IL FAUT FAIRE VIVRE LE MONUMENT DE LA RENAISSANCE AFRICAINE !
Construit dans la controverse par l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade, le Monument de la Renaissance Africaine fut inauguré avec faste en présence d’une pléiade de chefs d’Etat et de gouvernements. Et ce même si, pendant ce temps, l’opposition d’alors manifestait à l’autre bout de la ville contre cette œuvre. Certes, les touristes ne s’y bousculent pas encore, et les Sénégalais, majoritairement, tournent le dos à cette sculpture géante présentée comme un fétiche, en tout cas quelque chose d’incompatible avec l’Islam, mais, cela dit, ce Monument n’en a pas moins fière allure.
Il frappe par son gigantisme et ceux qui ont eu le courage — et la résistance physique — de monter jusqu’au sommet, disent que la vision qui s’offre est tout simplement féerique ! Et même si, encore une fois, les touristes ne s’y bousculent pas, les visiteurs y viennent quand même au compte-gouttes. Il faut dire que cette œuvre ne bénéficie guère de promotion et qu’elle a tellement été discréditée au moment de sa construction que même les Sénégalais — et Dieu sait qu’ils sont nombreux — qui veulent la visiter n’osent guère le faire pour ne pas être traités de mécréants ! Toujours est-il que priver ce monument de crédit pour son fonctionnement, ce serait signer son acte de décès.
Ce qui serait une monstruosité, un assassinat. Car ce Monument existe et doit vivre. Et n’eut été l’abnégation et les sacrifices de ceux qui le font marcher, c'est-à-dire son administrateur et son personnel, on ne parlerait plus de ce Monument qui rencontre d’énormes problèmes pour sa maintenance et son fonctionnement. Et pourtant, son administrateur, l’ambassadeur Pierre Abdel Kader Fall, nous annonçait un ambitieux projet lors d’une interview qu’il nous avait accordée l’année dernière. Un projet qui, s’il était réalisé, pourrait permettre l’autonomie financière du Monument vis-à-vis de l’Etat.
En effet, l’administrateur caressait l’idée d’un aménagement général qui comprendrait la construction d’un hôtel, d’un restaurant panoramique, d’une aire de jeux et des boutiques, entre autres commodités, pour faire de cet espace un lieu de convivialité. Un projet ambitieux qui, s’il voyait le jour, aurait permis à cet espace de générer ses propres ressources. Et, donc, de se passer de l’aide de l’Etat. Ce qui n’est hélas pas encore le cas. Cela, les députés qui comptent couper les vivres à ce monument l’ignorent encore. Le Monument de la Renaissance Africaine ne dispose pas de ressources financières pouvant lui permettre de mener des campagnes publicitaires au plan national et international. Ce qui aurait pu lui offrir plus de visibilité et, par ricochet, attirer les touristes, donc capter des recettes.
Construire un édifice de cette envergure sans en assurer la maintenance est suicidaire. Le Monument de la Renaissance, qui tire l’essentiel des ressources des tickets d’entrée payés par les visiteurs, n’échappe pas à cette règle. En fait, on peut même se demander s’il dispose réellement de tous les crédits votés par l’Assemblée nationale et mis à sa disposition tant les difficultés semblent énormes pour sa survie. Et ce n’est pas tout. A l’instar du Grand Théâtre, qui a au moins la possibilité de louer ses locaux, le Monument de la Renaissance Africaine végète dans un flou juridique puisque ne disposant toujours pas de statut. Or, le doter d’un statut lui donnerait plus de liberté tout en lui permettant de peser sur l’échiquier culturel et touristique…
Dans l’interview qu’il nous avait accordée l’année dernière, l’administrateur Pierre Abdel Kader Fall ne manquait pas d’idées et manifestait un certain enthousiasme à relever le défi qui consiste à réconcilier le Monument avec les nationaux d’abord. Preuve de sa bonne volonté et celle de son équipe, ne souriez surtout pas… ils occupent un hangar où se trouve un vestiaire pour les artistes. Et ce sont ces vestiaires qui servent de bureaux à l’administrateur et son équipe.
Plutôt que d’être privée de ressources, cette infrastructure mérite d’être maintenue et soutenue en vue de son autonomie. Ce qui passe bien sûr par la définition d’un statut. C’est réalisable grâce à une bonne volonté politique. Et le ministre de la Culture semble saisir les enjeux avec son idée de partenariats public/privé en vue d’exploiter la zone autour de ce monument. En effet,le projet prévoyait initialement que la structure abrite un restaurant panoramique accessible par un ascenseur. Ce qui pourrait faire de cet espace le point de convergence des touristes étrangers et des visiteurs nationaux.
C’est toujours mieux que de déboulonner cette oeuvre ou de la priver de ressources. Il s’y ajoute que l’opinion selon laquelle les Sénégalais portent un dédain à ce Monument est fausse. Le public s’intéresse bel et bien à l’édifice auquel il manque sans doute beaucoup choses pour être conforme aux standards internationaux de ce genre d’endroits. Mais il reste attractif et accueille des nationaux dont des élèves qui y effectuent des visites pédagogiques. Un Monument du reste bien sécurisé avec la présence de gendarmes et sapeurs-pompiers. Il existe et mérite de continuer de vivre, il reste seulement à lui offrir les moyens de son autonomie…