AUDIOABDOU FALL ANALYSE LES TUMULTUEUSES ANNÉES WADE
Dans cette troisième partie de l’entretien exclusif qu’il a accordé à SenePlus, Abdou Fall parle de la présidence d’Abdoulaye Wade, dont il fut, à plusieurs reprises, le ministre, et le porte-parole de son parti (Pds). Il salue la vision de l’homme, mais regrette la fin de mouvementée de son magistère.
La vie d’homme d’Etat de l’ancien président de la République est un paradoxe aux yeux d’Abdou Fall, son ancien ministre et responsable de parti (Pds). Autant celui qui fut ministre de la Santé classe Abdoulaye Wade dans la ‘’dernière génération de leaders qui continuaient de porter une vision’’, autant il lui reproche de n’avoir su ‘’ni sauver son régime ni réussir sa sortie’’. La faute, avance le formateur à l’Ecole nationale d’économie appliquée (Enea), à une conjonction de facteurs dont les plus décisifs sont un ‘’exercice solitaire du pouvoir’’, un ‘’interventionnisme intempestif’’ de sa famille dans les affaires de l’Etat et, à la fin de son second mandat, le fait de n’avoir pas mis en place, comme il le lui suggérait, ‘’une équipe de relève pour préparer l'avenir’’.
‘’Le président Abdoulaye Wade a fait partie des grands leaders charismatiques de son temps, déclare Abdou Fall, admiratif. Il a marqué son passage au pouvoir par une ambition pour son pays et son continent ; cette ambition a été adossée à une vision élaborée, sur tous les grands problèmes de notre époque. Wade était toujours à l’offensive, toujours porteur d’un projet, ce qui lui a permis d'être un acteur majeur dans la conception et la réalisation du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique).’’ L’ambition de l’ancien chef de l’Etat, souligne Fall, c’était de jeter les bases d’un développement économique par la construction d’infrastructures modernes et, parallèlement, répondre à la demande sociale à travers d'importantes mesures de rehaussement du pouvoir d’achat des ménages.
Mais Wade n’ira pas au bout de son projet. Il sera battu par Macky Sall au second tour de la présidentielle du 25 mars 2012. Les 65% des suffrages recueillis par son challenger, son ancien Premier ministre, sonne comme une humiliation pour celui dont la cote de popularité n’a jamais fléchi durant ses 26 années passées dans l’opposition. "Le président Abdoulaye Wade a été victime de sa gouvernance chaotique, tranche Abdou Fall, démissionnaire du Pds (en novembre 2011) et désormais coordonnateur du mouvement Alternative Citoyenne/Andu Nawle (ACAN).
Il a posé beaucoup d’actes qui ont contribué à porter atteinte à la crédibilité de l’Etat, à la banalisation des institutions.’’ L’ancien ministre dénonce aussi ‘’l’affairisme d’Etat’’ qui avait cours sous l’ancien régime. ‘’C’était la première fois dans l’histoire politique du pays que les hommes qui exercent directement le pouvoir politique sont tout aussi présents dans la sphère économique’’, relève-t-il pour le regretter.
Abdou Fall soutient avoir à l’époque tiré la sonnette d’alarme. Par exemple en ‘’invitant (son ex-mentor) à mettre en place une équipe de relève pour préparer l'avenir’’. L’ancien porte-parole du Pds confie avoir été ignoré. Conséquence ? Wade n’a pas su ‘’réussir sa sortie en sauvant son régime’’. Et in fine, ajoute le formateur à l’Enea, en se présentant pour un troisième mandat, il a fait moins que Senghor et Diouf en ce qui concerne la gestion de sa sortie du pouvoir. Toutefois Abdou Fall reste convaincu que le successeur d’Abdou Diouf ‘’aura été un grand leader de son temps’’.
Dans la série d’entretiens que l'ancien ministre d'Etat Abdou Fall a accordée à SenePlus, il s’est posé en véritable analyste politique, décryptant tour à tour, l’exercice du pouvoir des trois premiers présidents du Sénégal. Après Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, et Abdoulaye Wade, nous reviendrons demain avec Abdou Fall sur la présidence de Macky Sall : le retard des réformes, la traque aux biens mal acquis, etc.