LA RENCONTRE AVEC LE MONDE PARALLÈLE
Nos grands-parents aimaient nous dire que le bruit des voitures, la lumière des lampes électriques poussaient nos voisins du monde parallèle à déménager, à s’éloigner de nous emportant avec eux toute la baraka attachée au terroir.
Jommi naa, mi fosaa ma,
La rencontre avec le monde parallèle
Le monde parallèle existe-t-il toujours ?
Nos grands-parents, vos arrières grands-parents aimaient nous dire que le bruit des voitures, la lumière des lampes électriques poussaient nos voisins du monde parallèle à déménager, à s’éloigner de nous, emportant avec eux toute la baraka attachée au terroir.
De plus en plus, je me demande si le monde parallèle ne s’est pas mué en monde virtuel nous accablant de ces malédictions.
Le monde parallèle dans lequel nous vivions lorsque nous étions gamins s’est petit à petit évanoui.
En fait, j’ai du mal à comprendre comment, en quelques décennies, on a oublié les peurs ancestrales de marcher au crépuscule, à l’aube et à midi.
Où sont passés les monstres affreux indescriptibles qui peuplaient nos savanes, qui pouvaient surgir au détour d’un sentier.
Toutes nos communautés avaient-elles des hallucinations invraisemblables ?
Je me souviens des femmes et des hommes qui devinrent des malades mentaux. Les parents nous expliquaient qu’ils avaient rencontré un djinné méchant. Une personne était devenue subitement muette parce qu’elle s’était mise imprudemment en face d’un phénomène surnaturel qu’elle ne devait jamais raconter aux êtres humains. Et ce garçon devenu brutalement aveugle pour avoir regardé dans le ciel la pléiade, la nuit de sa première apparition, ses yeux fermés à jamais ne verront plus cette constellation les pétales déployées.
Le monde parallèle était très apparent dans Saint Louis et ses environs. Où sont passés ces tonneaux qui roulaient dans les rues du côté de l’hôpital de Saint Louis qui imposaient au malheureux passant : « monte ou je monte ». Et cette Voie Jaune, Hoolol, qui sortait de Mbarigo, traversait l’actuel emplacement de l’Université Gaston Berger et se jetait dans la rivière le Djeuss. Cette terrible voie immatérielle était tellement crainte que peu de personnes osaient en parler. Il paraît que le voyageur imprudent qui l’empruntait pouvait rencontrer des êtres mi hommes mi animaux. Dans tous les cas aucun voyageur qui emprunta Hoolol n’eut l’esprit lucide pour raconter ce qu’il vit là-bas.
Ce monde parallèle ne peut pas s’évanouir définitivement.
Les êtres maléfiques qui le peuplaient, invisibles, se sont-ils glissés dans notre espace public ?
Ne sont-ils pas les causes surnaturelles de cet autoritarisme, de cette violence et de ce machiavélisme de notre espace politique ?
Où est passé le monde parallèle ?
N’était-il pas simplement le fruit de nos ignorances que la connaissance a dissipé ?