LA PERSPECTIVE SOCIALISTE DANS L’ÉMERGENCE ÉCONOMIQUE CONTINENTALE
LES "SAMEDIS DE L’ÉCONOMIE"
Arcade et la Fondation Rosa Luxemburg, en prélude au Forum social africain qui se déroule cette semaine dans la capitale, ont invité à leur rendez- vous mensuel de réflexion l’économiste politique Bernard Foumou. Le Camerounais proche de Samir Amin, auteur de l’ouvrage Les fondements de l’économie de traite au Sénégal, s’oppose à l’idée d’un développement autonome de l’Afrique dans le cadre du capitalisme néolibéral.
Membre-fondateur du Codesria, Bernard Foumou déplore d’emblée «le manque de cadre de discussion pour les économistes en Afrique». Selon lui, les idéologies jouent un rôle important dans une discipline de recherche qui repose avant tout sur des théories et des projections. Le chercheur, critique de l’économie «vulgaire» ou néoclassique, réfute l’idée selon laquelle la libre-concurrence serait la dynamique du capitalisme dans la mesure où cette concurrence n’existe pas sauf à l’échelle des très petites entreprises.
Le monopole des multinationales, dont pour certaines le poids économique supplante celui des Etats, fausse l’idée de cette dynamique porteuse de croissance. Bernard Foumou perçoit et reprend à son compte la dynamique du «politicide», stratégie attribuée en Israël en 2003 au gouvernement de Ariel Sharon pour sa politique de tout œuvrer pour rendre impossible l’existence d’un état viable dans ses frontières.
Pour l’économiste politique, cette dynamique a jugulé la trajectoire du continent africain depuis la naissance du capitalisme. De puis la traite jusqu’à l’aide au développement, la même stratégie s’opère : rendre impossible l’autonomie économique et de ce fait l’émergence. Le «politicide» assure par le contrôle des ressources, donc des richesses propres et la vassalisation des forces politiques, ce qui justifie les interventions armées.
Ironisant sur des jeunes qui l’interpellaient à propos de la nécessité de sauter l’étape de l’industrialisation pour atteindre l’émergence en s’attelant d’abord au développement et à la spécialisation de nos économies dans les Tic, Bernard Foumou affirme que l’industrialisation de nos territoires s’avère la seule marche d’émergence et d’autonomie. Conscient du défi climatique que nous impose cette «révolution industrielle», il encourage, à l’instar de la Chine, à la production «de pacotille».
Investir dans les Tic en sautant l’étape de l’industrialisation ne dispense pas de la nécessité d’une production industrielle des outils informatiques dans un monde globalisé, encore moins de la production des équipements nécessaires à la sécurité extérieure.
Les taux de croissance en flèche de certaines économies ne font pas fléchir Bernard Foumou, la croissance d’un Etat se mesure plus des évaluations d’atteinte aux Omd. La crise de la zone Euro et ses conséquences sur les économies du Sud déferlent moins, selon lui, dans les économies moins interdépendantes, mais surtout dans les pays où la composante socialiste politique et de la Société civile s’avère à même d’être forte et organisée.
L’exemple de l’Amérique latine, avec notamment le positionnement politique de l’Alba, l’Alternative Bolivarienne des peuples d’Amérique, lui, semble pertinent de même que le rôle de régulation sociale du parti des travailleurs au Brésil avant et pendant l’exercice pouvoir et ce en dépit du ralentissement économique du pays.