LA RÉSISTANCE DES FEMMES DANS L’ŒUVRE THÉÂTRALE DE MAROUBA FALL
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette courte pièce, vive et drôle, est une réussite dans ce qu’elle dénonce et dans la complexité de l’engagement panafricain en politique
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Aliin Sitooye Jaata ou la dame de Kabrus de Marouba Fall est un texte très engagé sur le thème de la résistance. Le genre théâtral permet ici de mettre en résonnance la démarche de la renaissance africaine. Chaque personnage représente la conscience de chacun à s’interroger sur l’histoire et sur les luttes qui ont été conduites pour résister à l’esclavage et à l’aliénation exercée par la puissance coloniale.
La dame de Kabrus est une prêtresse qui, par ses pouvoirs divins, invite la population à ne plus courber l’échine devant l’envahisseur mais à écouter la voix des ancêtres pour recouvrer la dignité. Le drame épique est ainsi posé. Mais les forces françaises, aidées de collaborateurs peu scrupuleux, ne l’entendent pas ainsi, il faut anéantir toute contestation. La révolte pacifique partie du Sud divise le pays car au Nord les alliances conduites par l’administration française détruisent la cohésion et la résistance. Aliin Sitooye Jaata refuse toute compromission et aspire à l’unité africaine. Selon elle, il n’y a pas de nord ni de sud mais une population pareillement morcelée, déchirée par la guerre coloniale. La réunification est la seule solution pour parvenir à la liberté. Ainsi elle choisit l’arme de la démocratie et de la négociation pour parvenir à un accord respectueux des hommes et des femmes, son message est celui de la paix. Courageuse et rebelle, telle une reine africaine, elle se livre aux autorités qui veulent sa tête et la brutalisant tuent l’enfant qu’elle porte.
Aliin Sitooye Jaata est donc la figure héroïque de la résistance, chère aux épopées antiques, qui offre sa vie en sacrifice et qui crie « plutôt la mort que l’esclavage », comme le scandaient les Femmes de Nder. Le théâtre de Marouba Fall est un terrible réquisitoire sur le massacre des esprits qu’a généré l’occupation coloniale française. L’unité spatio-temporelle du théâtre de l’auteur occupe le genre littéraire de manière poétique et engagée. Le texte est un hommage à l’unité, à la paix, à la dignité, à l’espérance d’une liberté grandie par le sacrifice. La parole de Marouba Fall est la promesse du rayonnement de la Renaissance Africaine.
Le second texte, Adja, militante du G.R.A.S., met en lumière la corruption politique qui occupe le pouvoir et qui se traduit par les échecs successifs de certaines gouvernances. Adja est une femme respectueuse, épouse et mère, qui veut devenir député pour aider son pays, au grand désespoir de son mari. Malheureusement, sa pensée est trahie, elle confond la formation politique dénuée d’intérêts personnels et la réussite corrompue. Elle revendique la condition moderne de la femme comme signe de vertu mais adopte une attitude irresponsable au sein de son foyer. Le modèle occidental est son référent social mais cela détruit ce qu’elle est profondément, une femme africaine honnête attachée aux valeurs humaines. Pourtant, le personnage d’Adja et son engagement sincère pose la question du rôle des femmes dans la conduite politique des Etats. Abusée par un escroc déguisé en marabout, Adja retrouve la raison afin de poursuivre son combat sur une voie nouvelle dégagée de l’opportunisme dévastateur.
Cette courte pièce, vive et drôle, est une réussite dans ce qu’elle dénonce et dans la complexité de l’engagement panafricain en politique. Le continent africain doit inventer son fonctionnement politique en s’appuyant sur ses valeurs culturelles, sociales et humaines. C’est tout le message de l’œuvre théâtrale de Marouba Fall qui inspire brillamment la démarche de la Renaissance africaine.
Aliin Sitooye Jaata ou la dame de Kabrus suivi de Adja, militante du G.R.A.S.,
Marouba Fall, Les Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, Dakar, 2005.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
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