégation de votre camarade Oumar Youm. Souvent on épingle, sans aucune étude sérieuse, l’indiscipline des chauffeurs. N’est-ce pas une échappatoire ?
C’est un drame national ! Nous venons d’enregistrer 12 morts en 48h. L’Etat a pourtant fait d’énormes progrès en matière d’infrastructures routières. La prévention routière est à élever au rang de très grande priorité et il faut avoir le courage de reconnaître que l’indiscipline et l’incivisme routiers coûtent des vies et c’est inacceptable. On n’a même pas besoin de faire des enquêtes et des études pour se rendre compte que nous avons un problème de civisme. On a vu des conducteurs faire demi-tour sur une autoroute et même sur la VDN. Un conducteur a même osé emprunter avec son véhicule un pont réservé aux piétons. Il faut mettre un terme à la délinquance routière qui tue, en renforçant les contrôles et imposant de meilleurs standards de travail pour les chauffeurs. Un chauffeur doit respecter un temps de sommeil minimal, sinon il est un danger pour lui-même et pour les autres. Les syndicats des transporteurs doivent prendre cette question très au sérieux.
Mais est-ce admissible, selon vous, que le bulletin d’analyse des accidents de la circulation ne soit pas tenu à jour, pour avoir une idée précise sur ce drame, comme vous dites ?
Ce que je peux dire, c’est que l’Etat a déployé beaucoup de moyens et a mis en place d’importants dispositifs pour juguler le mal. Aujourd’hui, il y a un programme important de renouvellement du parc, mais si la discipline et le respect du code de la route ne suivent pas, la situation ne changera pas rapidement. Il faut une prise de conscience nationale sur ces accidents choquants avec des contrôles encore plus stricts et des temps de repos obligatoires pour les chauffeurs de transport en commun.
Beaucoup d’argent ont été engloutis dans les programmes de lutte contre les inondations. Malgré tout, il a suffi d’une pluie pour que le spectre revienne ? Ne faudrait-il pas évaluer toutes ces dépenses, vous qui êtes une des chantres de la reddition des comptes ?
Nous vivons les conséquences directes du changement climatique avec les retards de pluies qui, depuis trois ans, rythment nos hivernages. Pour rappel, la large majorité de nos concitoyens vivent de l’agriculture,, donc c’est une préoccupation nationale. Il semble que l’hivernage s’installe partout. Nous prions Allah pour que les récoltes soient bonnes à l’arrivée. A Dakar, à part quelques incidents signalés, il faut reconnaître que les 100 milliards d’investissements pour l’assainissement de Dakar et sa banlieue en 2013 en valaient la peine. On aurait été en 2011, les pluies de ces derniers jours auraient été catastrophiques, à tout point de vue. Le plan de développement agricole également, tel que je le perçois, tend à développer les cultures de contresaison pour être moins dépendant de la pluie. C'est le sens des importants investissements dans la vallée du fleuve, de l’Anambé et des Niayes aussi.
Deux morts ont été recensés à Rebeuss, suite à des bousculades. Quel commentaire cela vous inspire ?
Tout le monde regrette ces deux pertes en vie humaine à la prison de Rebeuss. Il faut attendre l’enquête pour savoir exactement ce qui s’est passé. Comme ancien Garde des Sceaux, je reconnais que la situation de la prison de Rebeuss est difficile. L’Etat est sur un projet de délocalisation pour avoir un établissement pénitentiaire qui réponde davantage au nombre et aux normes.
Il est souvent déploré un déficit de spécialistes et de plateaux techniques adéquats dans les structures hospitalières. Ces questions ne doivent-elles pas être prioritaires par rapport à certains investissements comme le train express régional ?
Il y’a encore de nombreux défis à relever, mais beaucoup a été fait depuis 2012, avec la finalisation des travaux des hôpitaux de Ziguinchor et Fatick à l’arrêt depuis plusieurs années, les nouveaux hôpitaux de Diamniadio et de Guédiawaye, la nouvelle radiothérapie, le renforcement du matériel des hôpitaux de Principal et le Dantec avec des plateaux de dernière génération pour les maladies du cœur et également le renforcement des hôpitaux régionaux et centres de santé. Mais comme vous dites, il reste à faire, il nous faut plus de spécialistes. Aussi, il faut encourager les sciences et avoir plus d’élèves orientés vers la médecine et les sciences connexes.