ON NE PEUT ÊTRE FRAGILE CHEZ SOI ET ÊTRE RESPECTÉ AILLEURS
Le Président tunisien est l’illustration de la médiocrité chronique chez beaucoup de nos dirigeants en mal de charisme et d’intuition. Le discours qu’il a véhiculé sur l’afflux migratoire est agressif.
Le Président tunisien est l’illustration de la médiocrité chronique chez beaucoup de nos dirigeants en mal de charisme et d’intuition. Le discours qu’il a véhiculé sur l’afflux migratoire est agressif. Il tire tout le monde vers le bas, son auteur en premier. De Kaïs Saïed, il n’était attendu une quelconque conscience humaniste. C’est trop lui demander. Tout de même, il subsistait une lueur d’espoir de voir en lui un visionnaire. Être universitaire donne un a priori favorable. Ni vision ni clairvoyance. Il prît rendez-vous avec le populisme qui flatte les plus bas instincts. Son horizon empêche de voir loin et d’intégrer que le pouvoir sur soi qui est plus précieux que le pouvoir sur les autres. Le cœur dicte la pensée.
Porté au pouvoir en 2019, le candidat hors système est vite devenu un tyran local hors sol. Il n’a pas de projet pour son pays. À la place, il fait des projections funestes à l’encontre des allogènes. Arrogance au bec, dépourvu de style, il a pris plaisir à tirer sur la foule d’étrangers ayant trop de concentration de mélanine sur la peau. Il ne se contente plus de concentrer dans ses mains tous les pouvoirs. En matière d’ignorance, il est difficile de faire mieux. La race n’existe pas. Il n’y a qu’une seule espèce humaine. Quand on oublie les bonnes pratiques, la fraternité est reléguée au profit de la frilosité. À la suite de Ben Ali et de sa caverne d’Ali Baba, tout l’argent des Tunisiens avait été dérobé, 320 millions de dollars déposés en Suisse par le clan déchu par la révolution du Jasmin, la nouvelle ère promise et inaugurée par Kaïs Saïed après le passage d’autres énergumènes n’est en réalité qu’une grande farce et une misère faites d’appels aux pogroms à peine voilés. L’hystérie ne date pas d’aujourd’hui. Le père fondateur Habib Bourguiba a été victime d’un coup d’Etat médical en 1987. Les symptômes et le misérabilisme s’entrechoquent et abîment la Tunisie. Les États ont les hommes politiques qu’ils méritent.
Les Tunisiens n’ont pas tous des cœurs de pierre
Les mots et le visage du Président actuel de 65 ans ne dégagent aucune chaleur. Il est un apprenti-dictateur. Il a éclaboussé Tunis, la ville blanche, de ses propos xénophobes. Des manifestants autochtones qu’il faut saluer se sont inscrits en faux contre ses propos en disant que la Tunisie est une terre africaine. Au-delà de la crise politique, économique et sociale, le pays subit sa géographie et la géopolitique d’un monde déséquilibré. L’Eldorado supposé de Lampedusa n’est qu’à une centaine de km de ses côtes.
Alors que la plupart des pays mènent une politique de la porte fermée, les candidats au voyage ont fait de la Méditerranée un point de transit où les passeurs se promènent comme des poissons dans l’eau. Ils étaient 32.000 l’année dernière à avoir franchi l’Italie. La plupart sont du reste des Tunisiens. Kaïs Saïed a parlé au nom de son pays. La parole du Président a partout une valeur juridique. Il le sait car il est un juriste de renom. Mais il n’est pas la Tunisie. Il faut donc bien se garder de tomber dans le piège de l’amalgame. Les Tunisiens n’ont pas tous des cœurs de pierre. Le repli identitaire et l’élévation des frontières se diffusent partout. Les murs et barbelés électriques sont partout de retour. Les Africains sont assignés à résidence. Ils n’ont la paix nulle part. Les jeunes d’Afrique sont jetés en pâture. La terre est leur enfer. Les océans, leur cimetière. Les kleptocraties et le cancer de la corruption dans leur pays respectif leur brisent les omoplates.
Frantz Fanon et Kaïs
Ceux qui tirent sur les Tunisiens et leur Président pour se donner bonne conscience créent eux-mêmes les conditions de l’exode de leur propre jeunesse. Frantz Fanon qui parlait des Damnés de la terre en 1961, dans son tout dernier livre, y aurait ajouté les damnés de la mer du 21ème siècle. Les aventures des jeunes générations africaines alimentent les événements les plus tragiques de l’humanité. On a appris d’ailleurs que aventure et événement sont de la même famille. L’anticolonialisme sans concession de Fanon avait la vigueur de sa prémonition quand il parlait de la perte de la « sensation du sol natal sous la plante des pieds ». La Tunisie perd pied.
L’atmosphère est irrespirable. Les étrangers venus du sud du Sahara se calfeutrent chez eux attendant les ponts aériens. Quelque 1000 Sénégalais résident dans ce qu’on peut considérer comme étant la plus grande prison au monde à l’heure actuelle. Grand pays de par sa culture et son histoire, la Tunisie n’est plus une terre de promesse. Elle est forteresse, une consanguinité. Tout s’explique. Un grand acteur de cinéma l’a dit : « Ceux qui aiment le pouvoir finissent le plus souvent en dictateurs car le pouvoir exige des comportements inhumains afin de le faire perdurer ». C’est peut-être le portrait de Kaïs qu’il était en train de brosser.