LA VILLE DE DAKAR ENTRE "FAIBLESSES" ET "LACUNES"
RAPPORT COUR DES COMPTES 2013
Si tenir des recettes transparentes a été une tâche ardue pour beaucoup de structures épinglées par la Cour des comptes, la Ville de Dakar peut se targuer de n'avoir récolté que des ‘vétilles'. La gestion de 2003 à 2008, sous Pape Diop, a été passée au peigne fin avec plus d'irrégularités que de fautes lourdes.
Pour la Cour des comptes, qui se penchait sur la gestion quinquennale des recettes de la Ville de Dakar, il y a été question de beaucoup d'anomalies. A la Recette Perception municipale (RPM) de Dakar, la nonconcordance des comptes de gestion à ceux des états de synthèse de la Rp m'a causé un gap de plus de 2 milliards en 2006. C'est l'écart de gestion le plus grave constaté par le rapport. Avec quelques réserves et beaucoup de recommandations, il a ménagé la tenue de la Ville de Dakar.
Il s'est essentiellement agi de mettre l'accent sur "l'analyse des faiblesses et lacunes et sur les recommandations, que sur l'imputation des irrégularités décelées, afin d'optimiser la gestion de leur collectivité", lit-on dans la partie liminaire du rapport public 2013 de la Cour des comptes. Ainsi la gestion n'est pas épinglée de manière générale, mais des manquements existent comme les défauts de mobilisation des recettes potentielles ; de maîtrise de l'assiette des recettes ; de recouvrement de la contribution foncière sur les propriétés non bâties. Sur ce dernier point, aucun recouvrement n'a été enregistré malgré des émissions de 1 milliard 413 millions 140 mille 475 F Cfa en 2008. Si ces problèmes sont liés à la difficulté de localisation des propriétaires de terrains, le rapport constate toutefois "l'inefficacité du receveur municipal" car "aucun recouvrement n'a été effectué". De la sorte, la Cour a émis comme recommandation de "faire participer pleinement ses services à la maîtrise de l'assiette des recettes ; à créer une régie de recettes à la Division des halles et marchés définissant et encadrant les prérogatives des collecteurs".
Manquements à la Piscine olympique
Durant le magistère de Pape Diop, des dysfonctionnements et irrégularités ont aussi été relevés dans la gestion des recettes issues de la piscine olympique nationale (P.O.N). Transférée à la ville de Dakar en août 2008 après une phase-test confiée à l'Etat-major de l'Armée. Le rapport 2013 de la Cour des comptes critique déjà cette rétrocession irrégulière car "aucun acte de cession ou d'affectation n'a été pris", fait savoir le rapport.
La régie de recettes n'a été mise en place qu'en janvier 2007, quatre ans après le décret qui le fixait et le régisseur a pris fonction en octobre 2007 quatre mois après sa nomination. Des risques de non-versement intégral des recettes que dénonce le rapport. "Le régisseur déclare n'avoir aucune information relative au règlement des chèques. Les loyers sont perçus sans quittance ou ticket de perception et son tarif est fixé de manière arbitraire".
Manque de moyens
La fourrière municipale de Dakar, le service des pompes funèbres et concessions dans les cimetières, et le centre principal d'état-civil, pour cause de manque de moyens principalement, ont dû être sermonnés pour "mauvaise tenue de la comptabilité administrative". En ce qui concerne le centre d'état-civil par exemple, en l'absence de comptabilité de recettes (pourtant rendue obligatoire par l'article 14 du décret n°2003-657 du 14 août 2003), ni le chef du service, ni le régisseur n'ont pu mettre à la disposition de la Cour la situation des recettes perçues au titre des produits de l'état-civil.
Failles et défaillances à la Direction des Bourses
La Cour des comptes a relevé dans son rapport de 2013 des manquements et des carences liés à la gestion informatisée des allocations d'étude à la Direction des Bourses.
Dans le rapport de la Cour des comptes 2013, l'organe de contrôle s'est intéressé à la gestion informatisée des allocations d'études à la Direction des Bourses (DB) pour la période 2008-2010. A ce moment, les fonctions de Directeur ont été successivement assurées par Ousseynou Goumbala et Joseph Sarr. Dans le document, les contrôleurs ont répertorié de nombreuses failles et autres défaillances.
En premier lieu, il est constaté que des étudiants peuvent être attributaires d'une bourse ou d'une aide alors qu'il n'existe aucune preuve pour attester qu'ils sont titulaires du baccalauréat. Ce qui dérange le plus les agents de Mamadou Hady Sarr, c'est que l'Office du Baccalauréat dispose d'un fichier informatique qui répertorie tous les élèves admis à l'examen et qui fournit beaucoup de renseignements sur les récipiendaires. "Mais ce fichier n'est pas disponible à la Direction des Bourses, alors qu'il aurait pu permettre aux agents de ce service d'effectuer un contrôle de corroboration", regrettent-ils.
Concernant les aides, la comparaison entre le fichier des bénéficiaires et le répertoire des bacheliers révèle 179 enregistrements de bénéficiaires d'aides non concordants sur un total de 38 918 étudiants entre 2008 à 2010. Pour les bourses, la comparaison laisse apparaître que "241 enregistrements de boursiers ne se retrouvent pas sur la liste des bacheliers sur un total de 75 102 sur la période précitée", lit-on dans le rapport.
Selon le document, les recherches effectuées dans la base de données du Service de Gestion des Etudiants à l'Etranger (SGEE) montrent que 38 d'entre eux ne figurent pas dans le fichier de l'Office du Baccalauréat.
Cependant, la Cour des Comptes précise que ces chiffres ne traduisent pas le nombre de bénéficiaires d'allocations d'études non titulaires du Bac. Mais ils permettent de déceler l'existence "dans le fichier des bourses d'une quantité non négligeable d'enregistrements erronés qui pourraient, pour certains, constituer des cas de fraude".
Étudiants non inscrits
Un contrôle fait dans les universités de Dakar et de Saint-Louis a décelé l'existence d'étudiants bénéficiaires d'aides ou de bourses mais non inscrits dans l'une de ces deux universités. "La jonction du fichier des bénéficiaires d'aides avec le fichier des inscrits dans les universités de Dakar et de SaintLouis a donné comme résultat un nombre de 156 étudiants non répertoriés dans le fichier des inscrits. Celle du fichier des bénéficiaires de bourses avec celui des inscrits dans les universités de Dakar et de Saint-Louis a donné comme résultat un nombre de 210 non-répertoriés dans le second fichier", renseignent les contrôleurs.
A cela s'ajoutent ceux qui perçoivent des allocations sans figurer sur les listes des bénéficiaires. C'est le cas de 43 individus qui, entre 2008 et 2009, ont reçu une aide. 785 personnes ont également perçu des bourses dans les mêmes circonstances, entre 2008 et 2010.
Le rapport indique que des étudiants ont empoché des montants supérieurs au taux dont ils sont normalement bénéficiaires. Pour l'année 2008, cette situation concerne 25 étudiants, dont trois titulaires de bourses de 3e cycle, 16 bénéficiant de bourses entières et le reste d'une demi-bourse. En 2009, les excédents de paiements concernent 4 193 étudiants et 35 autres étudiants ont perçu des taux supérieurs à la normale en 2010.
Il est noté aussi que des étudiants cumulent irrégulièrement des bourses et perçoivent plus que le montant annuel autorisé. Selon les contrôleurs, cette situation aurait dû être empêchée par la gestion informatisée. "Cet état de faits conduit à une violation de la réglementation, d'une part et traduit la possibilité que des erreurs importantes existent dans les données et dans le système de calcul ou d'allocation des montants, d'autre part", mentionnent les contrôleurs de la Cour des Comptes.
Ces anomalies sont également accompagnées de doublon en ce qui concerne les bourses et aides. Il arrive que le numéro de la carte nationale d'identité d'un étudiant soit introduit deux ou plusieurs fois dans le système. Ce qui fait qu'un apprenant puisse bénéficier deux fois d'une bourse dans une même année scolaire. Hormis les défaillances constatées dans le système de gestion des allocations d'études, la direction des Bourses est confrontée à divers problèmes. Elle n'a ni salle d'archives, ni d'agents habilités à les gérer. Les travailleurs sont obligés d'entreposer les dossiers par terre ou de les stocker sur les balcons. Et cela peut créer des désagréments à cause des intempéries et des rongeurs.
"A Dakar, il est constaté que l'accès à la salle des machines n'est pas sécurisé. En effet, des personnes étrangères au service peuvent y entrer et en sortir librement. En plus du fait qu'il n'existe pas de détecteur de fumée, le personnel informatique utilise une bonbonne à gaz à proximité des deux serveurs pour des besoins extra-professionnels. Le feu ainsi utilisé est potentiellement source d'incendie pouvant causer d'importants dommages aux équipements", relate le rapport.
Toutefois, seule la réaction de Joseph Sarr a été mentionnée dans le document. La Cour des Comptes affirme n'être pas parvenue à avoir les réponses d'Ousseynou Goumbala. Même si M. Sarr "accepte" et "partage" les recommandations, il a préféré apporter "quelques précisions". Selon lui, la Direction des Bourses peut bel et bien donner une allocation à des étudiants qui ne sont pas répertoriés à l'Office du Baccalauréat. Parce que, dit-il, le Sénégal a des accords universitaires avec d'autres pays.
A propos du cumul et du doublon sur les allocations, l'ancien Directeur de la Direction des bourses B annonce que ces défaillances qui étaient dues selon lui à des erreurs, sont en train d'être réglées.
Le cas Massaly
Mamadou Lamine Massaly, l'ancien PCA de la société des infrastructures de réparation navale (SIRN) est un cas, selon le rapport de la Cour des comptes 2013. Entre 2008 et 2010, le jeune Wadiste a bénéficié de dons et de subventions à des fins personnelles à coût de plusieurs millions de F Cfa.
À La Société des infrastructures de réparation navale (SIRN), l'ancien président du conseil d'administration, Mamadou Lamine Massaly et le Directeur général, Marcel Ndione ont usé des biens de la société. Le jeune Saadiste s'est offert une vie de luxe à la SIRN. Par exemple, le rapport révèle que Mamadou Lamine Massaly bénéficiait chaque mois de 1000 litres de carburant, alors que la dotation en carburant est limitée à 350 litres tous les 30 jours. A la SIRN, le PCA devrait disposer d'un chauffeur et d'un secrétaire parmi le personnel de la société. Mais le jeune Wadiste disposait d'un chauffeur choisi en dehors du personnel de l'entreprise.
Mieux, c'est la SIRN qui prenait en charge le conducteur. Dans sa nouvelle vie, Mamadou Lamine Massaly disposait aussi d'un logement de fonction en plus d'une indemnité de logement de 150 000 F. L'ancien PCA Baïla Wane a aussi bénéficié des mêmes avantages que le jeune wadiste de Thiès. Et à la fin de leur mandat, la Société des infrastructures de réparation navale a eu du mal à récupérer les logements. Baïla Wane et Massaly ont refusé de quitter les lieux. Finalement, renseignent les auditeurs, c'est grâce aux tribunaux et par voie d'huissier que la SIRN est arrivé à entrer en possession de ses logements.
En outre, le rapport renseigne qu'entre 2008 et 2010, les "factures mensuelles de ligne Téranga et du téléphone fixe de l'appartement affecté à Massaly dépassaient chaque mois plus d'un million de F Cfa. En mai 2008, sa facture téléphonique était de 1 million 378 223 F CFA, 1 million 859 651F Cfa en juin 2008, 1 million 020 000 F Cfa en novembre 2010... Massaly profitait aussi de sa position de PCA "pour financer ses activités personnelles".
Le document fait savoir que le jeune Wadiste, pour mobiliser les jeunes et militants du Pds pour accueillir l'ancien président de la République Me Abdoulaye Wade lors de ses visites, a bénéficié de subvention de la SIRN. Il en est de même pour l'organisation de gala de lutte, de manifestation des jeunesses thiessoises, ou d'un appui de la Génération du Concret de la Médina. Au total, c'est 6 700 000 F Cfa que Mamadou Lamine Massaly a obtenu de la SIRN à titre d'appuis. Ensuite, de décembre 2008 à décembre 2011, il a bénéficié d'un soutien financier de la SIRN à hauteur de 12 millions 850 720 F Cfa pour confectionner des T-shirts, des casquettes, des banderoles avec l'effigie de Me Abdoulaye Wade.
Interpellé par la Cour, Massaly répond : "Je dois déclarer que depuis ma nomination au Conseil d'Administration de la SIRN, j'ai toujours reçu la même rémunération et les mêmes avantages dans la continuité de mon prédécesseur Monsieur Baïla Wane et sur autorisation du président de la République". Toujours pour se justifier, l'ancien PCA ajoute : "Pour ce qui est du logement de fonction, la SIRN a beaucoup de logements vacants qu'elle a du mal à louer."
3 000 litres de carburant par mois
Quant au Directeur Marcel Ndione, son achat de carburant est jugé excessif par le rapport de la Cour des comptes. Les enquêteurs indiquent dans le document que "la SIRN achetait en moyenne 3 300 litres de carburant par mois pour un parc automobile de 3 véhicules : un véhicule du PCA, un véhicule du DG et un véhicule du pool". Avec cette utilisation excessive, la Cour des comptes déduit que le carburant de la société est utilisé à des fins autres que les besoins du service.
Face à tous ces manquements notés, la Cour, dans son rapport, a recommandé au Directeur général de la SIRN de "rationnaliser l'utilisation du téléphone", de "mettre un terme à l'octroi des dons et subventions sans lien avec l'objet social de la société".