NOUS DEMANDONS AU CHEF DE L’ÉTAT D’ORDONNER LA GRATUITE TOTALE POUR LES CANCERS FÉMININS
Le Sénégal sous Macky Sall a enregistré des progrès énormes dans la lutte contre les cancers : acquisition d’appareils de radiothérapie de dernière génération, gratuité de la chimiothérapie à 100% dans les cancers féminins et à 60% pour les autres types.
Le Sénégal sous Macky Sall a enregistré des progrès énormes dans la lutte contre les cancers : acquisition d’appareils de radiothérapie de dernière génération, gratuité de la chimiothérapie à 100% dans les cancers féminins et à 60% dans les autres types de cancer. Mais beaucoup reste encore à faire. Justifiant ainsi le fort plaidoyer lancé par la présidente de l’Association cancer du sein Sénégal (Ac2S), Diarra Guèye Kébé veut la gratuité totale pour les cancers féminins. En guise de « cadeau d’au revoir » de la part du Président de la République Macky Sall.
Vous intervenez depuis dix ans dans la lutte contre le cancer au Sénégal, avec votre association. Quels sont les acquis majeurs engrangés au cours de cette décennie de lutte ?
Les acquis majeurs que nous avons engrangés au cours de cette décennie, c’est déjà une plus grande prise de conscience des populations par rapport à la prévention des cancers du sein et du col de l’utérus. Aujourd’hui, « Octobre rose » tout le monde en parle, tout le monde organise des campagnes de dépistage. C’est un acquis majeur. En plus, nous avons pu, grâce à tous les plaidoyers que nous avons eu à faire durant toutes ces années, avoir la gratuité de la chimiothérapie qui intervient en cours de traitement. Toujours grâce à nos plaidoyers, nous avons pu aujourd’hui acquérir des appareils de radiothérapie qui permettent de prendre le plus grand nombre de personnes en charge. Ce sont des appareils de dernière génération par rapport à celui qu’on avait à l’hôpital Aristide Le Dantec. C’est un acquis assez important pour nous et la prise en charge des malades, bien qu’il y ait encore énormément à faire. Nous pouvons nous réjouir aujourd’hui que beaucoup de femmes savent, quand on parle de cancer, plus ou moins, ce que c’est et vont systématiquement se faire dépister dans toutes les structures qui organisent « Octobre rose ».
Quels sont les plus grands défis auxquels l’association dont vous êtes à la tête fait encore face ?
Le défi majeur que nous avons, c’est toujours dans la sensibilisation pour que les femmes puissent arriver à des stades 1 de la maladie, à savoir soit se faire auto-dépister soit se faire dépister très tôt pour que la prise en charge soit plus facile et que les chances de guérison soient de plus en plus élevées. Nous n’avons pas encore atteint cet objectif-là, mais nous avons bon espoir que, dans les années à venir, les choses vont beaucoup changer, puisque la prise de conscience est de plus en plus énorme. En plus, nous avons deux autres grands défis : avoir un bus médicalisé où il y aurait un appareil de mammographie mobile, un appareil d’échographie mobile et un colposcope, ce qui nous permettrait de faciliter nos déplacements. Ainsi, nous serons totalement autonomes pour faire beaucoup plus de campagnes de sensibilisation, d’information, de prévention et de dépistage. L’autre défi, c’est la création d’une maison de vie pour les personnes qui viennent des régions et qui n’ont pas de familles à Dakar pour leur permettre de pouvoir suivre correctement leur traitement durant les jours où elles seront à Dakar.
Vous avez décidé de marquer la célébration des 10 ans de votre association par une exposition. Pourquoi cette option et quelles sont les grandes lignes de cette initiative ?
Nous avons voulu marquer le jubilé des dix ans de la création de l’association par une exposition-brunch. Nous avons voulu montrer, à travers cette initiative, à la population sénégalaise d’une manière générale, surtout aux mécènes qui nous accompagnent depuis toutes ces années, de façon imagée, toutes nos réalisations. Nous voulons montrer ce que nous faisons, notamment les dépistages dans les régions, les formations pour les « badianou gokh » dans les techniques de sensibilisation et pour les Infirmiers-chefs de poste (Icp), les sages-femmes, afin que ces derniers puissent continuer à sensibiliser les populations. Notre objectif, ce n’est pas zéro cancer, car cela relève de la Volonté divine, mais au moins que les femmes puissent arriver à des stades primaires de leur maladie. Non seulement les chances de guérison sont énormes, mais en plus, la prise en charge sera moins lourde et plus avantageuse pour ces personnes-là. Nous avons aussi lancé une initiative cette année, toujours dans le cadre de l’exposition-brunch. Nous avons fait une levée de fonds avec le challenge d’offrir 500 kits mammaires à des femmes qui ont subi soit une double mastectomie (ablation des deux seins) ou une simple mastectomie (ablation d’un seul sein). Le kit mammaire est composé d’un soutien-gorge spécial avec une poche à l’intérieur où on peut introduire les prothèses et c’est accompagné d’une ou de deux prothèses en silicone. Le but est d’aider ces femmes à retrouver la féminité et la confiance en soi qu’elles ont en quelque sorte perdues.
La prise en charge du cancer reste onéreuse, en dépit des nombreux efforts fournis par l’État. Quels sont les leviers à activer pour que les malades puissent accéder au traitement sans grande difficulté ?
Si aujourd’hui beaucoup de personnes ont des difficultés à se prendre en charge et arrivent surtout à des stades assez avancés de leur maladie, c’est principalement dû au fait que la prise en charge reste onéreuse. Conséquence : les malades sont obligés parfois de se rabattre sur d’autres techniques de guérison qui ne sont pas toujours fiables. Le cancer est une maladie où pour être pris en charge, il y a certaines conditions, à savoir la pose de diagnostic. Dans le cancer du sein par exemple, il faut faire une mammographie, une échographie mammaire, un bilan sanguin, une biopsie, un scanner. Il y a toute une batterie d’examens à faire et qui coûtent cher, pas moins de 400.000 ou 500.000 FCfa avant de pouvoir accéder à la chimiothérapie qui est gratuite. Nous avons lancé un appel à son excellence le Président de la République pour une gratuité totale au moins pour les cancers féminins, parce qu’ils sont les premiers cancers au Sénégal. En plus, ce sont les cancers qui, malheureusement, tuent le plus, car souvent les femmes arrivent à des stades trop avancés et tout simplement par manque de moyens. Je dirais que 80% d’entre elles arrivent par manque de moyens et les 20% restants viennent aujourd’hui avec toutes les communications que nous faisons sur ces cancers. Ainsi nous souhaitons qu’il y ait une gratuité de la prise en charge des malades, en particulier pour les femmes atteintes de cancer.
Où en êtes-vous justement avec les autorités sur le plaidoyer pour la gratuité totale de la prise en charge du cancer au Sénégal ?
Nous avons lancé un appel, encore un énième cri du cœur qui, je l’espère, sera reçu comme d’habitude par son excellence le Président de la République qui a quand même fait beaucoup pour le cancer. Il faut le reconnaitre. Nous le remercions beaucoup, parce que grâce à lui nous avons pu avoir les appareils de radiothérapie de dernière génération qui sont les accélérateurs linéaires. Nous avons pu avoir la gratuité de la chimiothérapie à 100% dans les cancers féminins et à 60% dans les autres types de cancer. Mais il reste encore beaucoup à faire. Ainsi, nous lui demandons un cadeau d’au revoir en ordonnant la gratuité totale de la prise en charge des femmes atteintes du cancer.
Le dépistage précoce est préconisé pour assurer un meilleur traitement aux malades. Malheureusement, beaucoup de patients peinent à compléter le diagnostic par manque de moyens. Ainsi, certains finissent par abandonner.
Comment faire pour leur faciliter l’accès aux examens complémentaires ?
Il n’y a pas de solution. C’est la gratuité. Les coûts des soins sont tellement onéreux qu’il n’y a qu’une seule solution à préconiser et c’est la gratuité des soins. Sans soutien logistique, il est impossible de faire ce bilan quand on voit que vous avez un nodule dans le sein. Les coûts sont très onéreux pour le Sénégalais lamda. Donc, si on veut gagner le combat du cancer, des cancers féminins en particulier, il faut cette gratuité ou bien trouver des astuces pour qu’il y ait une assurance universelle ou renforcer la Couverture maladie universelle (Cmu).
Certains sont contre les campagnes de dépistage organisées pour détecter précocement les cas de cancer. Ils se fondent sur le fait que c’est à partir de cet instant que commencent les difficultés pour beaucoup de gens, parce que ces derniers manquent souvent de moyens pour faire face aux examens et à la prise en charge.
Que pensez-vous d’une telle position ?
C’est discutable. Je dirais qu’il faut des campagnes de dépistage organisées en respectant les normes. Je suis entièrement d’accord qu’elles doivent être faites dans les normes, parce qu’on ne peut pas dépister une personne et la laisser en rade. Éthiquement, ce n’est pas bon. Car si un cas suspect est détecté, la personne doit être accompagnée dans sa prise en charge médicale et financière. Sinon organiser une campagne de dépistage n’a pas tout à fait son utilité. Je suis pour des campagnes de sensibilisation, d’information et de prévention. En effet, quand vous sensibilisez une personne, vous l’éduquez, vous lui donnez la connaissance de la maladie, cela peut amener à un auto-dépistage. Nous notre objectif, c’est d’amener les femmes à l’auto-dépistage, à savoir leur donner le maximum d’informations dans la prévention pour qu’elles puissent aller d’elles-mêmes, de façon spontanée, se faire dépister, en ayant le bon geste à partir de 45 ans, si on n’est pas dans une famille à cancer, à aller systématiquement faire la mammographie dans le cas du cancer du sein et pour ce qui est du cancer du col, qu’elles aient l’habitude d’aller se faire consulter par une sage-femme ou un gynécologue pour voir si tout va bien. C’est plus important à mon sens que de faire des campagnes de dépistage de masse comme cela se fait très souvent. En tout cas, pour les campagnes de dépistage que nous faisons, nous rendons grâce à Allah. Chaque fois que nous avons des cas, nous suivons ces personnes-là du début jusqu’à la fin de leur traitement. Si c’est une suspicion de cancer, nous poussons vers la biopsie et autre et quand cet examen dit que ce n’est pas un cancer, nous lui donnons les informations sur la conduite à tenir. Si c’est un cancer, nous l’accompagnons dans la prise en charge, les rendez-vous médicaux et tout ce qui s’en suit.
Personnellement, qu’est-ce qui vous a le plus marqué au cours des dix dernières années ?
Ce qui m’a le plus marqué au cours de ces dix dernières années, c’est que j’ai découvert le monde médical, la résilience qu’il y a dans ce milieu, les médecins et le personnel soignant, qui, tous les jours, se donnent à fond, malgré les moyens limités qu’ils ont pour la prise en charge et la qualité du plateau technique. C’est une chose qui m’a beaucoup marquée. Je profite de l’occasion pour rendre un grand hommage à tous ces grands médecins, ces cancérologues qui se donnent à fond dans leur métier qui est parfois très difficile, qui demande beaucoup d’engagement, au personnel soignant pour l’attention qu’ils ont vis-à-vis des malades, les associations, tous ces bénévoles qui donnent avec un grand cœur, les malades. Je découvre des personnes formidables. C’est vraiment un aspect très positif que je découvre. Je me rends compte que la vie est pleine de belles choses. Mon engagement aux côtés des malades m’a donné une autre vision de la vie qui est différente de celle que j’avais. C’est un point très important pour moi.