«JE PRÉFÈRE UN ENFANT SOUS UN ABRI PROVISOIRE, QU’UN ENFANT DANS LA RUE»
Kalidou Diallo, ancien ministre de l’Education énumère un à un les facteurs qui handicapent l’efficacité du système éducatif
Pour célébrer la Journée Internationale dédiée à l’Enseignant, la Fédération des Enseignants et Educateurs pour la république (Feer) a organisé un panel sur la baisse du niveau dans le système éducatif. Le conférencier Kalidou Diallo, ancien ministre de l’Education a énuméré un à un les facteurs qui handicapent l’efficacité du système.
A l’occasion de la Journée Internationale de l’Enseignant, la Fédération des Enseignants et Educateurs pour la République (Feer) a organisé un panel sur la baisse du niveau dans le système éducatif du Sénégal. Le conférencier Kalidou Diallo a passé en revue tous les obstacles qui ont favorisé cette baisse de niveau. Parlant des abris provisoires qui ont été particulièrement indexés, l’ancien ministre de l’Education Nationale sous Me Abdoulaye Wade a indiqué que chaque année, 300.000 élèves en moyenne sont inscrits au cours d’initiation (CI). Et il s’avère que le rythme de construction d’infrastructures d’accueil n’a pas suivi celui de croissance des effectifs, d’où l’existence des abris provisoires. Mais il estime que l’Etat a entamé une politique de suppression de ces abris qui étaient de 21% en 2012 et qui tournent aujourd’hui autour de 16%. Toujours est qu’il est impossible, à ses yeux, de supprimer définitivement les abris provisoires devant ce forttaux de natalité et cette volonté de scolariser tous les enfants. «Je préfère un enfant sous un abri provisoire qu’un enfant dans la rue», affirme-t-il.
Selon Kalidou Diallo, l’Etat du Sénégal investit énormément de moyens dans l’éducation notamment 6% du Produit Intérieur Brut (PIB) et 40% du budget de fonctionnement de l’Etat. C’est ainsi que la masse salariale des enseignants a grimpé, compte non tenu des gros investissements au niveau des infrastructures, des documents pédagogiques, des manuels. Mais malgré cela se désole-t-il, le rendement est faible à travers les résultats scolaires.
A titre comparatif, il souligne qu’en 1960, il n’y avait que 1.068 candidats au Baccalauréat au Sénégal contre 157.000 en 2019. En 1960, il y avait 660 admis soit plus de 50% et cette année le taux d’admission se situe entre 35 et 40%. Ce qui veut dire à ses yeux qu’on est passé de la moitié en termes d’efficacité, au tiers. Cependant dit-il, il suffit de voir le nombre d’élèves et de candidats qui augmente pour comprendre qu’il y ait cette baisse d’efficacité. Parmi les facteurs bloquants, il cite l’environnement systémique, les programmes et la formation des enseignants. Il y a aussi les questions liées à la santé, à la nutrition et aux effectifs pléthoriques.
En effet, le système est passé de 20 à 40 élèves par classe à plus de 100 par classe. On est passé d’une éducation élitiste avec toutes les salles de classe en dur et en ciment avec tous les enseignants diplômés d’écoles de formation à une situation de massification et de démocratisation de l’éducation. En 1996 on était à 52% de taux de scolarisation contre 90% et c’est pourquoi cette impossibilité d’avoir partout des salles de classe bien construites et des enseignants bien formés. C’est ainsi qu’il y a eu ce recours au volontariat et au vacatariat et un tel système a favorisé l’introduction d’enseignants pas bien formés, mais aussi des abris provisoires, pour que les enfants soient dans le système.
«LA NORME INTERNATIONALE EST DE 900 H EN TERME DE QUANTUM HORAIRE, LE CAP DES 400 A ETE RAREMENT FRANCHI AU SENEGAL»
Il y a eu ainsi ce phénomène d’enseignants moins chers et moins bien formés, avec également un environnement peu favorable. Ce qui a des conséquences sur la qualité. Kalidou Diallo souligne également qu’il y a eu une évolution très positive car en 1995 on recrutait des enseignants avec des diplômes requis, mais avec une formation de 3 semaines à un mois et ces enseignants percevaient des salaires mensuels de 50.000 Fcfa et ils n’avaient droit ni à une pension, ni à la promotion interne, encore moins à la sécurité sociale. C’est à partir de 1998 que le corps des maîtres contractuels et des professeurs contractuels a été créé, avec des salaires améliorés et une formation parfaitement assurée. Aujourd’hui, il n’y a dans le primaire aucun enseignant qui n’a pas un diplôme pédagogique et le niveau de recrutement a même été relevé au Baccalauréat et des dispositions sont mises en œuvre pour la disparition du corps des instituteurs adjoints pour qu’on ait des enseignants de niveau. Il a par ailleurs proposé qu’il y ait des professeurs d’école comme en France et un peu partout en Europe où le Professeur niveau licence choisit entre Prof dans le moyen secondaire ou dans le primaire. Selon lui, il y a une grande évolution en ce qui concerne la formation des enseignants au Sénégal. Pour Mamadou Diène Coordonnateur national de la FEER, la baisse de niveau est inquiétante et il urge que le gouvernement et les organisations syndicales se retrouvent autour de l’essentiel dans l’intérêt des enfants, du pays, du système éducatif, pour ne serait-ce que régler définitivement le problème du quantum scolaire. En effet dit-il, la norme internationale en matière de quantum scolaire est de 900 heures, mais au Sénégal rarement le cap des 400 heures a été franchi.