CICODEV ET LEGS/AFRICA PROPOSENT DES GARDE-FOUS
«Haro sur les conflits fonciers !» Tel est l’intitulé de la tribune signée Amadou Kanouté et Elimane Kane. Ils affirment qu’en l’état actuel de la législation foncière, aucun texte ne permet l’établissement de titre foncier sur les terres arables
L’affaire «Ndingler-Sédima» est en train de prendre une autre tournure avec un réel risque d’affrontements. Loin d’abdiquer, l’homme d’affaires Babacar Ngom manœuvre et use de tous ses moyens pour disposer pleinement des terres qui lui ont été affectées dans la zone. Ce qui n’est pas du goût de certaines organisations de la société civile. CICODEV et Legs/Africa estiment ainsi qu’il est difficilement concevable qu’un investisseur se prévale d’un titre foncier sur les terres communautaires.
«Haro sur les conflits fonciers !» Tel est l’intitulé de la tribune signée Amadou Kanouté et Elimane Kane, respectivement, Directeur Exécutif CICODEV et Président de LEGS/Africa. Ils affirment qu’en l’état actuel de la législation foncière, aucun texte ne permet l’établissement de titre foncier sur les terres arables des communautés. Si l’Etat, disent-ils, seul investi du pouvoir d’immatriculation, doit recourir à ce procédé, il ne doit le faire que pour des raisons d’utilité publique légalement constatée et après concertation ou information avec les populations locales. Dans cette même lancée et tenant compte de la lettre et de l’esprit de la loi portant Domaine national, CICODEV et LEGS/Africa soutiennent qu’il est difficilement concevable qu’un investisseur, fût-il national, se prévale d’un titre foncier sur les terres communautaires. A les en croire, ce n’est pas pour rien d’ailleurs que le Chef de l’Etat a fait savoir, lors de son face-à-face avec la presse le 31 décembre dernier, qu’il a instruit « le ministre des Finances et du Budget d’engager des réformes afin qu’il ne soit plus possible d’octroyer des titres fonciers sur les terres arables».
Au demeurant, soulignent-ils, les procédures foncières doivent évoluer au plan étatique. Par exemple, note-t-on, en ce qui concerne la mobilisation des assiettes foncières des terres agricoles, sources principales des problèmes, il y a des efforts à faire. Selon CICODEV et LEGS/Africa, la procédure de l’Etat reste dans une perspective très juridique, ne permettant pas ainsi de résoudre totalement les problèmes soulevés par la question foncière qui sont également d’ordre socio-économique, cultuel et culturel. «Si on ne met pas en avant le processus social d’intégration des populations, on va vers plus de contestations qui peuvent être sources de violences/violations. L’Etat doitinstaurer un véritable processus participatif avec les communautés », expliquent-ils dans le communiqué parvenu à «L’AS».
RECOMMANDATIONS POUR ASSURER LA PLEINE JOUISSANCE DES COMMUNAUTES, DE LEURS DROITS FONCIERS
Cela étant, ils estiment qu’au regard du contexte actuel, il est urgent pour l’Etat de prendre des mesures pour assurer la pleine jouissance des communautés, de leurs droits fonciers dans la paix et la quiétude. Pour CICODEV et LEGS Africa, ces mesures sont similaires à celles formulées durant leur panel organisé le 6 mars dernier sur les droits humains. Ainsi, ils recommandent dans un premier temps l’institutionnalisation d’un contrôle citoyen à tous les niveaux de la gouvernance foncière au Sénégal pour garantir la participation effective des populations. Ensuite, ajoutent-ils, ils exigent l’adoption d’un arrêté ministériel interdisant l’octroi d’un titre foncier sur les terres arables des communautés locales, en application de l’instruction présidentielle du 31 décembre 2020. En plus, en ce qui concerne les baux agricoles en milieu périurbain, ils pensent qu’il faut développer des mécanismes et des clauses de retour à la terre des producteurs/utilisateurs légitimes de la terre.
Aussi, CICODEV et LEGS/Africa plaident pour l’adoption de mécanismes juridiques spécifiques protégeant les défenseurs des droits fonciers pour leur permettre de faire leur travail en toute quiétude. Enfin, ils pensent qu’il faut remettre à jour la question de la réforme foncière dans sa globalité en ressortant le document de politique foncière. Cela permettra, selon eux, d’aller vers des solutions concertées, des solutions consensuelles entre les familles d’acteurs, à l’effet d’asseoir une gouvernance foncière porteuse d’un développement socio-économique dans un cadre de paix qui profite à tous.
UN REGAIN DE CONFLITS FONCIERS DANS LE PAYS, L’ETAT SOMME DE REAGIR
Auparavant, il a été fait état des nombreuses violations des droits humains des communautés locales sur leurs ressources foncières. Selon CICODEV et LEGS/Africa, ces violations, qui découlent d’une faible concertation ou consultation avec les communautés locales, dénotent d’un manque total de transparence sur les dépossessions foncières en milieu rural. D’où le foisonnement des conflits fonciers notés ces derniers jours, précisent-ils. Or, ajoutent-ils, le foncier permet à 70% de la population du pays de satisfaire leurs besoins essentiels que sont le logement, la nourriture, la mobilité, l’accès à la santé par les plantes médicinales, etc. «Il est donc facile d’imaginer l’impact que la dépossession d’un lopin de terre peut avoir en termes de dignité sur les communautés victimes», laissent-ils entendre. C’est fort de cette réalité que CICODEV et LEGS Africa constatent pour le regretter un regain de conflits fonciers dans le pays. De Ndengler à Dougar, en passant par Njael ou encore Diembéring, les communautés sont sur le pied de guerre pour la préservation de leurs patrimoines fonciers contre des investisseurs privés, des Elus, l’Etat, des promoteurs immobiliers.
CICODEV et LEGS Africa déplorent ces nombreux conflits qui ont abouti à des cas de démolition de maisons que les communautés ont mis des années à construire ; des violences physiques exercées sur la population et ayant entraîné des blessures graves du côté des communautés. «Nous condamnons cette violence protéiforme et appelons l’Etat du Sénégal, détenteur de la force publique, à la retenue et lui rappelons surtout son devoir constitutionnel d’assurer la paix et la sécurité, la protection des citoyens sénégalais en application de la Constitution, des traités et conventions internationaux sur les droits humains dont il est signataire», lit-on en définitive dans le communiqué parvenu à «L’AS».