''NOUS AVONS ÉTÉ LAISSÉS SEULS JUSQU’À QUELQUES JOURS DES LOCALES''
ABDOULAYE NDIAYE, DÉPUTÉ APR, SUR LEUR DÉFAITE À GRAND-YOFF
Le député de l’Alliance pour la République condamne la sortie de ses camarades de parti qui veulent le maintien du septennat. Dans cet entretien, Abdoulaye Ndiaye, proche de l’ancien Premier ministre Mimi Touré, explique les raisons de leur défaite aux Locales face à Khalifa Sall, appelle son parti à compter sur ses propres moyens et à s’ouvrir aux autres.
Quelle est votre position sur la réduction ou non du mandat présidentiel ?
J’ai une position constante. Entre les deux tours, le président de la République avait librement exprimé son vœu de ramener son mandat à cinq ans. Les Sénégalais sont plus en avance par rapport à nous acteurs politiques. Et sous ce rapport, je crois que la logique voudrait que le président de la République s’engage à respecter sa parole parce qu’elle est sacrée.
Maintenant, par rapport aux modalités ou le schéma mis en place pour y arriver, je ne suis pas un juriste, mais ce que je puis vous dire c’est qu’il faudrait qu’il mette en place des mécanismes en convoquant un référendum ou bien en passant par le canal législatif.
Et, connaissant le Président, je sais qu’il ne va pas faire du wax waxeet comme le prédisent certains. C’est dans notre intérêt que le Président respecte son engagement. Au cas contraire, nous serons discrédités.
Là, vous prenez le contrepied de beaucoup de vos camarades de parti qui plaident le maintien du septennat...
Non, le problème qui se pose, c’est qu’il faut considérer la politique comme un sacerdoce. Et nous devons respecter la hiérarchie. Le président de la République n’est pas n’importe qui. Il a dit et répété qu’il maintient toujours ses propos. Donc, en tant que membres de son parti, la logique voudrait que nous restions sur sa ligne. Maintenant, là où on devait débattre, c’est par rapport à la faisabilité. Autrement dit, si le référendum est fait, est-ce que ce sera pour ce mandat-ci ou le prochain ? En tant que personnes intelligentes, nous pouvons, dans le parti, ouvrir cette piste pour poser le débat.
Mais, demander au Président de faire du wax waxeet, ce n’est pas du tout sérieux. Il y a certains collaborateurs du président de la République qui se lèvent un beau matin et font des déclarations qui font croire au gens que c’est le Président qui est derrière ce débat.
Quand on occupe un poste de responsabilité si élevé, on doit s’interdire de dire certaines choses. Notre problème, c’est que nous communiquons mal. Regardez le travail gigantesque que le Président est en train d’abattre. Malheureusement, aux yeux des Sénégalais, on ne fait rien du tout parce qu’on ne s’exprime pas sur l’essentiel.
Que pensez-vous du compagnonnage de l’Apr avec ses alliés de Benno bokk yaakaar ?
C’est une question de volonté. Je ne crois pas que tous ces gens-là seront avec nous à la prochaine Présidentielle. Il faut que l’Apr compte sur ses propres moyens.
Vous avez beaucoup décrié la transhumance sous le régime de Abdoulaye Wade. Mais, aujourd’hui, on constate que le phénomène est encore réel.
Vous savez, le mot «transhumance» ne vient pas des hommes. Mais, en politique, on dit que l’addition des forces vaut mieux que la soustraction. Un parti peut dégager des stratégies et des pistes pour récupérer des personnes et se massifier.
Ce n’est pas forcément pour leur confier des postes de responsabilité. Elles peuvent venir en tant que soutien. Mais ce qui est inacceptable, c’est le fait de les propulser au devant de la scène. Et je crois que c’est le meilleur moyen de freiner la transhumance. Maintenant, à compétence égale, il faut quand même choisir. Et la logique voudrait qu’on prenne la bonne graine.
A votre avis, la transhumance rime-t-elle avec la bonne gouvernance que prône le gouvernement ?
Ça n’a rien à voir ! Si quelqu’un veut rejoindre le parti au pouvoir parce qu’il est convaincu de la politique du gouvernement, il est le bienvenu. Mais, si c’est une personne accusée de détournement de derniers publics et qui cherche une protection, cela ne peut être de la bonne gouvernance.
Concernant Awa Ndiaye, j’ai vu dans les colonnes d’un journal qu’elle a bénéficié d’un non-lieu. Pour moi, moralement, la logique voudrait qu’elle n’occupe pas de hautes responsabilités. Elle-même devait s’interdire de gérer des deniers publics. Maintenant, quelle décide de nous soutenir, c’est son droit le plus absolu.
A vous entendre parler, on a l’impression que seule la massification de votre parti vous intéresse...
Ce qui nous intéresse, c’est que des gens viennent grossir nos rangs. Seulement, il faut penser aussi à ces militants qui sont là depuis la création du parti et qui n’ont aucune responsabilité.
A ce propos, des membres de Macky2012, qui ont contribué à l’élection du candidat Macky Sall, disent n’avoir pas été récompensés.
Non, c’est une mauvaise démarche. Au sein du parti, il y a des gens qui valent dix mille fois que ces gens-là. Ils ont fait des résultats énormes et ils n’ont rien reçu. Pourtant personne ne les entend crier.
Ils ont quand même été des soutiens de première heure.
Ecoutez, je suis bien placé pour en parler parce que j’étais le coordonnateur du comité électoral de Macky2012. Qu’est-ce qu’ils ont fait de plus que nous qui sommes à Grand-Yoff ? Vous n’avez jamais entendu les responsables de Grand Yoff crier.
Pour moi, c’est un faux débat que de parler de récompense. Aujourd’hui, les membres du Secrétariat national doivent descendre sur le terrain, discuter avec les gens, corriger certaines insuffisances. C’est comme ça qu’un parti se développe et que les bonnes informations soient portées auprès du président de la République. Que ces campagnes de dénigrement, de diabolisation cessent.
Il y a des campagnes de dénigrement à son égard ?
Non, pas contre le Président. Par exemple, moi-même j’ai été l’objet de diabolisation.
De la part de qui ?
De la part de certains cercles du pouvoir. Je ne veux pas citer de noms, mais ils se reconnaissent. Il y a des gens qui ont une manière drôle de voir les choses. Ils essaient toujours de diviser pour mieux exister parce qu’ils n’ont aucune base réelle. Et, une fois nommés, ils font tout pour se maintenir en donnant de fausses informations sur certains acteurs.
En parlant de base politique, vous avez été battu, avec Mimi Touré, à Grand-Yoff, votre fief aux dernières élections Locales. Qu’est-ce qu’il vous reste aujourd’hui ?
Battu, oui. Mais c’est l’Apr qui a gagné l’Apr. D’abord, faites le tour du département de Dakar, vous ne verrez pas une seule commune qui a obtenu plus de voix que nous. Nous avons, au moins, plus de 8 000 voix.
Sous ce rapport, je peux dire qu’il y a un travail sérieux qui a été fait. La deuxième chose, et ça je le déplore, si en amont, on nous avait donné l’occasion de discuter avec la direction du parti pour mieux se préparer, nous aurions gagné facilement ces élections.
Les membres du Secrétariat national pouvaient dégager des stratégies. A quatre ou cinq mois de l’événement, ils pouvaient venir nous voir pour qu’on analyse ensemble les acquis et les faiblesses que nous avons à Grand-Yoff, les quartiers où nous sommes bien représentés, etc.
Malheureusement, nous avons été laissés seuls jusqu’à quelques jours des élections. Et nous faisons partie des rares communes où il y avait au moins une unité de toutes les sensibilités. Nous avons été taxés des pro-Mimi ; on nous a fait la guerre. Voilà pourquoi cela a été très difficile pour nous. Ce sont des choses à éviter à l’avenir.
L’Afp de Moustapha Niasse a décidé de soutenir la candidature de Macky Sall à la prochaine Présidentielle. Faites-vous partie de ceux qui estiment, dans votre parti, que le Ps doit aussi clarifier sa position ?
Nous devons d’abord compter sur nos propres moyens. Faisons de telle sorte que la grande famille Apr se retrouve. Nous devons travailler pour que nos vaillants militants retrouvent le sourire avant de tendre la main aux autres. Et si les gens constatent qu’il y a un changement qui est en train de s’opérer, ils viendront d’eux-mêmes.
Ceux qui sont à la tête du parti ne se soucient de nous qui sommes à la base. Ils devaient nous appeler régulièrement pour s’enquérir des préoccupations des populations à la base. Et le Président doit insister auprès de ses collaborateurs pour qu’ils ouvrent leurs portes aux gens.
Une commune comme Grand-Yoff ne doit pas être négligée. Elle fait plus de 100 mille électeurs. Imaginez si on perdait Grand-Yoff à la Présidentielle. Ce qu’ils font ailleurs, ils peuvent le faire à Grand-Yoff parce que nous sommes méritants. Maintenant, l’élection présidentielle, c’est le rendez-vous d’un homme avec son Peuple. Dans la situation actuelle, il n’est même pas question qu’on pense à un deuxième tour parce que ce serait suicidaire pour nous. Nous devons mettre tout en œuvre pour que le Président Macky Sall passe au premier tour. Et c’est bien possible. Mais, cela a un coût.
La première chose que nous devons faire, surtout pour Dakar, c’est que le Président reçoive les responsables à la base, commune par commune. Il les écoute pour déterminer ce qu’il faut faire ensemble. Mais si nous devons renouveler les mêmes pratiques antérieures, ce sera la catastrophe.
Et l’heure est grave parce que les frustrations sont énormes au niveau de la base. C’est partout, surtout à Grand-Yoff. Nous faisons partie des entités du parti qui ont réalisé à toutes les élections, les meilleurs scores.
A part moi qui suis député et peut-être un directeur général, nous n’avons pas d’autres postes. Même pas pour les petits emplois créés. Les gens veulent accompagner le président de la République, mais il faut que ceux qui l’entourent soient plus ouverts.