INJUSTICE SOCIALE
46,3% DES RECETTES BUDGÉTAIRES NATIONALES AFFECTÉS À 1% DES SÉNÉGALAIS
Le ministre de l’Économie et des Finances vient de faire une révélation choquante et affligeante : 46,3% des recettes budgétaires du Sénégal sont destinés à 1% de la population. Un état de fait qui prévaut depuis des décennies, perdure d’ailleurs, et prend de l’ampleur chaque jour. Une preuve que le train de vie de l’État est devenu, au fil du temps, insoutenable pour le contribuable sénégalais.
Dans une certaine mesure, c’est l’expression achevée de la nature des régimes libéraux, fondés sur la gabegie et l’injustice sociale caractérisée. Ceux-là qui ne se soucient ou ne se préoccupent guère, des besoins primordiaux de leurs populations, mais plutôt que de leur bien-être personnel et celui de leur clan.
Ainsi, comme on le voit bien, près de 50% des recettes budgétaires sont consacrés à l’entretien d’une caste bureaucratique fainéante, vorace et budgétivore, dont le rendement réel dans le pays est sans commune mesure avec son traitement salarial exorbitant, ceci au détriment de l’immense majorité des Sénégalais. Une telle situation ne peut et ne doit plus prévaloir. Il est dès lors urgent, d’y mettre un terme définitif, c’est à dire de rompre avec cette pratique nauséabonde qui va en droite ligne, comme l’avait fait Wade, de la constitution d’une oligarchie au sommet de l’État.
Ce triste record est une incongruité manifeste d’une exception sénégalaise en matière de versement de salaires et d’affectation d’avantages en faveur de notre classe politique. Il traduit aussi l’incohérence de nos dirigeants politiques au pouvoir, par rapport à leurs engagements, et leur insouciance à propos des souffrances intenables du peuple.
En plus de toutes ces révélations scandaleuses faites par les différents rapports de nos institutions habilitées au cours de l’année 2014, voilà que s’y ajoute encore celle surprenante du ministre de l’Économie. Dès lors, nous pouvons incontestablement considérer nos gouvernants comme de simples et peu vigilants observateurs, indifférents à la chose publique, dont ils sont pourtant comptables devant la nation, au regard de leurs charges régaliennes.
En réalité, ils ont failli aux règles de conduite, de surveillance et à leur devoir, de gardiens vigilants et alertes. Alors qu’ils ont bien obligation, d’agir promptement en amont sur les faits, afin d’intervenir éventuellement pour rectifier à temps la trajectoire, sur le point de dévier l’objectif, précisément l’émergence, qui induit la croissance.
Il est certes bien de faire le constat des anomalies et autres fautes graves commises dans la gestion des affaires publiques, mais cela, bien entendu, ne suffit absolument pas. Ce qu’il faut plutôt et essentiellement, c’est de prendre des mesures structurelles énergiques et idoines, pour corriger rapidement et enrayer définitivement ces anomalies récurrentes décelées par les rapports d’inspection, de sorte qu’elles ne se reproduisent plus.
L’annonce de cette nouvelle inconvenante, trahit sans l’ombre d’un doute le train de vie dispendieux de l’Etat. Nous n’avons pas cependant noté, jusque-là en tout cas, l’annonce immédiate de mesures appropriées prises et appliquées pour y remédier. Et pourtant, il en existe bel et bien de solutions radicales et efficaces à notre portée. Mais celles-ci nécessitent et exigent surtout, un courage sans faille de l’autorité compétente, c’est ce qui manque le moins.
Au demeurant, de telles solutions doivent aller dans le sens de l’intérêt général, loin de ceux particuliers, comme dans le cas présent. Par ailleurs, pour appliquer également de telles solutions radicales, le Président ne doit nullement se préoccuper d’une réélection pour un éventuel second mandat. Car un deuxième mandat, en réalité, dépend à l’évidence, plutôt du résultat satisfaisant de celui en cours. Par conséquent, c’est la résolution des besoins essentiels des populations dans une justice sociale irréprochable, qui devrait être la préoccupation et la priorité des priorités du chef de l’État, durant tout son premier magistère.
Il était de tradition ancestrale et même républicaine aujourd’hui, lorsque les conditions de vie de la majorité de la population d’un pays deviennent très difficiles, à cause de la rareté des ressources, que le premier d’entre eux, à savoir ici, le Président de la République, donne le bon exemple, en abandonnant une bonne partie de ses avantages, et en se délestant aussi de ses nombreux privilèges, pour participer à l’effort de relever le niveau de vie des plus démunis. C'est-à-dire, par exemple, il ramène son traitement personnel et celui de son équipe, à des proportions plus justes et raisonnables, compte tenu de la situation réelle du pays, devenue insoutenable pour beaucoup d’entre nous.
Objectivement, la situation présente du pays exige, surtout du Président, d’opérer un changement radical dans la méthode de gouvernance, par la transparence dans les actes pris et l’équité la plus totale dans la redistribution du produit national. Une telle attitude de solidarité agissante, afficherait tout au moins une certaine volonté de disponibilité du chef de l’Etat, à renoncer à ses privilèges exorbitants. Certainement aussi, à vouloir partager les peines et joies du pays, avec son peuple dans l’équité. Voilà ce qui pourrait à la rigueur, tempérer ce pessimisme, dont beaucoup de Sénégalais font montre aujourd’hui.
En effet, tout le monde comprendrait et accepterait volontiers que de telles mesures soient prises concrètement, en plus de toutes les autres réductions éventuelles, pour le rééquilibrage et la rationalisation des dépenses au sein des institutions de la République et de la Fonction publique. Ainsi, de toute évidence, il est devenu urgent et indispensable d’instaurer des critères rigoureux de gestion des affaires publiques, et de la bonne gouvernance démocratique en général, sous forme d’un bréviaire et code de bonne conduite pour le gouvernement. Enfin, de ne plus tolérer à l’avenir, l’anarchie et le laxisme dans la gestion des affaires publiques et de l’Administration publique en général.
Mais malheureusement, nous notons une incohérence entre le discours volontariste du président de la République de réduire le train de vie de l’Etat et sa pratique en porte-à-faux sur le terrain. En fait, c’est comme si le Président voulait une chose et son contraire à la fois. Et là, nous en voulons pour preuve éclatante, les mesures exceptionnelles et inacceptables, prises en faveur des anciens chefs d’Etat- assurément, des gens qui ne crèvent pas de faim-, pour on ne sait réellement, quelle raison ?
Alors, quand le chef de l’Etat décrète de son propre chef, prétendument pour améliorer le quotidien de ses prédécesseurs en leur allouant un salaire faramineux de 9 millions de francs, plus d’autres avantages, ça, c’est un véritable scandale et une faute politique ! Puisque même en activité, ces derniers ne gagnaient pas autant. Alors, pourquoi maintenant qu’ils sont à la retraite leur faire cette faveur ? C’est du jamais vu dans aucun pays ! Cela ressemble à du «ma tay !» (je fais ce qui me chante !).
Pour notre part, si réellement, les bénéficiaires très particuliers de cette mesure, qui est un privilège de trop entaché de la sueur des travailleurs, avaient un esprit chevaleresque, de solidarité, le sens du patriotisme et de la reconnaissance, ne serait-ce qu’un brin, ils devraient décliner cette offre. Car en vérité, rien n’autorise cette mesure dans les circonstances actuelles de nos ressources financières.
Voici des personnalités, qui sont redevables à leur pays, pour tout ce que celui-ci a investi et consenti pour eux et leurs familles respectives, durant leur magistère. En principe, ce sont eux qui devaient plutôt en retour, faire une ristourne à leur pays, en lui offrant gratuitement leurs services et expériences et non le contraire.
Nous ne cessons de répéter avec insistance à travers nos différentes contributions, l’État gagnerait à veiller mieux et davantage à la gestion des affaires publiques. Il n’y a pas l’ombre d’un doute, qu’il faut tout d’abord arrêter l’hémorragie dans nos ressources publiques, comme préalable. Ensuite, il faut ramener globalement et non partiellement ou par secteur, le train de vie de l’État à des proportions en rapport avec nos propres et réelles ressources financières, et à l’état réel de notre économie si morose.
Pour vivre tranquille, sûrement et éviter les risques de surprise désagréable, il faut compter d’abord sur soi-même et ses propres moyens, et non sur des emprunts permanents. C’est un principe fondamental, valable aussi bien pour un individu que pour un État quelconque.
Nous pensons que la souveraineté ayant présidé à la création de la CREI, en vue de sanctionner ceux qui se sont enrichis en pillant nos ressources, permet aussi, pour les mêmes raisons valables, de trouver les voies et moyens de réduire dans les plus brefs délais, le train de vie actuel de l’État. De procéder à la rationalisation des moyens de l’Etat et de la gestion des affaires publiques. N’en déplaise aux pilleurs, à leurs défenseurs forcenés et aux lobbies intéressés par leur butin, qui militent activement pour l’impunité totale, par l’arrêt pur et simple des poursuites actuelles contre les mis en cause, sans procès au préalable. Cela est totalement inacceptable !
Quand un président a la haute charge de défendre l’intérêt général, il ne devrait en aucune façon se préoccuper ou prêter une attention quelconque aux complaintes et vociférations des partisans des intérêts égoïstes et particuliers. Car, quoi qu’il en soit, il est certain, que cette catégorie d’individus craint en fait, comme de la peste, la rupture, parce que celle-ci leur enlèverait leurs privilèges actuels et les renverrait à la normalité d’une justice sociale. De tels individus, c’est sûr, s’opposeront à mort et de toutes leurs forces contre cette rupture préconisée, qui punit en principe tous les délinquants.
Thomas Sankara disait fort justement : «Je ne suis pas le président de la famille Sankara, mais le président de la famille voltaïque». Alors, le Président Macky Sall doit s’inspirer d’une telle démarche, pour devenir enfin, comme il l’avait promis d’ailleurs, le Président de tous les Sénégalais sans exclusive, et non d’une minorité égoïste, cupide et antipatriotique, qui a tant bénéficié de privilèges exorbitants jusque-là.
Mandiaye Gaye