FRAGILITÉS
Peu de temps nous sépare de la présidentielle de février 2024. Le compte à rebours va se déclencher illico presto. Aussitôt après la Korité, sanctionnant la fin des privations et des pénitences, le naturel d’une vie rythmée reprendra le dessus.
Peu de temps nous sépare de la présidentielle de février 2024. Le compte à rebours va se déclencher illico presto. Aussitôt après la Korité, sanctionnant la fin des privations et des pénitences, le naturel d’une vie rythmée reprendra le dessus avec ses soubresauts, ses algarades, ses mimes, ses fantasmagories et ses facéties burelesques.
Un malaise traverse le pays tout de même. A mesure que se rapproche l’échéance, les variables se multiplient autant que les équations, rendant difficile la compréhension des enjeux charriés. Une élection majeure qui succède à d’autres de moindres ampleurs ne parvient toujours pas à livrer ses inconnues.
Qui sera (ou ne sera pas) candidat ? Va-t-on assister à des remake ? S’achemine-t-on vers un scrutin inédit ? En attendant, le quotidien bouleverse le schéma de vie des Sénégalais.
Déjà les procès retentissants en cours perturbent tout : fermeture des écoles, commerces et services à l’arrêt, mobilité réduite. L’inquiétude grandit. Quel est le coût réel d’une présidentielle ? A combien se chiffre l’allocation budgétaire dédiée ?
A questions précises, réponses énigmatiques ? Surtout si d’autres facteurs aléatoires s’y ajoutent liés au contexte, à la conjoncture et aux impondérables d’une situation illisible parce qu’imprévisible. Le Sénégal vit, sans répit, dans une tension politique permanente. Celle-ci impacte tous les autres domaine d’activités. Les politiques tiennent en haleine le pays.
Tout tourne autour de la politique, pierre angulaire du système de représentation. Il n’y en a que pour elle ! Haie d’honneur et jalonnement de sentinelles… ! Une telle faveur accordée contraste cependant avec la réalité qui elle, est tout autre.
Tout l’écosystème politique du pays ne compte pas plus d’un million de personnes (dirigeants, militants et même des sympathisants). Le collège électoral compte entre sept et huit millions d’électeurs inscrits. Les votants sont en-deçà. Et les suffrages « valablement » exprimés représentent presque la moitié du corps électorat.
Donc près de douze millions de Sénégalais ne votent pas bien que jouissant du droit. Ce paradoxe ne semble contrarier personne, du moins en apparence. Résultat : une extrême minorité fait et défait les lois et les règlements devant une majorité silencieuse dont l’opinion ne s’exprime guère. Cette défiance honore-t-elle la démocratie sénégalaise ?
Pas si sûr. En revanche, les signes d’affaiblissement s’accumulent avec son cortège de menaces qui ont pour noms : désintérêt croissant, désaffection des électeurs, taux de participation en recul constant. Quelles sont les réelles causes de ce grand écart, de ce « désamour » ?
Quand on voit des radicalités pousser du col, il faut toujours s’interroger. Elles avancent sur un champ de ruines en l’absence de toute volonté de défendre un « patrimoine » acquis de haute lutte à travers des décennies de combats ininterrompus. Ce triste sort réservé à la démocratie sénégalaise n’inquiète pas outre mesure.
Bon nombre de démocrates ne réagissent pas face à ce déclin pernicieux. Plus grave, certains ferment les yeux ou tournent le dos. Cela dit, les sondages et les réseaux sociaux s’érigent désormais en modèles de perception. Ils accréditent ou discréditent. Et les opinions suivent ou valident sans filtre.
Les options politiques ne s’inscrivent plus dans une perspective de durée. Le court terme triomphe du long terme et impose son rythme à une époque qui privilégie les ajustements voire les réajustements. Une nouvelle temporalité émerge qui change les paramètres de l’horizon politique. Faut-il l’admettre et l’accepter ?
Le déclin démocratique survient au moment justement où se multiplient les rendez-vous électoraux. En un mot tous les ans il y a vote à divers échelons de représentativité. Les changements ne s’opèrent pas pour autant. La lassitude gagne les électeurs de moins en moins nombreux dans les bureaux de vote.
Avons-nous connu de trêves pour nous occuper de nos vies, de nos affaires, de nos familles et de nos marmites ? A elle seule, l’économie au quotidien vivote. Elle n’est ni dans la planification, ni dans l’anticipation. Elle se déploie au jour le jour plutôt. Sa force est également sa faiblesse, autrement dit son talon d’Achille.
Le bas niveau des revenus, l’imperfection des produits, l’absence de qualification des artisans ruinent les chances de solidité des activités exposées à une chronique vulnérabilité. Le secteur informel, 80 % des actifs, bat de l’aile et ne se relance pas. Il ressent la chute du pouvoir d’achat du plus grand nombre, ce qui affecte les travailleurs et les ménages.
A intervalles irréguliers, les crises frappent durement les « petites mains » recluses dans une sempiternelle débrouillardise. Les chefs d’entreprises aussi ont en point de mire la prochaine présidentielle.
Comment l’appréhendent-ils ? Ils vivent dans la hantise d’une récession. Ils redoutent une stagnation généralisée qui serait synonyme de fermeture d’entreprises faute de débouchés, donc de marché. Cette « peur au ventre » ils la vivent depuis plus de deux ans. Créateurs de richesses et d’emplois, les chefs d’entreprise, amers, découvrent avec stupéfaction l’alignement de l’économie sur la politique.
Autant la première agrège, autant la seconde divise. Sans être antinomiques, elles s’orientent dans des directions opposées. Elles esquivent, avec une habileté non feinte, la confrontation. Momentanément. Mais les politiques se jouent de l’économie. Et pour autant, ils ne sont pas plus méritants.
Dans les rangs du patronat, des voix de plus en plus audibles, appellent à la raison et se succèdent dans les tribunes pour alerter sur les dangers qui guettent l’économie sénégalaise assujettie aux humeurs et à la conjoncture politique.
Ils connaissent le rôle et la place du secteur privé qui contribue à la stabilité du pays par sa part de redistribution de revenus à travers les salaires et les charges sociales. Sous d’autres cieux, les capitaines d’industrie sont respectés et écoutés.
Leurs avis comptent parce que leur influence est considérable. Ils assurent la prospérité par les gains et les dividendes. Chez nous, en revanche, les rapports entre privés et publics sont biaisés. Normal, diront certains, en pointant la commande publique comme le « vrai moteur » de cette relation qui intègre très peu la volonté populaire.
En clair, tout se passe derrière les rideaux de…fer ! Bien entendu la planification et les investissements ont diffusé de la prospérité via l’injection de capitaux dans bien des secteurs d’activités, notamment les grands travaux. Alors ?