J'ESSAIE TOUJOURS D'ÊTRE À LA HAUTEUR DE L'EXIGENCE LITTÉRAIRE
S’il avait été footballeur, parce qu’il rêvait de l’être, on aurait dit qu’il affole les compteurs. Mais Mohamed Mbougar Sarr est écrivain et il est entré dans l’histoire littéraire grâce à son génie, son talent et sa productivité (4 romans depuis 2015)
S’il avait été footballeur, parce qu’il rêvait de l’être, on aurait dit qu’il affole les compteurs. Mais Mohamed Mbougar Sarr est écrivain et il est entré dans l’histoire littéraire grâce à son génie, son talent et sa productivité (4 romans depuis 2015). Révélé par « Terre Ceinte » en 2015, son dernier ouvrage, « La plus secrète mémoire des hommes » paru en 2021 fait un tabac. Le jeune Sénégalais est d’ailleurs sélectionné par les jurys parisiens pour les Prix Goncourt, Médicis, Femina et Renaudot. Malgré ces nominations, Mbougar Sarr ne se laisse point griser par le succès. Une distinction ne serait pour lui ni une consécration ni un couronnement. Mais simplement un encouragement.
Votre dernier livre, « La plus secrète mémoire des hommes », fait partie de la première sélection des prix Goncourt, Médicis, Femina, Renaudot. Est-ce qu’on peut dire que les prix vous courent après ?
Les jurys de prix ne courent derrière personne ; ils lisent des livres, jugent qu’ils méritent de figurer dans leur sélection ou non. Des jurés ont trouvé que mon roman pouvait être dans leur liste et je m’en réjouis, simplement.
Est-ce une surprise pour vous que les jurys parisiens aient plébiscité votre quatrième roman, « La plus secrète mémoire des hommes » ?
Oui, c’est une heureuse surprise. Ce ne sont, pour l’heure, que des sélections et je m’en réjouis pour le livre, mais aussi pour l’équipe éditoriale qui l’accompagne, ma famille et mes amis.
Cela fait quoi d’être un écrivain sénégalais et d’être fréquemment nominé pour des prix prestigieux en France ?
Ma nationalité n’a pas tellement d’importance ici. C’est d’abord un livre que les jurys sélectionnent ; et un livre, à mon avis, a pour première nationalité la littérature, ou la bibliothèque.
Est-ce que vous vous attendiez à un tel succès ?
Honnêtement, non. Comment aurais-je pu, d’ailleurs ?
Une distinction serait-elle une consécration ou un couronnement pour votre carrière ?
Une distinction ne serait ni une consécration ni un couronnement ; elle serait ce que j’ai toujours cru, que les récompenses littéraires étaient : un encouragement.
Votre roman « Terre Ceinte » a remporté le Prix Ahmadou Kourouma en 2015 et « La plus secrète mémoire des hommes » le Prix Transfuges du meilleur roman français en 2021. Est-ce qu’on peut dire que Mbougar Sarr est devenu la coqueluche des prix littéraires ?
C’est une formule toute faite, donc non. Les prix ou listes de prix encouragent et font plaisir, mais tout cela arrive à la fin, après ce qu’il y a de plus essentiel pour moi : le travail de l’écriture ; le lent, solitaire, épuisant et pourtant joyeux travail, où il n’y a pas de coqueluche, mais des gens qui essaient d’être à la hauteur de l’exigence littéraire, qui essaient d’être des écrivains, d’être dignes d’être appelés ainsi. Il faut distinguer la littérature de la vie littéraire.
Entre « Terre Ceinte » et « La plus secrète mémoire des hommes », qu’est-ce qui a changé dans votre façon d’écrire ?
Ça, je laisse les lecteurs et lectrices le dire.
Les auteurs sénégalais éprouvent d’énormes difficultés à se faire éditer en France. Mbougar Sarr constitue-t-il une exception ?
Il faut toujours se rappeler qu’être édité n’est pas toujours simple en France, et pour tout le monde. Beaucoup de gens écrivent et ne sont pas publiés. Pas seulement des Sénégalais. Quand on arrive avec un premier manuscrit et qu’on ne connaît personne, il faut être patient, essuyer des refus, douter. Ça a aussi été mon cas au début.
Mbougar Sarr incarne-t-il la renaissance de la littérature sénégalaise, africaine ?
Je n’en sais rien. Ce ne serait pas à moi de le dire. L’essentiel est ailleurs à mes yeux.
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour « La plus secrète mémoire des hommes » ?
D’une part le destin et l’œuvre de l’écrivain Malien Yambo Ouologuem, auteur mythique du légendaire « Devoir de violence » ; d’autre part, le désir de creuser des obsessions liées au sens de la littérature, de la vocation littéraire, de la parole et du silence de l’écrivain, de la recherche impossible et pourtant capitale du texte essentiel.
De vos quatre œuvres, laquelle vous a le plus marqué ?
Toutes mes œuvres m’ont marqué à leur façon. Cette question est plus destinée aux gens qui me lisent, je crois. Posez-la leur ; leurs réponses seront plus pertinentes.
Comment appréhendez-vous votre avenir dans la littérature ?
Avec doute et joie. Avec espoir et désespoir. Avec énergie et fatigue. Avec gravité et avec dérision. Surtout, avec la bibliothèque, qui est la seule chose dont on ait besoin, comme écrivain, c’est-à-dire comme lecteur, pour appréhender l’avenir – s’il s’appréhende.
Enfant de troupe au Prytanée militaire de Saint-Louis, vous étiez l’un des animateurs de la Voix de l’Enfant de Troupe (Vet). La littérature a-t-elle noyé cette passion pour le journalisme ?
À la Voix de l’Enfant de Troupe (Vet), j’écrivais. Aujourd’hui encore, j’écris. Ceci n’a pas noyé cela. J’estime qu’il y a plutôt une continuité assez naturelle.