CE QUI FAIT PEUR AU PRÉSIDENT MACKY SALL
Depuis son installation au pouvoir en 2012, le président de l'Assemblée nationale ne s’est jamais senti aussi seul et n’a jamais été aussi inquiet quant à la mise en place d’un bureau de l’Assemblée nationale
Le 12 septembre prochain, le Sénégal, avec l’installation de la XIVe législature, amorcera un tournant décisif de son histoire politique. Seulement à quelques jours de cette date, le président Macky Sall multiplie les initiatives et les tractations pour éviter toute surprise de dernière minute. Tout semble montrer quelque part que le patron de BBY affiche une certaine crainte voire une peur qui viendrait de son propre camp.
En effet, pour la première fois dans l’histoire du Parlement, la mouvance présidentielle et l’opposition vont quasiment faire jeu égal dans l’antre de l’hémicycle de la place Soweto, même si la majorité absolue a basculé légèrement, dans les chiffres, du côté du pouvoir avec le ralliement du député de Bokk Gis Gis, Pape Moustapha Diop. Une situation inédite qui a engendré une confusion et une incertitude totale dans la composition du prochain bureau qui pilotera cette nouvelle législature.
Macky Sall gagné par l’incertitude
Depuis son installation au pouvoir en 2012, Macky Sall ne s’est jamais senti aussi seul et n’a jamais été aussi inquiet quant à la mise en place d’un bureau de l’Assemblée nationale. D’ailleurs, il attendait toujours le dernier moment, pour envoyer son ministre directeur de Cabinet rassembler les députés de la mouvance présidentielle dans la salle de conférence de l’Assemblée nationale pour donner les dernières consignes à suivre. Et une fois dans la salle des plénières, ceux-ci exécutaient à la lettre les recommandations du Chef. Mais, pour cette XIVe législature où le pouvoir a frôlé une cohabitation certaine, le Président Macky Sall a pris lui-même les choses en main.
Il a d’abord convoqué les députés de la mouvance présidentielle et quelques responsables de première ligne de Benno Bokk Yakaar (BBY) le samedi 20 août 2022, au Palais de la République, dans une rencontre marathon qui a duré plus de 5 tours d’horloge. Macky Sall tenaillé probablement par le doute sur l’homogénéité de ses troupes, avait donné la parole à tout ce beau monde afin de tâter le pouls des uns et des autres. Il avait ensuite décidé de les réunir à la veille de la mise en place du bureau de l’Assemblée nationale dans un séminaire de trois jours – séminaire révélé en exclusivité par nos soins.
Divergence des points de vue
Chose promise, chose due, le séminaire est prévu dans la station balnéaire de Saly Portudal mais risque de se tenir dans la divergence. En effet, certains députés de la mouvance présidentielle ont émis le souhait de rentrer chez eux le dimanche soir et de rallier par leurs propres moyens l’hémicycle de la place Soweto, alors que du côté du Palais, on milite pour un convoyage en bus le lundi matin pour regagner directement l’Assemblée nationale. Un manque de confiance notoire qui est en train de miner le groupe parlementaire de la mouvance présidentielle.
Les craintes du Président Macky Sall
Il faut savoir que pour cette XIVe législature qui sera inédite au Sénégal, la cohabitation est inévitable. Hormis le poste de président de l’Assemblée nationale qui sera âprement disputé, les 8 postes de vice-présidents seront équitablement répartis. Aussi bien la mouvance présidentielle et l’opposition auront, chacune, 4 vice-présidents (2 hommes et 2 femmes) pour chaque camp. En ce qui concerne les Secrétaires élus, chaque camp disposera de 3 postes (2 hommes et 1 femme) alors que le poste de premier questeur reviendra au camp majoritaire et le deuxième à l’autre. Donc, la première crainte du Président Macky Sall résidera dans le choix du candidat au Perchoir de l’Assemblée nationale. Un choix qui ne fera pas l’unanimité engendrerait assurément des frustrations et des risques de vote-sanction. Donc de perdre le Perchoir. Surtout que le vote est secret et les intentions fermes, même la main sur le Coran de nos politiciens, n’engagent que ceux qui veulent bien y croire. Et Macky Sall connait bien les girouettes politiques auxquelles il a affaire. Il s’y ajoute aussi que le vote intervient dans un contexte marqué par la bouderie des alliés du Parti socialiste – formation en proie à une crise profonde. Se considérant comme méprisés ou sous-estimés, les Socialistes pourraient retourner leur veste et fragiliser davantage le camp présidentiel à la majorité pour le moins aléatoire.
Ensuite, le Président Macky Sall devra faire face au spectre du troisième mandat qui ne ferait pas l’unanimité dans son propre camp. Certains députés, à un peu plus d’un an du terme de son mandat qui serait, à leurs yeux son dernier, voudraient marquer une rupture et être plus des «députés du peuple» que des «députés de Macky Sall» pour ne pas plomber leur avenir politique dans un contexte marqué par la percée extraordinaire de l’opposition. Et pour ce faire, une fois n’est pas coutume, ils invoquent le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs.
Enfin, la répartition équitable des 14 commissions (7 commissions pour chaque camp) sera la dernière crainte du Président Macky Sall. Il est vrai que toutes les commissions se valent mais certaines restent encore plus stratégiques que d’autres. Il s’agit des commissions des Finances, des Forces armées, des Lois, Comptable et enfin de la Délégation. Pour la commission Comptable qui a obligation de veiller sur le patrimoine du Parlement et de faire le bilan trimestriel sur ses dépenses, elle serait stratégique selon nos interlocuteurs mais ne joue pas véritablement son rôle. L’honorable député Thierno Bocoum, l’un des derniers occupants du poste aurait eu tous les problèmes du monde pour le faire fonctionner. «Les membres de cette Commission sont réduits à un silence permanent», nous souffle un député de la législature sortante. Quant à celle de la Délégation, c’est une Commission spéciale qui intervient sur des questions spéciales notamment des forces de sécurité et de défense et de guerre.
Il faut aussi noter que pour cette XIVe législature, un député qui est nommé ministre de la République et ensuite limogé de son poste retrouve automatiquement son siège à la faveur d’un projet de loi voté et adopté par la législature sortante.