LE PDS EN EAUX TROUBLES
Déboulonné du pouvoir, ne disposant même plus dans les faits, de groupe parlementaire, après que Fada et Aliou Sow en eurent trusté les postes. Abandonné par ses grosses pointures, piloté à distance par un Chef diminué et quasiment contraint à l'exil
Jamais, en quarante-deux ans d'existence, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS), n'aura été aussi empêtré dans le doute, et enlisé dans ses indescriptibles contradictions. Il apparaît comme un bateau sans timonier, qui vogue dans des eaux troubles. Balloté tribord et bâbord, il tangue avec des instruments de navigation détraqués, diffusant des messagers et signaux confus et incohérents. La rocambolesque libération de Karim Wade intronisé candidat du parti, par la seule volonté du père, a sans doute brouillé les cartes et embrouillé les esprits de ses dirigeants. Ou plutôt de ce qui en reste.
Le Président Macky Sall a fait usage de toutes les facettes de la stratégie politique pour contenir le PDS et favoriser son implosion. Rien n'a été laissé au hasard, entre les débauchages politiques, au plan national et local, la libération organisée de ses dirigeants politiques sous le coup de poursuites judiciaires pour voies de fait ou enrichissement, la pression judiciaire sur les autres en liberté surveillée.
Mais surtout, le dé-tricotage du lien qui se tissait entre Idrissa Seck Président du Rewmi et le Président Wade, pour un hypothétique regroupement de la famille libérale. Résultat, alors que le PCA déclaré du PDS, Idrissa Seck espérait reconquérir l'armée libérale, il se retrouve aujourd'hui dans une violente contradiction avec ses frères libéraux. Aucune perspective de rapprochement Rewmi et le PDS ne semble se dessiner à onze mois des législatives de 2017 ravalant aux calendes libérales une coalition forte contre la majorité actuelle dans l'espoir de lui imposer une cohabitation.
Bien au contraire, le fossé se creuse entre les ex-frères sur un fond de dénonciation, d'accusation et d'innommables injures. Les virulentes diatribes entre Idrissa Seck et Oumar Sarr et les grivoiseries insolentes entre le patron du Rewmi et Samuel Sarr, dépassent tout entendement. Dans le même temps, les rapports des hommes qui composent encore le comité directeur du PDS sont teintés de soupçons et d'accusation de déloyauté envers Me Wade. A Doha, Karim Wade tire les ficelles et semble avoir jeté son dévolu sur le porte-porte du Parti Babacar Gaye. Ce dernier qui dans l'émission Sans Détour qui sera diffusé prochainement affirme clairement être le seul interlocuteur de Karim dont il est l'œil, la voix et l'oreille, à travers les conversations journalières qu'ils entretiennent.
Et pourtant Oumar Sarr continue gaillardement à assumer les fonctions de Coordination du Parti et numéro 2 et d'assurer la représentation du PDS dans les instances nationales et internationales. C'est quasiment à ne rien y comprendre. Comme à son habitude le vieux chef calfeutré à Versailles tire les ficelles et offre ses onctions à géométrie variable, selon ses humeurs. Et au gré de ses alliances et mésalliances.
Mais, sa force de frappe le lâche. Il n'est que l'ombre d'un chef esseulé, rassuré de retrouver son fils après plus de trois de bagne. Si cette consolation suffit à son bonheur, elle ne suffira pas à le rassurer sur l'avenir de son parti en lambeaux. Se sentant trahi et abandonné, il ne peut constater avec un compréhensible dépit, que le PDS se désintègre comme un gros astre réduit en une constellation de petites et pâles étoiles.
Aujourd'hui, il subsiste, pas moins de sept partis tous dirigés par ses proches collaborateurs, tous, excroissance du PDS originel. Sans compter ceux qui sont allés brouter dans les prairies de l'APR. Partagé entre le désir d'exister malgré les maigres perspectives de reconquête et l'attrait du pouvoir avec toutes les opportunités adjacentes, le PDS ou plutôt ses reliques, alterne le discours consensuel et bienveillant envers le pouvoir et momentanément une incandescence verbale des plus surprenantes. Lors de son dernier comité directeur, les admonestations faites au régime en place, sont tellement corsètes et dures, qu'elles déboussolent tous les observateurs qui prédisaient un inéluctable, rapprochent des frères libéraux.
Récemment lors de la passe d'armes entre apéristes et rewmiistes, sur le Protocole de Rebeuss, le PDS a volé au secours des premiers, pour accuser Idrissa Seck de tous les péchés d'Israël. Au point que des grincements de dents fusaient des rangs du PS et de l'AFP craignant un rapprochement des frères fut à jamais scellé. Mamadou Diop Decroix, Coordonnateur du FPDR semblait même isolé dans sa radicalité envers le pouvoir, au moment où le PDS prenait officiellement part au dialogue du 28 mai dans une résonante cacophonie.
Le ton dénonciateur du comité directeur semble donc annoncé la rupture d'un processus de rabibochage, même si Babacar Gaye, imagine une certaine forme de "coopération politique" avec l'APR. Allez savoir, comment, quand, jusqu'où et pour quelle finalité ? Le PDS vit de sa culture d'ambivalence, Me Wade ayant fait de la logique nuancée, un levier de pirouette, pour changer de posture autant de fois qu'il le voudrait. Le PDS assume l'héritage.
Mais ses marges sont devenues plus que jamais étroites. Déboulonné du pouvoir, il ne dispose même plus dans les faits, de groupe parlementaire, après que Modou Diagne Fada et Aliou Sow en eurent trusté les postes. Abandonné par ses grosses pointures, piloté à distance par un Chef diminué et quasiment contraint à l'exil, dirigé par procuration par un fantomatique leader fié à Doha, le PDS semble de plus en plus se réduire en un simple label politique, qui vit sur son passé fait de gloire et de décadence. Mais, il semble avoir fini depuis mars 2012 de vivre ses rêves de revenir au pouvoir.
Me Wade rêvait que les libéraux (lesquels) dirigeraient le Sénégal pendant cinquante ans. Soit dix de plus que le PS de l'après indépendance. Le PDS originel, c'est connu n'en prend pas le chemin. Et à moins de vouloir capitaliser le règne de Macky Sall comme la continuation de son pouvoir, on voit mal comment le PDS, pourrait croire à ces rêves insensés.
Babacar Gaye nous a révélé dans l'émission Sans Détour que Karim Wade, peu de temps son inculpation, lui avait fait la confidence et le serment de poursuivre une carrière politique. Non pas par sa seule volonté, mais parce que nous, a-t-il confié, les circonstances (lesquelles) le lui imposaient. Avec tout ce qu'il a vécu pendant son embastillement et au vu de la déliquescente trajectoire du PDS, il aurait fort à faire s'il gardait la même détermination.
Mais, a contrario, cette douloureuse séquence carcérale, pourrait bien le ramollir et l'emmener à vivre tranquillement dans les lambris dorés de l'Emirat du Qatar. Cette vision nous semblerait plus probable, vu l'état désastreux du PDS. Mais, les derniers mohicans du PDS semblent pourtant, déterminés à tenir la barque. Ils soutiennent que leur parti a toujours résisté aux assauts de toutes parts, durant sa tumultueuse histoire. Cela n'est pas moins vrai.
En effet, même durant les années de braises de1974 à 2000, période pendant laquelle, il a subi des exactions politico-judiciaires de toutes sortes, il a toujours su survivre à ces violences protéiformes. Débauchages massifs de cadres et militants de base, violences policières, séjours carcéraux à répétition, accusations de complot, fraudes électorales, rien assurément ne lui a été épargné.
Mais comme un roseau, il a souvent plié, mais jamais rompu. Le pouvoir socialiste de Senghor à Diouf, n'avait pas dans sa culture politique, inscrit ni l'alternance démocratique, ni une réelle séparation des pouvoirs. Les libertés démocratiques figées dans la constitution restaient au stade formel, pour la vitrine extérieure. Mais à l'intérieur, il déclinait une approche politique autoritaire, avec certes une administration compétente et bien formée, mais aux résultats socioéconomiques maigres.
Associé à la gestion du pouvoir, à la fin des années 80, après une série de pressions socio-politiques, le PDS s'est tout au plus initié à la gestion du pouvoir, pour en découvrir les immenses opportunités… patrimoniales. Le tournant politique de 1992, la mise en place d'un code électoral consensuel et crédible, l'installation de structure d'observation et de contrôle des élections, la neutralité et le professionnalisme de l'administration, mais aussi le rôle éminent des forces de gauche dans la constitution d'unités d'actions quasi organiques, ont permis d'assurer la première alternance démocratique de 2000. Suffisamment historique pour que le PDS entrât de fort belle manière ; dans l'histoire !
Mais Me Abdoulaye Wade, premier opposant à rompre un règne, omnipotent de 40 ans des socialistes, a su très vite transformer à son profit exclusif, ce triomphe de la CA 2000. Progressivement, il s'est débarrassé avec une désopilante désinvolture de ses anciens alliés en installant un pouvoir libéral, source des plus inimaginables dérives. La suite c'est douze ans de pouvoir aux allures rocambolesques, alliant une impressionnante réussite dans les infrastructures et quelques secteurs sociaux, avec une chaotique redistribution des richesses, des bradages fonciers, des enrichissements illicites à des niveaux incroyablement étendus et élevés, dignes d'un pays de cocagne.
Le rebondissement des scandales du "Protocole de Rebeuss", vient de nous en administrer la preuve. La perte du pouvoir en mars 2012, au profit d'une coalition (dirigée par l'actuel Président Macky Sall) à l'identique de celle de CA 2000, a, certes plongé le PDS dans l'embarras. Mais, d'aucuns, à l'intérieur comme à l'extérieur du Parti, pensaient que l'édifice n'allait pas pour autant se fissurer aussi rapidement. L'actuel pouvoir issu d'une bonne part du PDS, lui a servi, les mêmes recettes que celles que Me Wade avaient à partir de mars 2000, réservées aux socialistes : violences policières, emprisonnements, traques politiques, avec un relent vindicatif inspiré par le même état d'esprit, qui a conduit à l'éviction en 2008, de celui qui peu après créera l'APR, avec d'autres forces politiques et sociales en appoint.
En dépit des sporadiques coups de griffes de Chef virtuel, le PDS ne se remet toujours pas des coups de boutoirs du régime actuel. Il est installé dans un inexorable doute. Avec une trajectoire politique illisible, une profonde crise d'autorité, des dirigeants désemparés et asymétriques, sans projet de société mobilisateur, dépouillé de toute confiance populaire, le PDS va certainement continuer d'exister. Comme, au reste, existent le PS, l'AFP, les partis de gauche à l'image de forces d'accompagnent du pouvoir et non comme une sérieuse alternative au pouvoir en place. En attendant que de nouvelles forces viennent offrir à notre démocratie, une nouvelle pratique politique, véritablement alternative.