«LES JUGES N’ONT PAS A ACCORDER DES FAVEURS A DEBY, S'IL DOIT COMPARAITRE, JE NE VOIS PAS POURQUOI IL NE LE FERAIT PAS»
JACQUELINE MOUDEINA, COORDINATRICE DU COLLECTIF DES AVOCATS DES «VICTIMES» DE HABRE
NDJAMENA, Tchad – Jacqueline Moudeïna, Coordonnatrice du collectif des avocats des «victimes» de Habré, jette des piques à l'Etat tchadien, dans un entretien qu'elle nous a accordé. A son avis, si le régime actuel souhaite qu’on juge Habré, il faut qu’il accepte de jouer le jeu. «Que l’Etat tchadien, qui clame tout haut, qu’il veut le jugement de Habré, se mette dans la position d’offrir le jugement de Habré.
L’Etat a signé un accord de coopération judiciaire avec le Sénégal, il est tenu par l’accord de cette coopération. Je ne vois pas pourquoi cet Etat - qui a pris l’engagement de cette coopération judiciaire avec le Sénégal – vienne encore créer des impacts, pour que les juges ne puissent pas arriver à faire leur travail dans la sérénité», martèle Jacqueline Moudeïna.
Elle souligne aussi que «les juges n’ont pas à accorder des faveurs au président de la République». «Si le président de la République doit être appelé à comparaître, je ne vois pas pourquoi il ne le ferait pas», précise l’avocate. Avant de souligner : «Nous estimons que le drame qui s’est passé sous Hissène Habré ne méritait pas qu’on s’attaque à la seule personne de Habré. C’est tout le régime Habré qui doit être jugé. Nous pensons que tout le régime doit être jugé. Des tortionnaires, des complices de Habré, occupent présentement des postes de haute responsabilité».
Jacqueline Moudeïna déclare également n’avoir pas compris la volonté de son gouvernement de se constituer partie civile. «L’Etat tchadien, quand il demandait à récupérer l’avion et le téléphone satellite, pourquoi n’avait-il pas déposé une requête en récupération ou en recouvrement de l’argent qui a été emporté par Hissène Habré ?», s’est interrogée Mme Moudeïna. Et d’ajouter : «Pourquoi le Tchad n’a pas cherché à retrouver l’argent volé. C’est maintenant, quand notre dossier a avancé, que le Tchad surgit, pour dire : 'Nous avons subi un préjudice économique, et Habré a pillé». «Aujourd’hui, les gens tentent de nous arracher nos actions, de dire que l’affaire Habré est un dossier de l’Union africaine. Ce n’est pas un dossier de l’Union africaine. Elle n’a jamais pris l’initiative de poursuivre Habré. C’est notre dossier, qu’on le reconnaît ou pas, on s’en fout», fulmine l'avocate, très remontée contre les autorités tchadiennes.