FATOU KINE CAMARA LISTE LES RAISONS DU « CLASH »
La présidente de l’Association des juristes sénégalaises, Me Fatou Kiné Camara, le nombre de divorces au Sénégal qui augmente considérablement, est dû à beaucoup de facteurs parmi lesquels le manque de respect mutuel, l’incompatibilité d’humeur, la non conservation du legs ancestral : «Le mariage ne se fait plus comme avant. Dans l’Afrique précoloniale, il y avait le respect mutuel, ce qui faisait qu’on croyait aux mêmes valeurs et normes sociales et le fait que la femme rejoigne son mari était vécu comme un rite. Il n’y avait pas de hiérarchie et les problèmes conjugaux étaient gérés avec beaucoup de discrétion par médiation familiale. Ce qui a disparu aujourd’hui», déplore-t-elle. Et de rappeler les propos du sage Kocc Barma, déformés au fil du temps. Mme Camara faisait allusion à ce fameux proverbe attribué à Kocc Barma selon lequel, «on peut aimer une femme, mais il ne faut jamais la faire confiance».
Et d’ajouter qu’«étymologiquement, le mot DOXAANE (faire la cour, ndlr) vient du terme DOX (marcher, ndlr) qui supposait que l’homme aille à la connaissance de son aimante, s’intègre dans sa famille», explique l’avocate.
La recherche de son semblable était donc approuvée par l’ancienne société et le mariage était un moyen de rapprochement des deux familles. En cas de problème, l’épouse retournait chez ses parents, le temps de régler le différend. Ceux qui étaient chargés de faire la médiation demandaient aux deux conjoints l’origine du problème et le fautif reconnaissait ses erreurs et demandait pardon. «Mais actuellement, quand c’est la femme qui a tort, on dit à l’homme d’épouser une seconde femme. Si c’est l’homme, on demande à la femme de se soumettre tout simplement. Et c’est l’accumulation des problèmes qui perdra le couple», ajoute la juriste.
Autrefois, les familles des deux conjoints fonctionnaient comme roue de secours en cas de problèmes, elles rétablissaient les canaux de communication pour éviter au couple la cassure. Mais la colonisation, avec son cortège de valeurs occidentales, a fait sauter le verrou, selon Me Camara. «Le matriarcat noir signifie que la femme est la source du pouvoir et de la fortune. L’homme dans ce système dirige par délégation. Cela veut dire que le devoir de l’homme est de défendre et de protéger la femme: mère, épouse, fille», souligne M. Issa Laye Thiaw, auteur de La femme seereer, Harmattan, Paris 2005.
D’autre part, selon Me Fatou Kiné Camara, les femmes sont lésées quand il s’agit de répudiation. Le droit du divorce leur est défavorable, car celle-ci est interdite. L’AJS est en train de se battre pour qu’on arrête de mettre des femmes en prison en les accusant de bigamie. Elle fait de la médiation, un plaidoyer pour que la loi sanctionne la répudiation.
Mme Camara fustige le comportement de certaines personnes qui utilisent la religion pour dénigrer les femmes. «C’est triste qu’une religion dont on connait la place notable attribuée aux femmes, (l’Islam, ndlr) soit aujourd’hui utilisée par certains pour rabaisser ces mêmes femmes», se désole-t-elle.