LES SYNDICATS D'ENSEIGNANTS OFFUSQUÉS
Impuissance de l'État à respecter les accords signés
La sortie du porte-parole du khalife général des Tidianes Abdou Aziz Sy Al Amine faisant état de l'impuissance de l'État à respecter les accords signés entre le gouvernement et les syndicats d'enseignants suscite un débat. Alors que ces derniers avaient donné leur assurance à Al Amine que les enseignements allaient démarrer le 5 octobre.
MAMADOU LAMINE DIANTE, SECRÉTAIRE GENERAL SAEMS-CUSEMS
"La déclaration du PM est malheureuse"
"En fait le 1er mai, 24 heures après notre rencontre avec monsieur le Premier ministre, nous avons rendu visite au marabout El Hadji Abdou Aziz Sy Al Amine. Nous lui avons fait le compte-rendu de notre rencontre avec le PM et les engagements qui ont été pris de part et d'autre. Nous lui avons dit notre ferme détermination à honorer la totalité des engagements qui ont été pris au nom des enseignants devant la république du Sénégal. Et Dieu sait que nous avons rempli notre part du contrat, dans la mesure où nous avons suspendu le mot d'ordre. Nous avons compensé les heures perdues, même si les ponctions n'ont pas été restituées. Nous avons participé à l'ensemble des examens ; même la prolongation d'une semaine qui a été faite sur l'année scolaire, nous l'avons acceptée et nous avons fait tout ce que nous devions faire en terme d'engagements. Au même moment, force est de reconnaitre que le gouvernement n'a pas respecté le moindre engagement pris et que monsieur le Premier ministre nous avait dit qu'il a constaté que le gouvernement n'a pas respecté les accords. C'est pour cette raison, en répondant aux appels de son patron, qu'il s'est engagé à donner des directives à appliquer à la lettre. Aujourd'hui, on se rend compte que ces directives n'ont pas du tout été respectées et ce n'est pas aujourd'hui qu'il va aller aviser le porte-parole du khalife général des Tidianes. La déclaration du PM est malheureuse. Lorsqu'on le rencontrait le 27 avril, puis le 30, nous avions considéré que c'était une autorité différente de celles qui étaient là avant. Mais aujourd'hui, nous considérons qu'il n'y a aucune différence entre lui et ceux qu'il a remplacés à ce poste. Parce que ce n'est ce qu'il nous avait dit. Il avait pris des décisions et personne ne lui a mis le couteau à la gorge. Il a pris des décisions en toute connaissance de cause. Maintenant, il s'est rendu compte que les services qui sont sous sa responsabilité ont défié son autorité. Je crois qu'il avait une autre attitude à adopter que de revenir sur ce qu'il avait dit."
Si le marabout avait toutes les informations…
"S'il avait toutes les informations, il est clair que sa position ne serait pas celle-là. Depuis le 1er mai, nous ne sommes pas retournés là-bas. Donc, il s'est basé sur nos propos du 1er mai, en comparant avec ce qu'on lui a dit. Le PM dit au marabout que nous demandons des milliards. Il savait, le 30 avril, si on demande des milliards ou pas. En réalité, il ne s'agit pas de cela. Ce ne sont pas des milliards que nous avons demandés. Nous avons demandé la mise à disposition de nos actes administratifs, la prise en charge financière des actes issus de l'opération coup de poing qui devait être fait, depuis le 31 juillet. Les rappels que l'on nous doit, c'est 1 milliard 600 millions F CFA qui ne sont pas payés. Donc, on ne demande pas le ciel et la terre à ce gouvernement. Les questions qui nous opposent aujourd'hui au gouvernement ne sont pas seulement d'ordre financière. Ce qui nous oppose, c'est simplement les questions liées à la carrière des enseignants, notamment la formation. Et c'est sur cela que l'on a insisté."
NDONGO SARR, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT CUSEMS
"Le gouvernement avait pris des engagements réalistes et réalisables"
"Je préfère pour l'instant prendre cette déclaration avec des réserves. Parce que nous ne pensons pas que le Premier ministre, qui lui-même a présidé les négociations et qui, à l'occasion, avait dit que le gouvernement avait pris des engagements réalistes et réalisables, puisse tenir ce discours. Toute la presse a été témoin, lors de la signature du protocole d'accord de 2014, lorsque M. Mansour Sy disait à qui voulait l'entendre que pour la première fois, contrairement à ce qui se faisait, le gouvernement avait signé des accords réalistes, réalisables. Au terme du processus de négociations, ils s'étaient engagés pour des choses qu'ils étaient en mesure de faire. Alors, qu'on nous serve des discours tout à fait opposés à cela n'est même pas bon pour les autorités, parce que cela sape l'autorité. La plus haute autorité de ce pays doit prendre une décision, après réflexions, après avoir pesé le pour et le contre. Maintenant, si ces propos ont bien été tenus par le PM, cela veut dire qu'on cherche tout simplement à ruser avec les organisations syndicales. Je ne pense que cela soit le rôle d'un État. Je ne sais pas le contexte dans lequel il l'a dit. J'ai vu dans la presse un article qui évoque cela. Vous comprendrez que je fasse des réserves par rapport à ces informations. En tout cas, ça me surprend. Si le PM a dit cela, je dois m'inquiéter pour l'avenir de ce pays."
"Nous n'avons jamais demandé l'impossible"
"Nous n'avons jamais demandé l'impossible. Vous savez, quand la carrière des enseignants est plombée, du fait de lenteurs administratives, je crois que réclamer n'est pas demander l'impossible. Nous avons demandé à ce que l'on rétablisse l'équité. Quand nous réclamons l'alignement de l'indemnité de logement, nous exigeons l'égalité. Que l'on nous traite comme l'ensemble des agents de l'État. Qu'il n'y ait pas de discrimination. Nous n'allons plus accepter cette inégalité. Les enseignants sont raisonnables. C'est peut-être qu'ils l'ont été pendant très longtemps d'ailleurs. Il faut que les autorités travaillent à corriger cette inégalité dans le système de rémunération des agents de l'État. Par rapport au slogan "Ubi tey grève tey", nous disons que cela ne nous engage pas. Nous avons une démarche participative. C'est un slogan dont nous n'avons pas la paternité."
AMADOU DIAOUNÉ, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL CUSEMS
"Le Premier ministre n'a pas le droit de renier les engagements signés"
"D'abord, je tiens à dire que le Sudes est en phase avec le fond de ce que le khalife général a dit. Chaque année, nous le rencontrons et c'est une analyse qui tient compte des enjeux de l'éducation. Ses analyses sur l'éducation et recommandations sont pertinentes. Maintenant, que le Premier ministre dise que le gouvernement ne peut pas satisfaire les enseignants, je ne sais pas dans quel contexte il l'a dit. En tout état cause, le Premier ministre ne peut pas, ou, en tout cas, n'a pas le droit de renier les engagements signés par son gouvernement. Ceux-ci sont clairs et nets. Le gouvernement a pris des engagements pour satisfaire ces revendications. Maintenant, nous ne disons pas que ces revendications doivent être satisfaites cette année. Il y a des engagements financiers qu'il faudra satisfaire cette année. Par exemple, le paiement des rappels d'intégration d'un milliard 600 millions. Pour ce qui est des autres revendications, les 26 milliards au titre du paiement du rappel de validation, nous n'avons jamais dit qu'il faut les payer cette année. Nous avons dit qu'une commission ad hoc doit examiner les modalités de paiement de ce rappel, c'est-à-dire, comment l'étaler dans le temps, d'un commun accord. Si le Premier ministre dit qu'il ne peut pas satisfaire les enseignants, son gouvernement a signé des accords et il faudra que ceux-ci soient respectés. C'est ça qui peut ramener la paix et la stabilité dans le système éducatif. Il faut que le gouvernement et les enseignants le comprennent. Et sous ce rapport, le porte-parole du khalife général des Tidianes a parfaitement raison."