DES ACCUSATIONS DE SURFACTURATION CONTRE LE DAGE DU MINISTERE DU DEVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE QUI FONT PSCHITT
Depuis quelques jours, les confrères — et via les réseaux sociaux — font leur miel des révélations contenues dans les rapports de la Cour des comptes relatifs à l’utilisation des 1000 milliards de francs du Fonds Force Covid-19
Depuis quelques jours, les confrères — et l’opinion d’une manière générale surtout via les réseaux sociaux — font leur miel des révélations contenues dans les rapports de la Cour des comptes relatifs à l’utilisation des 1000 milliards de francs du Fonds Force Covid-19. A chaque jour son lot de révélations sur la manière dont les gestionnaires de fonds publics ont profité de la pandémie de coronavirus et de la volonté du Gouvernement de venir en aide aux populations vulnérables ainsi qu’au tissu économique plus globalement pour s’en mettre plein les poches.
S’il y a eu effectivement beaucoup de « Rapetou » et de pillards qui ont saigné à blanc les finances publiques durant cette période profitant de la panique générale pour s’enrichir goulument, force est de reconnaître toutefois que, dans cette louable entreprise de la Cour des comptes de contrôler la manière dont ces fonds publics ont été utilisés, il y a eu quand même des dérapages. Des accusations injustifiées qui ont jeté en pâture à l’opinion de braves gestionnaires qui sont aussi, et sans doute avant tout, des pères de familles hélas exposés au lynchage des réseaux sociaux. En plus de la perspective de devoir comparaître devant les tribunaux pour actes de malversations présumées. Dans cette chasse aux sorcières généralisée, une catégorie de fonctionnaires en particulier, c’est-à-dire les DAGE (directeurs de l’Administration générale et de l’Equipement) des ministères risquent d’être les agneaux du sacrifice. Exactement comme, dans le scandale de l’Artp et d’autres du même genre révélés lors de la traque de la CREI, les inspecteurs du Trésor avaient été ciblés. Encore une fois, si d’aucuns parmi ces Dage ont incontestablement fauté, il en est d’autres qui sont blancs comme neige mais que les vérificateurs de la Cour des comptes — dont le travail est méritoire, insistons là-dessus — ont désigné comme « coupables » d’imaginaires détournements ou surfacturations.
Parmi ces fonctionnaires accusés à tort, M. Aliou Sow, l’ancien DAGE du ministère du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale auquel il est reproché d’avoir acheté du riz brisé non parfumé à un prix supérieur aux prix fixés par le ministre du Commerce par arrêté N° 007111 en date du… 22 mai 2013 ! Le raisonnement qui fonde l’acte d’accusation des vérificateurs de la Cour des Comptes est le suivant : l’arrêté en question fixe le prix de la tonne de riz brisé non parfumé à 245.000 francs auxquels il convient d’ajouter des frais de manutention de 5001 francs. Soit un prix global de 250.001 francs la tonne !
Selon eux, le prix « fixé » par le ministère du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale a été de 275.000 francs. D’où, selon les calculs de ces brillants vérificateurs, un manque à gagner — pour ne pas dire une « surfacturation » — de 24.999 francs sur chaque tonne de riz brisé non parfumé achetée dans le cadre de cette opération. En multipliant par la quantité totale acquise, soit 100.000 tonnes, ils obtiennent donc un « montant surplus facturé par les fournisseurs (qui) s’établit à 2.749. 927. 498 francs » ! Suffisant pour accuser le pauvre DAGE d’avoir fait perdre cette rondelette somme aux finances publiques !
Une base de calcul totalement fausse
Or, en réalité, la base du calcul des perspicaces vérificateurs de la Cour des comptes est totalement fausse s’agissant en tout cas de cette acquisition de riz brisé parfumé. Tout d’abord, il n’est point besoin d’être grand clerc pour savoir que les prix de 2013 et de 2020, date à laquelle cette denrée a été achetée, ne sont bien évidemment plus les mêmes ! Surtout en pleine période de pandémie où les pays producteurs avaient bloqué leurs récoltes pour faire face à leurs propres besoins d’alimentation. Ensuite, on l’a vu ce jours-ci après la tenue du conseil présidentiel contre la vie chère, on aura beau administrer les prix des denrées de première nécessité, sans mesures d’accompagnement genre subventions, les commerçants n’en font qu’à leur tête. Qu’il s’agisse du sucre, de l’huile, du riz, de la farine, c’est la bonne vieille loi de l’offre et de la demande qui détermine les prix. Lesquels n’ont souvent rien à voir avec ceux fixés par le ministère du Commerce surtout s’ils datent de 2013. Pour ne rien arranger, ce fameux arrêté fait référence, s’agissant du sucre, à des sacs de 50 kg, et, pour l’huile, parle de fûts, des présentations qui n’existent pratiquement plus sur le marché !
Et puis, le DAGE du MDCEST ne s’est pas levé un beau matin pour « fixer » un prix d’acquisition de 275.000 francs la tonne de riz parfumé !
En tant que Président de la Commission des Marchés du ministère, M. Aliou Sow s’est vu demander par le ministre Mansour FAYE de commander pour le compte du ministère, mais en respectant les recommandations de l’ARMP, dans le cadre de l’assistance alimentaire, diverses quantités de produits avec des conditionnements bien précis. Il s’agit de :
-Riz brisé non parfumé en sac de 50 kg : 100 000 tonnes ;
-Sucre en conditionnement de 5 ou 10 kg : 10 000 tonnes ;
-Huile en conditionnement de 5 ou 10 litres : 10 000 tonnes ;
-Pâtes alimentaires en conditionnement de 5 ou 10 kg : 10 000 tonnes ;
-Savon en pack de 18 unités de 300 grammes : 1 000 000 packs
En même temps, M. Mansour Faye a annoncé au Dage le montant du budget de l’opération, soit 69 milliards de francs CFA, tout en lui remettant un tableau produit par le ministre chargé du Commerce retraçant les prix des denrées pour que la commission l’utilise comme document de travail dans le cadre de l’exploitation des offres reçues. Il faut dire que, par louable souci de transparence, et malgré la dérogation au Code des Marchés publics, par le décret 2020-781 du 18 mars 2020, le MDCEST a procédé à un appel à la concurrence. A cet effet, il a saisi l’ARMP qui lui a recommandé, par lettre no 000745 ARMP/DG/SP du 02 avril 2020 de procéder à la publication d’un avis de commande, la mise à contribution de la commission des marchés et la publication des résultats de la sélection ».
Un Dage à féliciter plutôt qu’à accabler !
M. Sow s’est aussitôt mis au travail en préparant un avis de commande en procédure d’urgence qu’il a transmis au ministre qui l’a validé avant de le transmettre lui-même par mail aux responsables de certains organes de presse pour publication. Oh, rassurez-vous, « Le Témoin » ne faisait pas partie de ceux-là et n’a pas bénéficié d’un seul franc des sommes faramineuses dépensées à l’époque au titre de la publication d’insertions dans les journaux !
Ce qui est sûr, pour en revenir au Dage Aliou Sow, c’est que les recommandations de l’ARMP ont été respectées à la lettre et les prestataires ont répondu à l’avis de commande en proposant des quantités et des prix pour chaque produit. Après quoi, la commission des marchés a sélectionné, pour chaque denrée, les prestataires conformes ayant proposé les prix les plus bas. Pour ce qui est du riz brisé non parfumé, c’est le prix de 175.000 francs la tonne, figurant dans le tableau communiqué par le ministre Mansour Faye à son DAGE — un document qui a, semble-t-il, servi de base de travail au Conseil des ministres — ce prix de 175.000 francs, donc, qui a été proposé comme par hasard par les trois fournisseurs retenus. On se demande où est la surfacturation dans tout ça? En fait, ce que ne comprend pas M. Aliou Sow, c’est que les mêmes observations qu’il a faites à propos des marchés du sucre et de l’huile que la commission qu’il préside a eu à attribuer — avant de soumettre à validation au ministre — aient été retenues par les vérificateurs de la Cour des comptes et qu’ils n’aient pas tenu…compte (c’est le cas de le dire !) de ses explications concernant le riz brisé non parfumé. A croire que ces vérificateurs sont des Sérères que seul le riz intéressait !
Pour le reste, avec le budget de 69 milliards alloué au ministère du Développement communautaire et de l’Equité sociale et territoriale, l’objectif était de distribuer des denrées alimentaires et des packs de savon à un million de personnes particulièrement vulnérables. A l’arrivée, 1.100.000 personnes en ont bénéficié pour un coût de 64 milliards 500 millions de francs. D’où des économies budgétaires de cinq milliards de francs environ. Et plutôt que de féliciter et de décorer ce Dage qui a fait un aussi bon travail voilà qu’on veut le traîner devant les tribunaux sous l’accusation infamante de détournement de deniers publics, à tout le moins de surfacturation pour près de trois milliards de nos francs. Allons donc messieurs et dames de la Cour des comptes !