LE "SYSTÈME MAFFIEUX" DE WADE
Benoît Sambou, ministre-conseiller du chef de l'État
Ministre-conseiller personnel du chef de l’Etat, Benoît Sambou, se prononce, dans l'entretien qu'il nous a accordé, hier, sur des questions brûlantes de l’heure, dont l'affaire Karim Wade, le plan d'actions de l'opposition pour libérer ses «otages politiques», et le coup de gueule d'Amsatou Sow Sidibé. Et il faut dire que le chargé des élections de l'Alliance pour la République (Apr) n'y est pas allé du dos de la cuillère.
Quel commentaire faites-vous de la décision de la Cour suprême confirmant le verdict de la Crei dans l'affaire Karim Wade ?
Je dis souvent que je n’ai pas l’habitude de commenter les décisions de justice. Monsieur Karim Wade est un justiciable comme tout le monde. Il a été traduit devant une juridiction de notre pays pour des faits d’enrichissement illicite et de détournement de biens publics. Ma position sur la question est très claire. Abdoulaye Wade, lors de son passage à la tête de ce pays, a créé les conditions de dilapidation de ses ressources, et malheureusement, Karim Wade a été au cœur de ce système maffieux qui a été mis en place pour détourner les deniers de notre pays, pour enrichir de manière malhonnête un certain nombre de personnalités. De ce point de vue, je considère que la justice a dit le droit. Et par rapport à cela, maintenant, il faut que l’on ferme ce débat-là, que l’on ferme ce dossier. Je peux comprendre et accepter qu’il y ait des gesticulations politiciennes ou que ses avocats continuent à mener un combat, s’ils pensent qu’ils peuvent tirer leur client d’affaire, mais à ce niveau-là, je crois que le droit a été définitivement dit. S'il y a un combat politique qu’ils doivent pouvoir mener, ils sont libres de le mener. Le gouvernement a fait le travail qu’il devait faire, la justice a fait son travail. Maintenant, c’est à l’opinion de juger.
Vous parlez de fermeture du dossier Karim Wade, alors que ses avocats comptent internationaliser la lutte...
Ils n’ont qu’à l’internationaliser, mais aucune juridiction ne saurait être au-dessus des lois sénégalaises, au-dessus de la justice sénégalaise, parce que ce sont les deniers publics de notre pays qui ont été éprouvés, c’est la crédibilité de la gestion publique de notre pays qui a été mise à rude épreuve. Par rapport à cela, nous ne nous ferons aucun complexe, et aucune juridiction dans le monde, quelle que soit son influence, ne pourra décrédibiliser ou faire revenir la justice sénégalaise sur une décision souveraine.
Pour exiger la libération de leurs «otages» politiques, le Pds et ses alliés ont entamé une série de manifestations. Vous en dites quoi ?
Vous savez, ça, ce ne sont que des discours. Aujourd’hui, le Pds n’a aucune capacité de perturber la bonne marche de ce pays. De toute façon, les Sénégalais ne collent pas à ce combat. Les Sénégalais ne peuvent pas soutenir un combat qui est fait pour soutirer une personne des liens de la justice, une personne qui a contribué à mettre à genou l’économie de notre pays. En quoi Karim Wade serait-il plus important que tout autre justiciable sénégalais ? Nous avons un Etat régalien, un Etat qui est là pour prendre en charge les problèmes des Sénégalais. Et quelles que soient les gesticulations que le Pds pourrait faire, ça ne changerait absolument rien. Nous l’avons démontré à plusieurs reprises. L’Etat est bien tenu.
L’actualité récente, c’est le ralliement du leader de l’Urd, Djibo Kâ, dans la mouvance présidentielle. Une transhumance qui suscité beaucoup de commentaires...
Vous savez, le président de la République, bien avant l’entame de son mandat, a toujours souhaité avoir des Sénégalais autour de lui pour construire le pays. Et par rapport à cela, nous avons toujours fait fi des contingences ou des appartenances politiciennes. Si des gens choisissent de venir l’accompagner, choisissent de venir mener le combat pour le développement et l’émergence du pays à ses côtés, moi, je n’y trouve aucun inconvénient. Ce qui est important, c’est que nous puissions mettre en place un système et un dispositif pour que les gens respectent la vision du président de la République, restent dans le sens des actions qu’il est en train de mener pour l’émergence de notre pays. Que l’on vienne, aujourd’hui, ou hier, le plus important, pour moi, c’est que le président de la République puisse être en conformité avec ses engagements, avec les promesses, et avec la vision qu’il est en train de dérouler pour le développement de notre pays. Je ne me fais pas de fixation sur les gens, mais il faut que nous restions dans les principes de bonne gouvernance, dans les principes d’équité, dans les principes de justice, qui ont fondé l’Apr et qui guident l’action du Président Macky Sall tous les jours.
Le ministre-conseiller Amsatou Sow Sidibé a récemment déclaré, lors d'une émission télévisée, que le Sénégal est bloqué. Que vous inspire la sortie ce cette collaboratrice du chef de l'Etat ?
Vous savez, moi je considère que la loyauté doit être au cœur des principes qui gouvernent les relations entre les hommes. On ne peut pas travailler sous les ordres d’une personne, prendre l’engagement d’accompagner une personne, et tenir de tels propos sur la place publique. Elle a les moyens d’accéder au président de la République, et lui dire, en tant que conseiller, ce qu’il pense sur la marche du pays. Choisir ses voies, peut donner l’impression que c’est une forme de chantage. En tout cas, il n’y a pas plus grande déloyauté que ce type de comportement. Les gens ont la possibilité de dire au président de la République ce qu’ils pensent de la gestion du pays, de donner leurs avis sur la gestion du pays, maintenant, s’ils considèrent qu’ils ne sont pas écoutés ou que leur position n’est pas conforme avec la marche du pays, ils sont libres de partir. Ce n’est pas un problème, c’est la liberté de tout un chacun. Mais, encore une fois, il faut que, dans ce pays, nous apprenions à mettre la loyauté au cœur des principes qui gouvernent les relations entre les hommes politiques. Parce que nous avons une jeunesse à former, nous avons des principes à inculquer à notre nation, à nos concitoyens. Et ce type de comportement, à mon avis, ne va pas dans le sens de donner un bon exemple à notre jeunesse, à nos concitoyens et au monde entier.
Vous vous êtes lancé dans la massification pour une reconquête de la capitale du Sud, mais on a remarqué que certains de vos camarades ont créé des mouvements pour la réélection du Président Macky Sall. Est-ce que cela ne va pas à l’encontre de la dynamique unitaire déclinée par votre parti ?
Moi, je suis membre fondateur de l’Apr, je travaille à la massification de l’Apr, à la consolidation des principes directeurs qui ont fondé l’Apr, et je ne peux que travailler dans ce sens-là. Pour le reste, ceux qui pensent qu’ils peuvent mettre en place des mouvements pour accompagner le Président, libres à eux de le faire. Mais, il faudrait pour cela aussi, respecter les militants et les responsables de l’Apr, et éviter d’organiser une confusion entre le parti et les mouvements, éviter aussi de diviser le parti. Parce que, quand on met en place un mouvement, et que, dans le cadre de la massification du mouvement, on ne fait que détourner les militants de base de l’Apr vers ce mouvement, je ne crois pas que cela participe à la massification du parti, ça ne participe pas à apporter des électeurs en plus pour le président de la République. Donc par rapport à cela, ceux qui mettent en place des mouvements, ont le droit de le faire, mais ils doivent éviter d’être dans la confusion, et créer une ligne de démarcation entre le parti et les mouvements.