DÉSILLUSIONNEMENT
L'idée que tout leur était acquis, jusqu'à l'extrême facilité de disposer de tout à leur guise avait fini, au gré d'une désinvolture grotesque, par donner à la majorité nouvellement élue des attitudes et une face hideuses. A quatre mois de l'ouverture des campagnes nombre de candidats du pouvoir, loin des masses depuis qu'ils ont été nommés, n'avaient pas estimé nécessaire de sortir de leur cercle de copains pour aller tisser ou consolider des liens utiles. Ils se contentaient d'attendre la venue vers eux de citoyens jugés envieux.
Ce comportement est en soi un thème de propagande anti-pouvoir et le meilleur multiplicateur d'adversaires politiques circonstanciels à l'encontre de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Même envers des membres de la coalition, figurez-vous bien, les privilégiés qui ont eu le bonheur d'être nommés les tiennent à distance et leur font comprendre qu'ils ne représentent plus rien à leurs yeux. Ils ne sont même plus dignes en tant qu’ex-copains, de la moindre courtoisie qui consiste à faire un retour à leurs sms, fussent-ils de sympathie.
La réponse à cette arrogance est factuelle, elle est aujourd'hui là, faite de désillusion après des mois de bavardages pompeux aux fins de justifier opinions et décisions fondées sur leur "compétence politique" tant glorifiée. Ces résultats sont pour le Président ce qui pouvait lui arriver de mieux en ce moment de son mandat. La compétence qu'on lui vend quotidiennement doit être revu de fond en comble. En politique l'argument compétence peut n'être que duperie, car Il n'y a pas de situations identiques d'une époque à une autre. Souvent tous les agrégats diffèrent les uns les autres et l'on ne peut sentir ces changements utiles qu'en se fondant au cœur des phénomènes sociologiques. Ce que ne font pas les "prétendus compétents" terrés dans des tours d'ivoire.
Le revers de l'exaltation de cette supposée compétence de politiciens de métier est la méprise grave de l'intérêt majeur de l'imagination.
L'imagination a fait la différence dans ces locales
La majorité a perdu aux Locales pour avoir manqué d’imagination. Benno Bokk Yaakaar en tant que stratégie n'est aujourd'hui qu'un mégot. Un brin d'allumette qui a servi à faire du feu en 2012 et que l'on persiste à nous vendre. Il y a de la naïveté à avoir réfléchi sur une stratégie gagnante à court terme et se mettre à la reconduire telle qu'elle pour des objectifs à long terme.
Si les Locales se passaient dans les conditions psychologiques et sociales de 2012, Seydou Guèye, Latif Coulibaly, Mbaye Ndiaye et autres n'auraient pas connu le revers qu'ils ont essuyé dans leurs circonscriptions respectives. Hélas pour eux, entre temps de l'eau a coulé sous les édifices des promesses de rupture contractées auparavant par les élus. Bokk Yaakaar sent le formol monsieur le Président, gardez la coalition mais de grâce plus aucun projet dans cet emballage, si nous le vendre est votre but.
La victoire à Dakar est plus celle de Taxawu Ndakaru que de Khalifa Sall
Je ne veux en rien sous-estimer le travail accompli par le maire de Dakar. Ce que je dis, je le sais pour avoir été moi-même embarqué dans les locales avec Benno dans le plateau, jusqu'au moment où Khalifa a formé le Taxawu Ndakaru. J'en fus tôt informé par mon ami Mamadou Lamine Diallo qui en homme éclairé, optimiste envers ce projet m'a invité à les rejoindre. J'avais auparavant réussi à mettre autour d'une table les leaders antagonistes de l'APR au Plateau pour les amener à travailler tous dans l'unité. Suite à cette information, soucieux de ne pas m'impliquer dans une liste perdante, j'ai déclaré à la prochaine réunion de Benno à Reubeuss qui a suivi, que je ne ferai pas parti de la liste, ni d'aucune autre liste. Pourquoi ?
Parce que je savais que la bataille était gagnée d'avance rien qu'avec ce slogan en deux mots : Taxawu Ndakaru. J'aime Ndakaru et sens à tout moment ce qui lui arrive pour anticiper. L'impact de ces deux mots sur moi m'a appris beaucoup de choses notamment que tous ceux qui aiment cette ville réagiraient en faveur de cet appel. Quand on appelle à Taxawu Ndakaru, je ne peux simplement plus être dans le camp d'en face. Je me suis donc dis : l'imagination était de ce coté-ci et non avec Benno, d'autant que pour qui sait, "2" est le nombre de l'antithèse et de la confrontation. Alioune Ndoye qui avait choisi cette coalition pouvait maintenant dormir tranquille.
Qui en face de lui pour lui barrer le chemin ? Demba Diop Sy, choisi par la suite par le pouvoir comme mandataire de Benno Bokk Yaakaar. Diop Sy est bien sûr connu comme politicien prodigue qui a une base électorale respectable dans le plateau depuis belle lurette. Mais il est ce qu'il est. Quand il sort de sa base certes au nombre insuffisant à lui donner un quorum pour être élu maire, son image et son leadership ne peuvent aider à lui décrocher dans le plateau des électeurs capable à lui combler son gap.
Nous parlons du Plateau : les habitants de cette commune ont des ambitions pour leur cité qui exigent un profil de maire moderne et fondamentalement urbain qui correspond plus à l'image que reflète Alioune Ndoye, que celle de ce challenger.
Il s'y ajoute que le tout Plateau admet que si Diop Sy se présentait à Tivaouane, il aurait de fortes chances de gagner. Comment est-ce que le pouvoir s'est-il laissé duper avec l'idée que les habitants du Plateau éliraient facilement à la tête de leur commune, quelqu'un dont la priorité affichée est ailleurs ?
Il y'a quelque chose qui n'a pas fonctionné dans le processus de prise de décision, donc une révision et des corrections s'imposent.
Qu'est-ce qui doit changer rapidement ?
A mon avis le Président doit commencer par mettre l'accent sur l'image que reflète son entourage pour ramener la confiance autour de lui. Les discours et débats médiatisés ne suffisent pas, les comportements et attitudes envers les populations sont plus éloquents.
Ensuite vite faire oublier tout ce qui est lié au slogan "accélérer la cadence", juste bon à faire les choux gras de Pape Ndiaye Thiopet et Kouthia. Il faut donner au peuple le message comme quoi le nouveau pouvoir travaille avec sérieux pour des solutions durables plutôt que celui de «sous peu nous vous livrerons des paquets de bonbons».
Enfin, avec toute la sympathie que j'ai pour Mimi Touré, ces locales étaient pour elle l'occasion rêvée de refreiner l'ardeur des comploteurs de l'ombre de son entourage proche. Pour l'avoir ratée, il faut s'attendre à la recrudescence des attaques à son encontre. Si elle reste au poste elle aura plus ça comme soucis et priorité que les dossiers de l'Etat. Les gens ne la laisseraient pas travailler et ce n'est pas diminuée et affectée par cette désillusion qu'elle va être le plus efficace à ce poste. Il faut qu'elle parte pour libérer les énergies et permettre au Président d'explorer toutes les voies qui s'offrent à lui. En ce moment pour le Président, l'heure n'est plus au cri de ralliement pour l'efficacité mais plutôt qu'elle soit de mise.
Ibe Niang Ardo est Président du mouvement citoyen «Jog Ci»