PASTEF REDÉFINIT LE PAYSAGE POLITIQUE SÉNÉGALAIS
Huit mois après la présidentielle, le parti consolide son ancrage dans les centres urbains tout en conquérant de nouveaux territoires jadis acquis à Benno Bokk Yakaar
Avec une victoire écrasante lors des législatives, le Pastef s’impose comme la nouvelle force politique dominante du Sénégal. Cette performance, marquée par un ancrage fort dans les centres urbains et un programme structuré, laisse entrevoir une refonte majeure du paysage politique.
Les rideaux sont tombés ! Le Pastef s’affirme comme la locomotive du renouveau politique au Sénégal. En dominant les grands centres urbains et en s’étendant à des bastions traditionnels du régime de Macky Sall, le parti dirigé par Ousmane Sonko récolte les fruits d’une stratégie alliant proximité avec les électeurs, discours cohérents et maîtrise des réseaux sociaux. Cette performance confirme son plébiscite, notamment auprès des jeunes et ouvre la voie à des réformes ambitieuses.
Le Pastef, une victoire haut la main
La victoire écrasante du Pastef aux élections législatives, marque un tournant dans le paysage politique national sénégalais. Avec une majorité confortable de 132 députés obtenue au terme d’une campagne intense, cette performance témoigne à la fois de la solidité stratégique du parti et des plébiscites au sein de l’électorat. C’était la formation politique la plus en vue de la campagne électorale. Le Pastef a écrasé l’opposition. Ce raz de marée n’est pas un hasard. Les patriotes ont été plébiscités par une large partie de l’électorat. Ce succès confère au parti vainqueur un pouvoir législatif considérable, ouvrant la voie à la mise en œuvre rapide de réformes ambitieuses pour changer le quotidien des Sénégalais. Cependant, un tel succès s’accompagne d’une attente accrue de la population. Cette victoire, qui redessine la carte électorale du Sénégal, renseigne sur plusieurs faits.
La formation dirigée par le Premier ministre Ousmane Sonko a largement rempilé dans les grands centres urbains. Le losange Dakar, Thiès, Mbour et Touba a voté massivement le Pastef. Cet ensemble géographique du pays Wolof, qui est de loin le plus riche et le plus peuplé, reste le « faiseur de roi » dans n’importe quelle échéance électorale. C’est en quelque sorte une confirmation des Patriotes dans les grandes villes. Le Pastef a su tirer parti de son ancrage dans ces territoires. Les équipes de campagne ont multiplié les initiatives de proximité, établissant un lien direct avec les populations locales, notamment les jeunes. L’exploitation des nouvelles technologies, notamment les réseaux sociaux, a permis de mobiliser massivement les jeunes, souvent négligés par les stratégies classiques. Le Pastef dispose d’une milice numérique très influente. Un atout par rapport aux autres formations politiques.
Cette razzia montre également que la popularité du Pastef est restée intacte par rapport à la présidentielle, il y a huit mois. Même si le taux de participation a connu une baisse. Au-delà des centres urbains, la machine de guerre Pastef a conquis de nouveaux horizons. Fatick, Linguère et Tambacounda, des bastions souvent acquis à la défunte coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) ont voté Pastef. Un fait inédit ! Ce triomphe électoral résulte également en grande partie d’un programme politique structuré et cohérent, orienté vers les priorités des citoyens : reddition des comptes, réformes économiques, justice sociale, et réformes institutionnelles. Ces thématiques ont trouvé un écho particulier auprès des électeurs, amplifié par une communication claire et adaptée, notamment chez les jeunes.
En définitive, cette victoire écrasante redéfinit les équilibres politiques nationaux. Le parti Pastef devra capitaliser sur cet élan pour transformer son mandat électoral en actions concrètes, tout en naviguant avec prudence dans un environnement où les attentes sont immenses et les risques de désillusion tout aussi importants. Cette élection restera un moment clé dans l’histoire politique récente, annonçant une période de réformes et de recompositions majeures.
La coalition Tàkku Wàllu Sénégal, la grande surprise !
Dirigée par l’ancien Président de la République, Macky Sall, la coalition Tàkku Wàllu Sénégal a créé la surprise en obtenant 16 sièges à l’Assemblée nationale, selon les projections. Ce succès inattendu de la coalition dite « contre- nature », car regroupant deux anciens partis rivaux, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) et l’Alliance Pour la République (APR).
Le succès d’une coalition politique discrète repose souvent sur un travail de proximité méticuleusement orchestrée à l’abri des médias. Malgré une couverture médiatique limitée, elle a su tisser des liens forts avec les électeurs dans des localités spécifiques,souvent négligées par les grandes coalitions, notamment dans les bastions affectifs du Président Abdoulaye Wade et de son successeur Macky Sall. Tàkku Wàllu Sénégal a axé sa campagne sur les critiques, sur les lacunes du gouvernement actuel, la conjoncture et les promesses non tenues pour le moment.
Loin des projecteurs, la coalition a misé sur une campagne de communication classique des canaux communautaires dans le Fouta. Cette stratégie lui a permis de mobiliser des électeurs dans cette partie du pays. Ainsi, la coalition a largement rempilé à Matam, à Kanel et à Ranérou. Ce qui montre qu’une partie du Fouta reste encore le « titre foncier » du Président Macky Sall. Les déclarations d’Ousmane Sonko sur une probable arrestation de Farba Ngom lui ont-ils porté préjudice ? En tout cas, le « Mbarodi » d’Agnam (Lion en Halpulaar) a joué un rôle important dans cette victoire en raflant tous les sièges de la région de Matam. Sa légitimité ne souffre d’aucune contestation. Par ailleurs, la coalition a également bénéficié de l’appareil politique du PDS particulièrement implanté dans les quatre coins du pays. Cet atout a permis de maximiser les votes dans des circonscriptions ciblées, assurant un impact électoral significatif. En jouant sur la complémentarité des forces, elle a réussi à contourner son manque de visibilité nationale pour construire un réseau solide. Toutefois, sa capacité à transformer cette percée en ancrage durable dépendra de sa gestion des responsabilités parlementaires.
Jàmm ak Njarin, un recul symptomatique mais acceptable
Après la présidentielle, Amadou Bâ incarnait l’opposition. Lors de la campagne électorale, l’ancien Premier ministre avait réussi à fédérer quelques formations issues des ruines de la défunte coalition Benno Bokk Yakaar. Son classement à la troisième position aux législatives avec 7 députés, selon les tendances, reflète une rupture de son élan au lendemain de la présidentielle. Cette chute soulève des questions fondamentales sur les dynamiques politiques, stratégiques et sociales qui ont influencé ce résultat. Et pourtant Jàmm Ak Njarin avait un discours ambitieux et ses propositions innovantes. L’un des premiers facteurs réside dans l’incapacité du candidat à maintenir l’unité de ses alliés après la présidentielle. Si certains partenaires ont fait défection pour rejoindre d’autres forces politiques ou pour se présenter indépendamment, cela a fatalement réduit la base électorale du candidat. Si le Parti Socialiste (PS) a accompagné Amadou Bâ, l’Alliance des Forces de Progrès (AFP) a faussé compagnie à l’ancien chef de la diplomatie sénégalais au dernier moment. Contrairement aux autres candidats, excepté le Pastef, qui ont décidé de bâtir de larges coalitions, Amadou Bâ a préféré une coalition de moindre envergure pour se jauger. Ce passage de la deuxième place à la présidentielle à la troisième lors des législatives, montre que l’appareil de Benno Bokk Yakaar avait fortement bénéficié à Amadou Bâ. Pour Amadou Bâ, ce résultat peut être une opportunité de remise en question et de refonte stratégique pour se positionner. La sérénité et le calme de l’homme ont convaincu les Sénégalais même s’ils n’ont pas voté pour lui. Il a encore un avenir politique radieux devant lui.
Sàmm Sa Kàddu, la déception
Lors de la campagne électorale, la coalition Sàmm Sa Kàddu, largement médiatisée, a été perçue comme un acteur majeur de la campagne électorale. Finalement, elle n’a obtenu que 3 députés. Ce résultat, bien qu’en deçà des attentes, est un échec total. Il met en lumière des dynamiques politiques complexes et des stratégies qui, malgré une visibilité importante, n’ont pas suffi à transformer l’élan populaire en victoire électorale décisive. La coalition avait su s’imposer comme l’un des acteurs centraux de la campagne grâce à une communication omniprésente sur les réseaux sociaux avec des caravanes pilotées par ses lutteurs. A chaque fois, ils ne rataient pas le leader de Pastef. Cependant, cette stratégie d’attaque frontale contre Ousmane Sonko a paradoxalement joué en leur défaveur.
Malgré un programme axé sur les huit mois de magistère du président Diomaye et un tir groupé sur Sonko, la coalition a manqué de répondre aux préoccupations spécifiques des électeurs au niveau local. Cette déconnexion a fragilisé son ancrage territorial, un élément clé dans les élections législatives où les dynamiques locales jouent un rôle déterminant. Le chef de file, Barthelemy Dias, a perdu son bureau de vote à Baobab. Un fait rare. Il n’est plus le tout puissant « Borom Ndàkaru ». Le maire de la capitale joue maintenant sa survie politique face à un Abass Fall déterminé et soutenu par Ousmane Sonko.
Dans les greniers électoraux clés de la capitale, elle a enregistré des scores honorables mais insuffisants pour obtenir des sièges, souvent à cause d’une fragmentation des votes, notamment dans la commune de la Médina où la coalition est arrivée deuxième derrière le Pastef. Le résultat mitigé de Sàmm Sa Kàddu reflète un paradoxe : une forte visibilité, mais des stratégies et dynamiques internes qui n’ont pas permis de transformer ce potentiel en victoire écrasante.
Après huit mois de magistère, les Sénégalais ont largement plébiscité le Pastef. Les patriotes ont désormais toutes les cartes en main pour dérouler leur programme. Aucune excuse ne sera tolérée. La balle est dans leur camp. Croisons les doigts et observons !