LE BOULEVARD DE LA RÉPUBLIQUE
Le boulevard de la République débouche sur la cour d’honneur. La République est le bien commun, l’intérêt général. Ainsi définie, elle est une idée généreuse et bienfaitrice. Mais point de béatitude. La réalité est plus terrible.
Le boulevard de la République débouche sur la cour d’honneur. La République est le bien commun, l’intérêt général. Ainsi définie, elle est une idée généreuse et bienfaitrice. Mais point de béatitude. La réalité est plus terrible. Le sens commun et l’intérêt général ne sont pas sur de bons rails. Ils sont ravagés par une nouvelle peste qui s’appelle le Mandat. Comme il y a 12 ans, le Sénégal pourrait faire figure de cluster ainsi qu’on disait du temps du covid. Comme en 2011, on pourrait être les dindons de la farce.
Le mandat présidentiel, indûment prolongé ou pas, est un facteur de tensions et d’anxiété. Un abcès qu’il est urgent et moral de crever. Il ne s’agit pas de s’arroger le rôle du professeur de morale mais de se poser en philosophe en méditant les paroles de Confucius : « examine si ce que tu promets est juste et possible. Car la promesse est une dette ». Les belles phrases sont truffées de naïveté. Les jolies paroles annoncent des actes qui le sont moins. Les pistes sont brouillées à desseins. C’est une forme d’habileté de donner du temps au temps pour éviter de scier la branche. Le romantisme ne trouve pas de place dans l’arène politique. Sauf que le mot Consécutifs introduit in extremis dans la constitution a rendu l’équation moins savante. Il s’agit bien d’un verrouillage.
Le garde-fou n’empêche pourtant pas les outrances des thuriféraires qui investissent à tour de bras. Le culte de l’homme fort et irremplaçable est compréhensible. L’ambition a été élevée au rang de crime de lèse-majesté. Toute tête qui essaie de dépasser est écrasée. À une encablure de l’échéance cruciale, on ne voit pas de velléités de transmettre le relai. Une sorte de fuite en avant. Le meilleur moyen de basculer dans l’opposition avec la perte des prébendes. Sans compter le risque de passer son tour chez le coiffeur avec les chasses aux sorcières.
Pas d’amalgame toutefois. Il ne faut pas mêler le nom du Président avec la haute trahison. C’est une pure démagogie. Il a mis en place des édifices de haute facture. Il est bâtisseur d’une ville nouvelle. Même s’il faut s’interroger sur la réalité cachée autour des infrastructures. Les perles se voient sur le collier. Comme s’accumulent les erreurs.
Tous les actes posés semblent paradoxalement le renforcer. Les micros-trottoirs des journalistes au sujet de Ousmane Sonko font souvent écho de procès en sorcellerie le visant. Le sentiment qu’on le persécute se diffuse dans la société. Il tire en partie sa popularité des bévues du camp d’en face même s’il prête lui-même beaucoup le flanc.
Les jours défilent comme des mannequins. Sur la prochaine élection, il y a un manque total de visibilité et de lisibilité. On tourne en rond. Prenons l’exemple de Khalifa Sall dont la situation n’est pas clarifiée. Il a entrepris une tournée qu’on peut aussi qualifier de tourisme. S’agissant de Karim Wade, son exil forcé s’est transformé en un cœur en exil. Les absents ont toujours tort. Un autre cas édifiant, c’est Aminata Touré dont l’éviction comporte une part de misogynie doit s’employer à briser sa solitude politique.
Les candidats déclarés affluent. Chacun veut être président pour ensuite se laisser perdre dans l’immensité de l’Etat. L’étape du débat, des propositions de nouveaux concepts sera brûlée au profit du pugilat. « Ôte-toi que je m’y mette. Je ne l’accepterai pas ». Le Président Senghor qui l’a dit n’entendait pas que l’aventure remplaçât la culture. Oui, le Sénégal manque de leaders cultivés. C’est un grave recul. Au point de confondre le boulevard de la République avec le théâtre de boulevard.