LE BUSINESS DU MAUVAIS TEMPS !
Vente de parapluies, d'essuie-glaces et de chaussures en plastique
Les pluies font des malheureux dans plusieurs coins du pays, du fait des incessantes inondations. Mais elles font aussi beaucoup d'heureux. Parmi eux, les marchands qui s'activent dans la vente de parapluies, d'essuie-glaces et de chaussures en plastique. Si d'aucuns rêvent de la fin de l'hivernage, eux prient pour des pluies sans fin. Reportage !
Voltaire a vu juste, en déclarant : "Le malheur des uns fait le bonheur des autres."
La pertinence de cette assertion se vérifie encore, en ces temps de pluies torrentielles à Dakar. Car, depuis que l'hivernage s'est définitivement installé, fleurit un véritable business de la pluie, avec à la clé des chiffres d'affaires fort intéressants.
Midi passé de 11 minutes sur l'avenue du Front de terre, de fines gouttelettes d'eau tombent du ciel. Partout, il y a des flaques d'eau. Pantalon relevé, chemise retroussée, la tendance est à l'habillement décontracté et agrémenté par des sandales en plastique. Le look du jour a aussi comme accessoire l'indispensable parapluie. Une norme qui fait bien des heureux.
Short en jean, Lacoste blanc, ce marchand ambulant bénit le mauvais temps. Vu les fortes pluies qui se sont abattues ces derniers jours, il s'est lancé dans la vente de parapluies. Cinq dans une main, trois dans l'autre, il arpente les rues, conscient qu'il fera une bonne vente. A peine une minute que nous l'observons, un homme, sûrement un maçon, muni d'une pelle, lui demande le prix d'un article.
D'un ton péremptoire, il lui répond : 3 000 F CFA. Après un bref marchandage, il poursuit son chemin. Un peu plus loin, il croise un marchand qui s'est mis dans l'air du temps. Il porte en bandoulière un grand sac rempli de sandales en plastique. Et tient en mains quelques échantillons. Sur l'avenue Bourguiba, c'est le même constat, les vendeurs de parapluies et autres accessoires y ont convergé. Les embouteillages monstres sont une aubaine.
"Je prie pour une pluie abondante"
Teint clair, mine enjouée, Seydou Diop squatte les abords du Palais de justice de Dakar. Son pantalon coloré relevé jusqu'à mi-hauteur des jambes, un t-shirt gris sur le dos, il a en sa possession toute une gamme de parapluies. "Vous désirez le petit ou le grand modèle", s'empresse-t-il de demander à notre approche. Mais, à défaut de vendre un article, il se confie.
"C'est le lundi passé que j'ai débuté le commerce des parapluies. Avant, je vendais des ceintures dans la banlieue. Avant-hier (lundi), je me suis payé 30 parapluies à 30 000 F Cfa, pour les revendre à 1500 F pour les petits et 3000 F pour les grands. Mais je rends grâce à Dieu. Durant les 72 heures de pluies, je m'en suis très bien sorti. Vraiment, je ne prie que pour l'abondance de la pluie, afin que mon commerce marche davantage."
"S'il pleut, je peux gagner jusqu'à 50 000 F CFA par jour"
Au rond-point de Poste Médina, évolue Cheikh Ndiaye dit Cheikh "balai". Vendeur d'essuie-glaces, il ne passe pas inaperçu. Il porte un lourd sac à dos bourré d'essuie-glaces. Cheikh balai n'est pas un saisonnier.
"Je ne suis pas un des jeunes marchands qui profitent de la saison pour s'adonner à cette activité. Depuis 2012, je vends des balais (essuie-glaces), qu'il pleuve ou qu'il vente. Mais pour dire vrai, l'hivernage est notre période à nous. Forcément, notre chiffre d'affaire connaît une hausse. S'il pleut, je peux gagner jusqu'à 50 000 francs CFA la journée. Sinon, comme aujourd'hui, même si le ciel annonce une pluie, on rentre avec la somme de 10 000, voire 15 000 F Cfa. Tout mon souhait est que Dakar soit comme en Europe où il pleut abondamment. Comme ça, on ne se plaindra point...", dit-il gaiement.
Les chaussures en plastique, la tendance obligée
Au niveau des artères encombrées de Petersen, une jeune fille en taille basse wax, d'une démarche majestueuse, s'approche de l'étal d'Amadou Guèye. Le marchand vend des chaussures en plastique et espère tout écouler avant la fin de la journée. La jeune fille attrape une chaussure, l'essaie comme le veut la tradition puis l'enlève. Elle prend un autre modèle. Le troisième semble être à son goût. D'ailleurs, l'ayant senti, Amadou se met à vanter sa marchandise et emporte l'adhésion de la jeune fille. La belle liane, qui a préféré taire son nom, l'achète à 1000 F et confie :
"Je sens que l'une de mes chaussures est sur le point de se gâter, alors j'ai décidé de faire un tour par là et d'acheter une paire avant de rentrer. Les chaussures en plastique durent plus longtemps. Avec les eaux stagnantes, il y a moins de risque de perdre une paire de chaussures coûteuses". Son vendeur, heureux de cette nouvelle vente, trouve enfin le temps de parler. "Comme vous le voyez, c'est la tendance obligée en hivernage. Alors, même si c'est mon travail depuis 2006, j'ose dire que je ne me plains pas en cette période. Je vends pour tous les goûts et tous les âges, en gros comme en détail. Et plus il pleut, plus la clientèle augmente", se réjouit-il.
Plus loin, comme on pouvait s'y attendre, c'est la bousculade, avec de longues queues au niveau des boutiques qui vendent en gros ces produits prisés. Il en sera ainsi jusqu'à la fin des pluies.