POUR QUI NOUS PREND-IL VRAIMENT, CE BACHIR FOFANA ?
Oui, je me pose bien cette question chaque fois que j’ai fini de lire ou d’écouter Bachir Fofana. Il croit que nous sommes amnésiques, que nous avons oublié tout ce qui s’est passé avant le 24 mars 2024.
Oui, je me pose bien cette question chaque fois que j’ai fini de lire ou d’écouter Bachir Fofana. Il croit que nous sommes amnésiques, que nous avons oublié tout ce qui s’est passé avant le 24 mars 2024. D’autres compatriotes pensent comme lui et croient que le Sénégal est né après cette date historique. Bien avant lui, le vieux président Wade pensait comme lui. N’est-ce pas lui qui disait de nous que « nous avions du mal à nous souvenir de notre dîner de la veille, et que nous ne croyions qu’à l’argent et aux honneurs ». C’est exactement en walaf qu’il le disait en ces termes : « Senegaale, boo ko laaje lumu réere biig dula ko wax, te gëmul ludul nguur ak xaalis ». Et c’est dans cette conception peu valorisante de l’homo senegalensis qu’il nous a gouvernés pendant douze années. Longue période pendant laquelle il se permettait de nous en faire voir de toutes les couleurs et nous en faire entendre de tous les sons.
Je ne connaissais pas Bachir Fofana à l’époque et ne m’aventurerais pas, partant, à avancer qu’il était bleu. Il devait quand même être relativement jeune. En tout cas il se permet de raconter parfois, et souvent d’ailleurs, n’importe quoi par écrit, sur les plateaux de télévisions ou devant les micros de radios. Du moins, de certaines télévisions ou de certaines radios. Un de ses textes, qui prennent de plus en plus l’allure des « Lundis de Madiambal Diagne », a retenu mon attention. Il a pour titre « Un président ne se lamente pas, il agit » et a été publié, naturellement, par le journal Le Quotidien. C’était au lendemain de la « Conférence des administrateurs et managers publics (CAMP) » organisée le 20 janvier 2025 au Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD).
Bachir Fofana commence par exprimer sa solidarité à Abou Diallo et à Oumar Sow alors « en prison pour des propos que le procureur de la République qualifie de déclarations de nature à inciter à la discrimination ethnique » Et, selon lui, « tout démocrate et amoureux de la liberté devrait leur apporter son soutien » car, « leur arrestation est la énième manifestation de la dérive autoritaire et partisane dont le régime en place s’est fait l’auteur, en quelques petits mois d’exercice du pouvoir ». Il n’oublie pas « Bah Diakhaté, Amath Suzanne Kamara, Commissaire Keïta, les directeurs de publication des journaux Le Quotidien et La Tribune, Cheikh Yérim Seck, Bougane Guèye Dany, Kader Dia (qui) sont tous passés entre les mains de ce pouvoir liberticide ». Et notre « ami » d’Ousmane Sonko d’inciter « tous les républicains et démocrates de ce pays (à) se mobiliser pour arrêter ces harcèlements à la fois injustes et dangereux pour la paix et la stabilité du Sénégal ». Et toujours lui, de se demander « où sont les universitaires très prompts à pondre un texte sous le régime de Macky Sall ». Je me demande, moi aussi, où il était pendant cette période, surtout entre février 2021 et mars 2024. Peut-il nous citer un seul texte, si court fût-il, qu’il a pondu pendant ces trois lourdes années qui ont coûté particulièrement cher à Pastef et à ses responsables, à leurs militants ou simples sympathisants, et même à tout le pays ? Au contraire, chaque fois que je l’entendais, et je l’écoutais souvent, il cherchait à enfoncer son « ami ».
Naturellement, il n’oublie pas Moustapha Diakhaté, à qui il souhaite un bon retour parmi « eux », Moustapha Diakhaté « qui hume l’air après deux mois à l’ombre pour ses opinions politiques ». Deux mois de prison pour « da ngaa alku », une seule expression « que tout le monde utilise tous les jours, selon lui, (et) qui a été considérée par le procureur de la République comme une insulte, et cela lui a valu un séjour carcéral ». Non, Bachir – si je peux vous appeler ainsi – ce n’est pas cette expression qui lui a valu ses deux mois de prison. « Da ngaa alku », c’est d’un citoyen à un autre. Alors que Moustapha Diakhaté, qui ne supportait pas la victoire éclatante du candidat d’Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye, a dit, s’adressant à tout le peuple sénégalais, du moins à ceux et à celles qui ont voté Diomaye, « da ñoo alku ». En d’autres termes, ces gens-là sont maudits, ne bénéficiant plus de la bénédiction divine. Je n’exagère pas. Il a insulté près de deux millions de Sénégalaises et de Sénégalais. Il a dit pire, en les traitant de crétins. Ce qui devrait normalement lui valoir bien plus de deux mois. Á sa sortie de prison, il a déclaré sur la RFM : « Je suis encore plus que jamais déterminé à consacrer ma vie à la défense de la démocratie et des Sénégalais.» Du moins, c’est ce que lui fait dire son ami Bachir Fofana. Tant mieux, s’il consacre sa vie à ce noble objectif qui, malheureusement, n’a rien à voir avec les propos indécents qu’on lui connaît jusqu’ici, surtout si Ousmane Sonko en est la cible !
Pour revenir à la Conférence de Diamniadio, Bachir Fofana précise d’emblée qu’une seule chose y a retenu son attention : « Les lamentations du président de la République ». Un président de la République qui se lamente, poursuit-il, c’est tellement rare que cela mérite d’être souligné. Et il cite le président de la République Diomaye dans ce qu’il appelle ses larmes : « D’abord, un État contraint dont les marges de manœuvre budgétaire et financière n’existent quasiment plus, une Administration républicaine, mais manquant de cohérence et figée dans des schémas dépassés, alors même que les réalités socio-économiques évoluent rapidement, marquées notamment par la transformation numérique et l’essor de l’Intelligence artificielle »
Et le président de la République de poursuivre, toujours selon Bachir, ses lamentations en indiquant avec regret, « que, de plus en plus, le secteur parapublic est hypertrophié, faisant souvent doublon à l’administration centrale, budgétivore et dont la contribution aux dividendes de l’État reste trop faible ». Ce n’est pas tout, et le président de la République continue ce que notre Bachir appelle ses pleurs. « Il entend (ainsi) se départir des services publics complexes et coûteux qui limitent l’efficacité des politiques publiques et ternissent l’image de l’État (et) dès lors, il est impératif de refonder l’Administration, pour la rendre plus moderne, plus proche des citoyens et plus efficiente dans ses missions ». Et, ce serait là, selon Bachir, « l’objectif même de cette Conférence des administrateurs et managers publics, qui se veut un espace de dialogue, de réflexion et d’orientation stratégique ».
D’abord, l’objectif qu’il donne ici, n’est pas exactement le même que celui de la Conférence des administrateurs et des managers (CAMP) qui réunissait les participants « en vue d’assurer une mise à niveau (sous forme de Master Class) et une revue prospective collective ». Ce n’est vraiment pas le même objectif. Cette conférence a été l’occasion pour le Président de la République, dans son introduction, de présenter le Sénégal que lui et son gouvernement ont hérité du vieux président-politicien et de son successeur et sosie. Un Sénégal lourd de difficultés qu’ils ont mis du temps à identifier à tous les niveaux de l’État. Des difficultés auxquelles, après identification, il faut faire face avec des réformes profondes qui ne tarderont pas à être mises en œuvre, qui ont commencé d’ailleurs, et Bachir et de nombreux compatriotes de son acabit ne tarderont pas à s’en rendre compte, naturellement, avec amertume. Tout le Sénégal doit être informé de cette situation particulièrement difficile, avec d’énormes dysfonctionnements dont les solutions ne se trouvent pas du jour au lendemain. Au mensonge, le président Bassirou Diomaye Faye a préféré dire la vérité même en se lamentant et en pleurnichant, contrairement à ses deux prédécesseurs. Oui, le président Diomaye Faye a parfaitement raison de nous décrire le Sénégal tel que lui et son gouvernement l’ont trouvé. Un pays avec d’énormes difficultés, un pays en ruine qu’on ne remettra pas à l’endroit du jour au lendemain, avec des mensonges. Il faut plutôt mettre le peuple devant ses responsabilités. C’est ce que le président Diomaye Faye a fait le 20 janvier 2025.
Donc, pour notre Bachir Fofana, un président de la République ne doit pas se lamenter. « Il ne devrait pas, non plus dire ça », nous rappelant ainsi le titre d’un livre de deux journalistes français d’investigation consacré aux cinq années de pouvoir de François Hollande, avec qui ils ont eu autant d’années d’entretiens publics. Il nous raconte, qu’en 2012, « au premier conseil des ministres du premier gouvernement de Macky Sall, nouvellement élu, à l’unisson, Abdoulaye Daouda Diallo, ministre du Budget, et certains de ses collègues, avaient annoncé que les caisses de l’État (étaient) vides». Le tout nouveau président-politicien leur signifia vite « qu’il ne s’agissait pas de communiquer sur le phénomène, mais de s’atteler à régler les problèmes pour lesquels ils ont été élus ». Il fallait donc mentir au peuple plutôt que de communiquer sur le phénomène sur la vérité. C’est là la différence nette entre son Macky Sall et le duo qu’il « adore », Diomaye-Sonko.
Bachir nous entretient ensuite, à sa manière, du premier voyage de Me Abdoulaye Wade élu le 19 mars 2000 et installé le 1er avril. Il lui fait dire, sur les perrons de l’Élysée, qu’il était venu « chercher des armes car l’armée du Sénégal est sous-équipée (et) que les caisses de l’État sont remplies d’argent ». Je ne m’attarderai pas sur le temps employé à « est » et à « sont ». Ce qui retient mon attention est plus important : il a fait dire au père de Karim Meïssa Wade ce qu’il n’a pas dit. Il avait exactement dit qu’il venait en France acheter des armes, car le Sénégal en avait assez de certains agissements de « pays mineurs », faisant ainsi maladroitement allusion à nos voisins. Ce qui, bien sûr, n’avait pas l’heur de plaire à ses pairs des pays visés qui, pour la moindre peccadille, étaient prêts à sortir de leurs gonds. Quant « aux caisses de l’État remplies d’argent », c’est dans un autre contexte qu’il l’avait dit et d’ailleurs pas exactement en ces termes. Il avait exactement dit, répondant à une question : « En réalité, je n’ai pas trouvé les caisses vides. » « C’est bien plus tard, selon Bachir, que les Sénégalais ont su par l’entremise de Idrissa Seck, que la situation héritée des socialistes était bien catastrophique ». Selon toujours notre Bachir national, « il dira que pour ne pas casser l’espoir du Peuple, et surtout continuer de bénéficier de la confiance des partenaires, ils étaient dans l’obligation de ne pas communiquer sur la situation réelle du pays ». Idrissa Seck racontait d’ailleurs des histoires, si c’est bien lui qui avait tenu de tels propos. Quand il quittait le pouvoir, Abdou Diouf ne nous avait pas laissé un pays comme celui que nous ont laissé ses successeurs. Le vieux président-politicien le savait très bien. On se rappelle bien le Plan Sakho-Loum qui avait sorti le pays de bien de difficultés nées des politiques d’ajustements structurels et de la dévaluation du franc CFA.
Ce texte est long, peut-être trop long et il est temps de le conclure, de le conclure provisoirement car je suis loin d’en avoir terminé avec Bachir Fofana. Ce texte sera bientôt suivi d’un second, peut-être d’un troisième, pour lui administrer la preuve à lui, à Papa Malick Ndour et à de nombreux autres du même acabit, que nous sommes loin, très loin d’êtres des amnésiques. « Un président ne doit pas dire ça », « Un président ne doit pas faire ça », a-t-il plusieurs fois répété dans son « Lundi ». Nous connaissons deux présidents qui ont dit plus, qui ont dit pire ; qui ont fait plus, qui ont fait pire. Le lecteur en a déjà une idée, avec les déclarations sur les perrons de l’Élysée du vieux président-politicien, lors de son premier voyage en France, après son accession à la magistrature suprême, le 1er avril 2000. Il en aura bien d’autres, après avoir lu les contributions qui suivront in shaa ALLAH et peut-être, avoir écouté quelques-unes de mes vidéos.
Dakar, le 29 janvier 2025
Mody Niang