Mondial/France: le cas Pogba
Annoncé comme la grande révélation du Mondial, Paul Pogba alterne le chaud et le froid et doit encore progresser dans la maîtrise de ses nerfs, un vilain défaut qui a failli lui coûter cher et pénaliser grandement la France lors de ses débuts dans le tournoi face au Honduras (3-0), dimanche.
Tout aurait pu s'arrêter dès la 28e minute pour le milieu de la Juventus Turin, passé à deux doigts de l'exclusion pour avoir voulu se venger bêtement après un tacle sévère de Wilson Palacios. Sa petite "balayette" sur le milieu hondurien aurait pu avoir des conséquences très fâcheuses sans la mansuétude de l'arbitre brésilien, M. Ricci, qui n'a alors sorti que le carton jaune.
Un quart d'heure plus tard, Pogba se rattrapait en provoquant le penalty salvateur pour les Bleus avec en bonus la sortie prématurée de Palacios pour un 2e avertissement. Le jour et la nuit en somme, comme un condensé de l'image que dégage ce surdoué de 21 ans (12 sélections, 2 buts), entre talent brut et arrogance mal placée.
Personne ne doute des qualités du champion du monde U20 (2013 en Turquie), objet des convoitises des plus grands clubs de la planète. Selon le dernier rapport annuel de l'Observatoire du Sport basé à Genève, sa valeur marchande serait de 66 millions d'euros et il est déjà l'un des fleurons de l'écurie de l'agent Mino Raiola, celui de Zlatan Ibrahimovic.
Didier Deschamps a ainsi entre les mains un futur "crack". Encore faudrait-il que le Juventino sache canaliser ses émotions et une fougue qui confine parfois à de la prétention.
Le sélectionneur, qui n'avait pas hésité à pointer du doigt durant la préparation une certaine propension de son joueur à la "facilité", se refuse jusqu'ici à en faire un cas à part. Mais la critique est tout de même à peine voilée.
- Secoué à la mi-temps -
"Il y a tellement d'effervescence autour de lui, c'est toujours le risque avec un joueur qu'on présente comme la star du Mondial, a déclaré Deschamps lundi. Il ne faut pas aller trop vite quand même. L'environnement n'est pas facile à gérer et même s'il est dans un grand club, il est encore jeune et il a des étapes à franchir. Il ne faut pas qu'il perde ce qui fait sa force. Il est dans un poste où il y a beaucoup de duels, mais le haut niveau demande une maîtrise totale".
Voilà pour le "on". Mais en privé les langues se sont déliées puisque Pogba a été sérieusement secoué dimanche à la pause par ses coéquipiers avant de céder sa place dès la 57e minute à Moussa Sissoko.
Le natif de Lagny-sur-Marne a son caractère et son franc-parler, ce qui peut constituer une force non négligeable dans la jungle du foot-business. Celui qui a pris le risque de quitter à l'âge de 16 ans son cocon havrais pour Manchester United n'a pas hésité en 2012 à claquer la porte du prestigieux club mancunien, Sir Alex Ferguson ayant commis l'affront de le reléguer le plus souvent en équipe réserve.
Mais le côté obscur n'est jamais loin, un défaut que Pogba devra gommer s'il veut se montrer digne des attentes suscitées en sélections de jeunes, où il a porté le brassard de capitaine des moins de 17 ans aux moins de 20 ans pour terminer en beauté avec un sacre mondial.
En Turquie justement, il avait également débuté le tournoi en étalant une certaine nervosité et à se prendre le bec avec son sélectionneur Pierre Mankowski en plein match, avant d'être suspendu au bout de deux rencontres. Ce qui ne l'avait pas empêché de mener les Bleuets jusqu'à la victoire finale en étant élu meilleur joueur de la compétition.
Sa carrière en A a aussi commencé de manière mitigée avec une exclusion dès sa 2e sélection contre l'Espagne au Stade de France en mars 2013 (défaite 1-0).
Pogba a toutefois de la suite dans les idées et fait tout pour être à la hauteur du destin qui lui est promis. Il s'est entouré d'une véritable "team" avec un préparateur physique, un physiothérapeute, un diététicien et un cuisinier personnel. A lui de soigner son mental pour franchir définitivement un cap et s'installer définitivement parmi les grands.