L’INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE À L’ÉPREUVE DU CHANGEMENT À LA TÊTE DE L'UMS
Le changement intervenu à la présidence l’Union des magistrats sénégalais (Ums) amène à se poser des questions sur le devenir de cette lutte
L’indépendance de la justice a été parmi les combats du bureau sortant de l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Le changement intervenu à sa présidence le samedi 7 août amène à se poser des questions sur le devenir de cette lutte. Cette nouvelle équipe arrive également à un moment où la justice fait l’objet d’attaques surtout dans les dossiers politiques.
Ousmane Chimère Diouf, un juge à la carrière bien remplie et à l’intégrité chantée par ses pairs selon le Soleil d’hier, lundi 9 août, a pris les rênes du l’Union des magistrats sénégalais (Ums) dans un contexte où la justice est parfois critiquée même à son sein. «Nous traversons une des pires crises de notre histoire. De mémoire, cette justice n’en est jamais aussi attaquée, vilipendée et discréditée que lors de ces évènements malheureux », avait déclaré l’ancien procureur Aliou Ndao lors d’un colloque sur l’indépendance de la justice organisé par le bureau sortant en mars dernier. Il faisait allusion aux manifestations qui avaient fait suite à la convocation du leader du Pastef Ousmane Sonko dans l’affaire qui l’oppose à Adji Sarr.
Mieux, Aliou Ndao avait aussi estimé «qu’il y a un réel problème de confiance entre la justice et les justiciables». Et «le fait de nier ce malaise relèverait d’une cécité». Ousmane Chimère Diouf arrive à la tête de l’Ums dans ce contexte d’un contrôle judiciaire d’Ousmane Sonko et du décès du doyen des juges Samba Sall qui avait ce dossier. Comme dans cette affaire du leader du Pastef, la justice sénégalaise est sous le feu des critiques sur des dossiers politiques ou ceux mettant en cause des célébrités. La candidature supposée à un troisième mandat du Président de la République, Macky Sall devra passer par une validation du conseil constitutionnel.
Les deux années de magistère d’Ousmane Chimère Diouf seront donc marquées par un avant-goût de la présidentielle de 2024 avec une forte présence de ses pairs du conseil constitutionnel dans le débat public. Sous la présidence de Souleymane Téliko, après l’affectation du magistrats Ngor Diop, les rapports entre la tutelle et l’Ums n’étaient pas des meilleurs. Jugé par la chambre de discipline du Conseil supérieur de la magistrature, Souleymane Téliko avait écopé d’un blâme.
En plus de cette affaire, ses sorties médiatiques sur le dossier Khalifa Sall, avaient été décriées. Le changement à la présidence de l’Ums intervient après ce malentendu. Souleymane Téliko a rappelé cet incident dans son dernier discours en tant que président de l’Ums samedi dernier. «Ce rappel est juste une invite à prendre l’exacte mesure de ces évènements et du défi qui se profile à l’horizon pour la justice en général et les magistrats en particulier. Nous convenons que nul n’a le monopole de la vérité, l’Ums pas plus qu’une autre entité. C’est, par conséquent, dans la nature des choses qu’un débat de société aussi importante que celui portant sur la Justice, donne lieu à des divergences de vues. Mais quelque profondes qu’elles puissent être, ces divergences doivent pouvoir s’exprimer de manière civilisée, à travers un débat d’idées, dans le respect de la liberté d’opinion que la loi reconnaît à chacun d’entre nous», avait-il dit en faisant allusion à celle-ci.
Le combat du bureau sortant jusqu’à son ultime moment est l’indépendance totale de la justice, «la réforme en profondeur du CSM à l’interdiction des instructions individuelles adressées au Parquet, en passant par le renforcement de la protection statutaire des magistrats ou l’appel à candidature pour les postes de responsabilité, rien de ce que prône l’UMS, n’est fondamentalement nouveau, encore moins révolutionnaire», avait ajouté Souleymane Téliko dans son discours d’adieu.
Avec le changement à la présidence le devenir de ce combat reste un mystère. Le nouveau président de l’Ums, Ousmane Chimère Diouf, dans sa feuille de route a, quant à lui, expliqué les orientations qui lui serviront de politique. L’uniformisation de l'âge de la retraite à 68 ans, l’intégration de l’indemnité de judicature dans la pension de retraite ou la perception de 80% du salaire à la retraite et la gestion transparente, cohérente et objective du plan de carrière des magistrats sont parmi les chantiers qu’il compte entreprendre. Il compte adopter une démarche inclusive dans sa quête de réponse aux problèmes des magistrats. «Nous adopterons une démarche inclusive et participative, faite de concertation et de dialogue avec les hautes autorités judiciaires et de l’exécutif. Nous dialoguerons sans aucune compromission possible mais avec un esprit constructif, honnête et loyal. Nous éviterons de faire de nos partenaires à la négociation des adversaires. Négocier pour l’atteinte de nos objectifs ne saurait aucunement remettre en cause notre indépendance en tant qu’institution».
L’engagement de la nouvelle équipe à la tête de l’UMS est également de redonner renforcer l’image de la justice.