DEMAIN APRÈS L’ÉMOTION, NOTRE MÉRITE DE SURVIVRE AUX VICTIMES
Encore une fois, pas de faux-fuyants. C’est nous les responsables passifs et involontaires de ce fléau
C’est dommage et regrettable ce qui est arrivé, hier matin, sur la route de Kaffrine. C’était fatal mais le décret appartient à Dieu, comme la responsabilité en incombe aux hommes.
Un bilan aussi lourd appelle à une prise de conscience de la part de tous ceux qui survivent à ces dizaines de morts ; à nous sénégalais à qui il incombe de continuer la route de la vie.
C’est vrai, tout le possible a été fait après et nous saluons le déploiement institutionnel au plus haut niveau, avec la descente de Monsieur le Président de la République sur les lieux du drame ainsi que la batterie de mesures et décisions ayant suivi pour optimiser l’assistance aux victimes.
*Ça, c’était après. Mais avant, qu’est-ce qui aurait dû être fait qui ne l’a pas été ? *
Depuis le Djoola cette question lancinante est constamment posée sans qu’une approche rationnelle et holistique des causes n’établisse un diagnostic courageux et des solutions opérationnelles, encadrées et suivies.
*C’est sur cette double problématique qu’il faudra délibérer, quand l’émotion aura fini de retenir et tempérer les habitudes connues de tous les usagers de nos routes. Encore une fois, pas de faux-fuyants. C’est nous les responsables passifs et involontaires de ce fléau. Nous en sommes conscients sans trop nous l’avouer *
Or l’imaginaire ancré que nous avons de l’environnement des Transports Publics au Sénégal s’est durablement accommodé de ces guimbardes usagées et sans visites techniques, de ces permis de conduire à l’obtention douteuse, de ces syndicats comploteurs qui s’occupent plus de politique et de prébendes.
Nous regardons tous avec complaisance et complicité tel chauffeur avec un comportement suspect vis-à-vis d’un agent préposé à la circulation. Chaque jour nous participons, par renoncement successifs, aux surcharges humaines et matérielles et fermons les yeux sur la violation des dispositions censées nous protéger. Nous surfons sur le déni.
C’est nous et nous le savons.
Il n’y a rien pour notre défense. Fréquemment la législation du transport porte de nouvelles touches et retouches au dispositif légal et réglementaire, dans un secteur déjà plein de bonnes mesures jamais entérinées de fait sinon, jamais suivies d’application par les personnes en charge.
Nous administrons le Transport par procuration de vœux pieux
Ça aussi nous le savons et il ne sert à rien de le nier. Pourtant nous avons le réseau routier le meilleur et le plus dynamique d’Afrique de l’Ouest. (Ne pas passer sans saluer la touche historique du Président Macky Sall dans ces acquis révolutionnaires ; mais ce n’est pas le sujet). Le Sénégal peut se targuer d’un code routier et d’un cadre réglementaire du transport routier des mieux élaborés.
*Que faut-il dès lors? *
Comme le dit Arthur Schnizler « L'humanité a l'oreille ainsi faite qu'elle continue à dormir quand le bruit retentit et ne se réveille qu'avec l'écho ».Quand sortirons-nous de cette torpeur où nous n’entendons plus que l’écho des choses, longtemps après qu’elles soient passées?
Voila.
L’urgence est gage d’empathie. Certes ; mais l’urgence n’assure pas la durabilité de l’empathie. Passé un certain temps, on retombera dans l’ordinaire et le problème demeura entier si on n’opère pas de ruptures d’avec les pratiques.
*Il donc pas temps de changer d’approche en évitant des mesures à chaud dont la faisabilité et la viabilité interrogent. *
*Il est temps avant que la nuit n’enveloppe nos routes et tue encore nos fils. *
Quoi faire alors ?
Inverser la pyramide.
Cela pourrait consister, pour le gouvernement, à mettre en place un comité spécial, pluridisciplinaire, mixte et consultative pour:
- dans un délai d’une semaine proposer des axes de solutions systémiques et transversaux pour l’optimisation de la sécurité routière;
- des indicateurs clef dont le suivi efficient contribue à l’optimisation du secteur ;
- un plan d’actions de mise sous maîtrise de ces axes d’amélioration
- un mode opératoire allant jusqu’aux projet de lois, décrets et arrêtes éventuels.
- une cartographie des risques et leurs mesures de mitigations ;
-un dispositif de suivi-évaluation doublé d’un cadre de vérification et d’audit régulier.
En somme,
-laisser travailler les experts sur ordre et objectifs spécifiques
- étudier leur proposition dans le cadre d’une réunion interministérielle et les pré-valider;
- soumettre les propositions retenues au chef de l’état
- validation / approbation des mesures en Conseil des ministres.
Face à la complexité des choses, intégrer des compétences plurielles et différentes pour mieux faire face.
Enfin profiter et donner contenu et sens dynamiques au deuil national. Que la communion de tous serve à dire ensemble : Plus jamais ça et œuvrer de concert pour que plus jamais cela n’arrive.