MULTIPLE PHOTOSGROS NUAGES SUR L'ÉCOLE
SÉRIE DE GRÈVES DES SYNDICATS D'ENSEIGNANTS
Le Sénégal souhaite, d’ici à 20 ans, disposer d’une "école de la réussite". C’est le consensus qui s’était dégagé lors des Assises de l’éducation et de la formation, tenues du 28 au 30 août 2014. Quelques mois après, cet objectif semble hypothéqué avec une panoplie de grèves à n’en plus finir.
Jamais l’école sénégalaise n’a été aussi troublée que ces dernières semaines. Tout s’embrase ! Le Cadre unitaire syndical de l’enseignement moyen secondaire (CUSEMS) est en grève de deux jours depuis hier. La semaine dernière, les 17 et 18 février, le Syndicat autonome de l’enseignement moyen secondaire (SAEMS) avait déserté les salles de classe.
Demain jeudi, le Syndicat autonome des enseignants du supérieur (SAES) enfourchera le cheval de bataille, avec une grève de 72h qui débouchera sur un Bureau national élargi à Thiès réunissant les responsables des 5 campus du Sénégal. Ainsi, le constat est le même : l’école sénégalaise va mal, prise à partie dans des crises qui risquent de l’envoyer à la guillotine. L’année 2006 a incontestablement été le point de départ de cette descente aux enfers qui a atteint des points culminants en 2013.
L’éducation est d’une manière générale traversée par une crise que les observateurs avertis situent à deux niveaux. D’abord une crise de vocation, au point que la jeunesse, de façon insidieuse mais perceptible, tend à substituer l’investissement vers d’autres lieux de valorisation personnelle et de réussite individuelle. Ensuite, une crise de confiance surtout envers l’Ecole publique dont les familles se détournent de plus en plus, en raison d’une image qui s’est détériorée au fil des années. Crise de confiance aussi entre certains acteurs de l'Ecole. Pour mettre fin à ces crises, le gouvernement, en collaboration avec les acteurs du système éducatif, avait décidé d’organiser les assises de l’éducation.
Les dirigeants qui étaient arrivés à gagner la confiance des syndicats avaient pu décrocher un apaisement du système scolaire, à travers des assises qui s’étaient tenues du 28 au 30 août 2014. Après 3 jours d’échanges sur les propositions de recommandations du Comité de pilotage des assises, un consensus fort s’était dégagé sur la nouvelle école que veut le Sénégal : "Une école de la réussite".
Code de déontologie et pacte de stabilité jetés aux orties
Mais voilà, quelques mois après ces assises, les grèves ont repris de manière fulgurante et unanime. Pourtant, un serment de l’enseignant, un code de déontologie et un pacte de stabilité avaient été adoptés au cours de ces Assises. Par rapport à un environnement scolaire apaisé, la commission "Stabilité et Dialogue social" avait appelé à diligenter l’organisation des élections de représentativité des organisations syndicales.
Il avait aussi demandé d’instaurer "un dialogue inclusif, fécond et franc" entre tous les acteurs du système, d’instaurer un "pacte de stabilité" entre les ministères concernés et les partenaires sociaux, mettre en place un "Observatoire national et local de veille, d’alerte et de suivi des engagements". Aujourd’hui, tout ceci semble être jeté aux oubliettes.
C’est le Grand Cadre des enseignants qui a ouvert le bal, avec un débrayage suivi d’un sit-in, le mardi 17 février. Le mercredi 18, ils ont fait une grève générale sur tout le territoire national. Selon son coordinateur Mamadou Lamine Dianté, les enseignants n’ont fait que réagir par rapport à une situation.
"Les acteurs ont travaillé en étroite intelligence lors des assises de l’éducation, ils ont eu à stabiliser certaines choses. On a fait des propositions allant dans le sens d’une accalmie d’au moins trois ans dans le système éducatif. Si tout cela avait été capitalisé, on n’en serait pas là. Au moment où nous faisions montre de bonne volonté, les autorités faisaient totalement le contraire. A partir de ce moment, on s’est dit que ces gens n’étaient pas des interlocuteurs fiables. Dès lors, la confiance a été totalement rompue", déclare M. Dianté. Selon ses dires, ces autorités leur ont demandé de surseoir à leurs revendications à caractère indemnitaire, alors qu’ils ont constaté "dans le décret 2014-769 du 12 juin 2014, que le président a octroyé des indemnités faramineuses à certaines catégories d’agents, en oubliant royalement les enseignants. Il fallait que nous puissions marquer le coup", disait le syndicaliste.
Trahison
Le CUSEMS qui est actuellement en grève se dit "trahi" par le gouvernement et dénonce les lenteurs administratives dans la délivrance des actes. "Le gouvernement a signé des accords qu’il a refusé d’appliquer. Pis, il a signé en "catimini" un décret allouant à des centaines de fonctionnaires des indemnités. Sur cette liste, aucun enseignant ne figure", fustigeait le chargé des revendications Aliou Gningue, il y a quelques jours. En réponse, la conseillère technique chargée des syndicats, du genre et des affaires sociales au ministère de l’Education, Marie Siby Faye, a lancé un appel à l’endroit des enseignants, les appelant à œuvrer à l’apaisement du système scolaire :
"Suite à la tenue des assises, aux engagements pris, dans le cadre du comité de dialogue social, nous leur lançons un appel pour que nous puissions œuvrer à l’apaisement du système scolaire. Nous sommes tous pour une éducation de qualité. A ce propos, j’en appelle à un engagement des uns et des autres".