SENEGAL, UNE DEMOCRATIE DE LA HAINE
On attend de nos hommes politiques, en particulier, qu’ils soient à la hauteur des problématiques et des enjeux. Autrement, il y a risque que notre pays court à la perte de son âme
I ls sont déjà 45 inscrits sur la liste des candidats à la candidature pour la présidentielle de 2024. Et sur cette liste qui circule sur les réseaux sociaux, il y a du tout : du plus sérieux au plus farfelu. Prétendants crédibles, outsiders, fantaisistes, loufoques. Tous trépignent, se chauffent et se jaugent. De la séduction, de la flatterie, du semblant d’intelligence, un chatoiement de mirages, de promesses attrape-tout… sur le marché électoral, tous sont prêts à vendre leurs illusions. Parce qu’il en est ainsi chez nous : le spectacle des élections n’est rien moins qu’une foire d’empoigne plutôt qu’une politique logique fondée sur la question du sens, de la responsabilité et de l’éthique.
Tous ces messieurs et dames vont bientôt se dévoiler. Nous aurons alors droit à des propos teintés de mystifications obscènes et à des discours décalés des préoccupations des populations. Chaque camp s’emploiera à faire l’apologie de son candidat et à s’évertuer à déconstruire les autres. Une déconstruction qui ne sera sûrement pas centrée sur les manquements ou les approximations des programmes - puisque les débats programmatiques, je doute qu’il y en aura de sérieux - mais sur des aspects personnels, sur l’ad hominem.
Notre démocratie est saluée de partout comme un modèle d’excellence dans un contexte africain où c’est généralement la dictature des «je» transcendants et omnipotents qui ont fini de torpiller les règles du jeu (démocratique), de noyauter les institutions, et d’esclavager leurs populations.
Ce modèle serait disant et séduisant mais sur le seul critère, à mon avis, de l’alternance au sommet de l’Etat. Pour le reste, les autres n’ont pas tellement à nous envier.
Des causes internes mettent de plus en plus notre pays à mal. Les effets destructeurs du chômage de masse, la crise délétère des élites, un système scolaire sclérosé, des citoyens abandonnés par la République… tout un enchevêtrement de circonstances et d’occurrences a miné notre lien social. La machine sénégalaise à unir et à intégrer s’est cassée du fait de discours haineux et séparatistes.
Des Sénégalais, désormais nourris à des idéologies mortifères, prennent des armes contre d’autres Sénégalais au nom d’une vision dont on peine à trouver le qualificatif qui sied. Bref, notre fabrique citoyenne s’est enrayée .
On attend de nos hommes politiques, en particulier, qu’ils soient à la hauteur des problématiques et des enjeux. Autrement, il y a risque que notre pays court à la perte de son âme.